mardi 28 février 2023

Liturgie de la Parole, 1er mardi de Carême

(Rosy)

Ouverture

Aujourd’hui, nous recevons deux textes capables de nous entrainer joyeusement sur notre route de Carême. Textes très connus, puisque nous chantons ou disons le Notre-Père plusieurs fois par jour.

Quant au texte d’Isaïe, il fait partie de la vigile pascale et il a été proclamé ici, pendant un bon nombre d’années. Car il s’apprend par le cœur comme un merveilleux poème qu’il est.

Et voilà que, dans les lectures de ce jour, ils sont appelés à se répondre autour du thème de l’efficacité de la Parole. Nous allons y réfléchir ensemble après le chant des psaumes.

 

Commentaire

Esaïe (55) met une grande promesse dans la bouche du Seigneur :

«  Ma parole, qui sort de ma bouche,

ne me reviendra pas sans résultat,

sans avoir fait ce qui me plaît,

sans avoir accompli sa mission. »

La Parole de Dieu est efficace !

Voilà sans doute ce qu’il faut retenir des lectures de ce jour.

Voilà qui nous donne foi, espérance et grande joie.

Voilà qui nous permet de mettre toute notre confiance en Dieu.

 

Dans les versets précédents, Esaïe pose quelques conditions :

Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez.

Il faut donc choisir la Vie, et pour cela venir au Seigneur et écouter… la Parole, sa Parole, celle qui sort de sa bouche, celle qui est lui-même.

Il invite à venir « boire » gratuitement cette Parole déjà comparée à de l’eau nourricière.

 

La pluie va en effet abreuver la terre, la féconder, la faire germer.

Le but est précis : donner la semence au semeur (pour assurer la fécondité)

et donner le pain à celui qui doit manger.

Parole et Pain sont deux notions qui s’enchevêtrent tout au long de la Bible.

Parfois, d’ailleurs, nous parlons du pain de la Parole.

 

La parole de Dieu est-elle efficace sans condition ? Ce serait sans doute bien facile pour nous… mais je crois que Dieu veut trouver des cœurs ouverts et avides pour que s’y enracine sa parole.

Il veut que nous le lui demandions ! Sans rabâcher !

Il a donné le mode d’emploi :

 « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas

votre Père sait de quoi vous avez besoin

Vous donc, dit Jésus, priez selon les demandes qui plaisent à votre Père :

que son nom soit sanctifié,

que son règne vienne,

que sa volonté soit faite

qu’il nous donne-nous notre pain de ce jour.

 

Alors la Parole pourra réaliser « ce qui plaît à Dieu ».

Elle pourra revenir en disant « mission accomplie »

 

Et nous, notre parole est-elle efficace ?

Si la Parole du Seigneur vient accomplir sa mission, nous, nous en sommes partenaires.

Nous sommes à notre tour envoyé en mission.

Habités par l’Esprit, nous somme appelés à offrir une parole de libération, une parole de consolation, une parole de bénédiction. Toute parole de bénédiction ne serait-elle pas efficace et terreau de vie ?

Soyons attentifs à nos frères et sœurs, conscients de la force de notre parole reçue du Seigneur. Prêtons l’oreille à ce qui plaît, soyons de bons serviteurs qui transmettent la Parole de Vie.

 

Notre Père,

Prions ensemble le Notre Père, attentifs à chaque demande que nous formulons.

 

Oraison

Seigneur, nous te prions pour que nous soyons attentifs à ton appel quand tu nous dis :

Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez !

Donne-nous de croire à l’efficacité de ta Parole.

Attire-nous à toi et donne-nous de partager ta Parole et ta Vie.

Toi, le Vivant, aujourd’hui et pour toujours.

jeudi 23 février 2023

Liturgie de la Parole, jeudi après les Cendres

 (Danièle)

Introduction

Aujourd'hui, le fil conducteur entre les deux lectures, c'est le choix. Dans le texte du Deutéronome,  Moïse demande au peuple de choisir entre la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur.

Jésus, dans l'évangile de Luc propose de sauver sa vie en marchant à sa suite ou bien de la perdre dans le cas contraire. Il nous invite à porter notre croix chaque jour.

En ce premier jeudi de carême, ces deux lectures nous proposent une piste pour accompagner Jésus sur le bon chemin, aimer le Seigneur et renoncer à nous-mêmes.

En route vers la joie de Pâques, nous avons matière à réflexion pour vivre ce temps de changement qui nous conduit vers la résurrection.

 

Après l’Évangile

 Dans le Deutéronome, Moïse disait  « vois, je mets devant toi un choix, ou bien la vie ou bien la mort ». Dans l'évangile, Jésus nous donne aussi un choix, sauver sa vie en marchant à sa suite ou bien la perdre. Mais pour marcher à sa suite, il faut porter sa croix chaque jour.

Je me souviens d'une réflexion d'un de mes fils en voyant affiché sur le mur de la cuisine le « poème » de Jean Debruynne « porter sa croix ». Sans l'avoir lu, il me dit « comment peux-tu aimer ça ? Comment peux-tu avoir envie de souffrir ? Faut être maso pour cela, Je comprends pourquoi les vieux, dans les églises tirent une tête jusque par terre ». Comme moi pendant longtemps, il n'avait pas compris ce que « porter sa croix » voulait dire. Je pensais qu'il fallait se mortifier. On nous disait « fais des sacrifices, tu peux bien faire ça pour Jésus, Lui qui a tant souffert pour toi »... Comme si on avait une dette envers Dieu. Comme si la mort du Christ pouvait être rachetée par nos sacrifices alors que toute une vie ne suffirait pas. Jésus n'a pas donné sa vie pour nous rendre malheureux ni pour nous demander de racheter ses souffrances, il l'a donnée gratuitement, par amour.

