vendredi 17 juin 2016

Ne me presse pas de t'abandonner



Ruth 1, 16-22


Le texte (traduction œcuménique de la Bible) :
« Ruth dit: ‘Ne me presse pas de t'abandonner, de retourner loin de toi; car où tu iras j'irai, et où tu passeras la nuit je la passerai; ton peuple sera mon peuple et ton dieu mon dieu;
 17 où tu mourras je mourrai, et là je serai enterrée. Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce n'est pas la mort qui nous sépare !’ »
 18 Voyant qu'elle s'obstinait à aller avec elle, elle cessa de lui en parler.
 19 Elles marchèrent donc toutes deux jusqu'à ce qu'elles arrivent à Bethléem. Voilà que, lorsqu'elles arrivèrent à Bethléem, toute la ville fut en ébullition à leur sujet. Les femmes disaient: ‘C'est Noémi ?’
 20 Mais elle leur dit: ‘Ne m'appelez pas Noémi ! Appelez-moi Mara ! Car le Puissant m'a rendue amère à l'extrême.
 21 C'est comblée que j'étais partie, et démunie me fait revenir le Seigneur. Pourquoi m'appelleriez-vous Noémi, alors que le Seigneur a déposé contre moi et que le Puissant m'a fait du mal ?’
 22 Ainsi revint Noémi, et avec elle Ruth la Moabite, sa belle-fille, celle qui est revenue de la campagne de Moab: elles arrivèrent à Bethléem au début de la moisson de l'orge »

Prière (suggérée par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »

Lecture verset par verset :
Rappelons brièvement le contexte de ces versets.
Au début du récit, le narrateur campe la situation d’un couple d’émigrés de Juda. L’époux s’appelle Elimélek et sa femme, Noémi. Deux fils sont nés de cette union, Mahlôn et Kilyôn. La famille s’est installée en Moab, terre étrangère, pour échapper à une famine en leur pays. Les deux fils y ont épousé des femmes de cette contrée, du nom d’Orpa et de Ruth.
Mais Noémi doit faire face à des épreuves successives : elle perd successivement son mari et ses deux fils.
Ayant entendu que le pain était de retour dans sa patrie, à Bethléem (« maison du pain »), Noémi se met en route et renvoie ses deux belles-filles à leur famille respective.
Orpa finit par accepter, mais Ruth n’y consent pas… Le verset 16 nous rapporte sa réponse.

(v. 16-17) « Ne me presse pas de t'abandonner, de retourner loin de toi… »
On remarque l’insistance de Ruth qui ne veut ni abandonner sa belle-mère ni s’éloigner d’elle. En plus de la suivre, elle décide de renoncer à ses origines, ethniques et religieuses. Rappelons que le peuple Moabite n’était pas considéré positivement par les Hébreux. En effet, lors de la sortie d’Egypte, Moab n’avait pas été une terre hospitalière (Nb 22).
Néanmoins, cette étrangère prouve sa fidélité à une femme d’Israël : « ton peuple sera mon peuple et ton dieu mon dieu ». Le dieu qu’elle veut honorer est appelé « le Seigneur » : il s’agit bien de celui d’Israël, dont elle accepte de souffrir la sanction si elle se sépare de sa belle-mère : « Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce n'est pas la mort qui nous sépare ! ».
Au niveau de la datation, le début du livre évoque la période des Juges (12e siècle avant Jésus-Christ), mais son écriture pourrait se situer à une époque de réformes s’opposant aux mariages avec des étrangères (sous Esdras et Néhémie, de l’époque Perse).
Quant à nous, ce livre peut également nous inspirer, lorsque la peur de l’étranger affleure. Il me semble qu’il reste tout à fait actuel…

(v. 18) « Voyant qu'elle s'obstinait à aller avec elle, elle cessa de lui en parler »
Devant l’insistance de sa belle-fille, Noémi consent à sa demande et l’emmène dans son pays.

(v. 19-21) « … toute la ville fut en ébullition à leur sujet. Les femmes disaient : ‘C'est Noémi ? ’… »
De retour à Bethléem après une si longue absence, Noémi est reçue en sa patrie. L’expression « être en ébullition / en émoi » ne permet pas de qualifier l’accueil qui lui est accordé.
On dirait que les femmes la reconnaissent avec peine : « C'est Noémi ? ». Les épreuves endurées ont dû modifier les traits de son visage.
En guise de réponse, elle ne peut qu’évoquer sa souffrance : « Ne m'appelez pas Noémi ! Appelez-moi Mara ! Car le Puissant m'a rendue amère à l'extrême… ».
Remarquons que le livre de Ruth regorge de noms symboliques.
Ci-dessus, nous évoquions les deux fils de Noémi, Mahlôn et Kilyôn : leurs noms signifient « Maladie » et « Fragilité ».
Si « Orpa » signifie cette « nuque » qu’on tourne en parlant (symbole de la défection), Ruth signifie « réconfortée ».
De retour en sa patrie, l’héroïne préfère à son nom Noémi (« ma gracieuse ») celui de Mara (« amère »).

Le Seigneur est ici mis à mal, reconnu coupable du mal subi. Noémi insiste sur le contraste entre son départ vers l’exil, dans un temps de famine (« C'est comblée que j'étais partie… ») et son retour, toutefois accompagnée de sa belle-fille (« démunie me fait revenir le Seigneur »).
Rappelons qu’une femme privée de son mari l’était aussi de moyens de subsistance. Il est superflu d’ajouter que la perte de deux fils est une souffrance inqualifiable…

(v. 22) « Ainsi revint Noémi, et avec elle Ruth la Moabite, sa belle-fille, celle qui est revenue de la campagne de Moab: elles arrivèrent à Bethléem au début de la moisson de l'orge »
On remarquera l’insistance du narrateur : Ruth est toujours qualifiée de l’appellation « la Moabite ». On se souviendra que, parmi tous les ancêtres du Messie, son nom réapparaîtra dans la généalogie de Jésus selon St Matthieu : « Salmon engendra Booz, de Rahab, Booz engendra Jobed, de Ruth, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David… » (Mt 1, 5-6).
Ruth sera ainsi la grand-mère du roi David… Dieu consent à faire d’une étrangère un maillon de la lignée, lorsqu’Il désire apporter le Salut aux hommes. Il n’a pas choisi pour Son fils une généalogie qui met en valeur la pureté de la race. Il lui a préféré celle du cœur…


Prière :
Seigneur, en ces quelques versets, Ruth nous montre jusqu’où peut conduire la fidélité, le don de soi, la joie d’aimer. Par elle, tu nous offres une Parole…  
Pour Ruth qui nous montre le chemin du bonheur, Seigneur, sois béni !
Amen.

sr Marie-Jean

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