Il nous faut donc faire un choix, tel le peuple hébreux qui arrive en terre promise après 40 ans, jusqu'alors, ils vivaient sous la dépendance de Dieu et  Moïse les guidait, maintenant, ils se trouvent devant une page blanche. Si ils se croient « arrivés », grâce à eux, ils risquent d'oublier Dieu. C'est pour cela que Dieu les met en garde « choisis la Vie ! Écoute la voix du Seigneur, aime ton Dieu... » C'est un peu comme jadis, le prêtre du village dictait les règles de conduite à ses paroissiens, il les guidait et tout le monde obéissait, sans réfléchir, les églises étaient pleines. Maintenant, nous devons continuellement faire des choix, nous sommes libres.  Il nous faut suivre son chemin. Quand on fait une randonnée, il y a des couleurs sur les arbres, les différents parcours sont balisés et il n'est pas question de changer de couleur à chaque carrefour, sinon on se perd, on risque de tourner en rond. Donc il faut rester fidèle à une seule couleur, un seul chemin. Il faut choisir : la bénédiction ou la malédiction. La bénédiction c'est le don de Dieu, son alliance. La malédiction c'est oublier les commandements, c'est quand on ne respecte pas Dieu et les autres. Ce n'est pas une punition, c'est une conséquence.

« Si tu détournes ton cœur, si tu sers d'autres dieux » telle la course à l'argent, la recherche de biens superflus... « Quel avantage un homme a-t-il à gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine lui-même ? » dit Jésus dans saint Luc.

La foi est déjà un choix, une décision, Dieu ne demande pas des choses impossibles, en plus, il est à nos côtés.

Porter sa croix, c'est renoncer à soi-même, à son ego surdimensionné. La croix, ce sont nos maladresses, nos erreurs...

La semaine dernière, dans l'évangile de Marc, comme aujourd'hui, Jésus annonçait qu'il fallait qu'il souffre beaucoup, alors Il rabrouait Pierre qui voulait défendre son ami, l'empêcher de souffrir et de mourir.

A ce propos, le Père François de Wavreumont a dit ceci « Pour venir avec moi » dit Jésus «  il ne faut pas venir avec ses projets personnels. Il faudra m'aider à porter ma croix ».

Bon carême ! Bonne montée vers Pâques !

 

Invitation au Notre Père

Dieu est notre Père, il reste à nos côtés.

Prions-le avec les paroles que Jésus nous a apprises.

 

Prière finale

Seigneur, tu es bon, tu es amour et pardon. Aujourd'hui, tu nous demandes de renoncer à nous-mêmes et de te suivre.

Aide-nous à nous effacer sans difficultés et  à être heureuses d'écouter ta Parole.

Pendant ce temps de carême, rends-nous humbles afin que notre cœur soit toujours dynamisé dans l'amour et le respect des autres.

Tu partages notre vie, aide-nous à porter notre croix dans la joie de te suivre.

Nous te le demandons à toi qui vis et règnes maintenant et pour les siècles des siècles.

 Source d'inspiration : le blog : valence.cef.fr

mardi 21 février 2023

Liturgie de la Parole, 7e mardi TO

 (Isabelle Halleux)

 Introduction

J’ai demandé à Mr Google : « Qui est le plus grand ? » - c'est de cela que parle l’évangile du jour : Mc 9, 31-37. Il m’a répondu que c’était un turc, Sultan Kösen, avec une taille de 2,51m.

Je devais donc préciser. J’ajoute le mot clé « Jésus » : « Qui est le plus grand - virgule - Jésus ». La réponse devient : « le Cristo de la Concordia à Cochabamba », 35m sur son piédestal, plus haut que celui de Rio. C’est vrai qu’il est grand…

Je réajuste encore avec le mot clé « Marc » (l’évangéliste, que j’écris bien avec un « c »). Et il me répond … « Apple ». Une grande marque, en effet.

Vous comprenez pourquoi je m’adresse encore une fois à ChatGPT qui, elle, me répond : « le plus grand qui ou le plus grand quoi ? » Quand je lui dis que c’est en référence à l’évangile de Marc, elle me répond sans hésiter : « celui qui est serviteur ». C’est beau l’intelligence Artificielle... 

 La première lecture, de Ben Sira le Sage (Si 2, 1-11), parle de ce qui attend celui qui se met au service du Seigneur. « Prépare-toi à subir l’épreuve », dit-il, vois ce qui s’est passé avec les générations précédentes (elles ont survécu) et « mets ta confiance dans le Seigneur (…) qui est tendre et miséricordieux ».

 Avant d’écouter ces lectures et de nous laisser porter à y réfléchir, entrons en prière avec le chant des psaumes.

 

Méditation

« Qui est le plus grand ? » se demandent les douze. « Celui qui sert ! », dit Jésus.

 Servir est un don de Dieu, une grâce ; « cela nous configure au Christ (1) ».

 Servir est « une vocation (2)», un appel qui transforme.

 Servir est la « clé de la vie en Christ (3)».

 Servir c’est une marche à contre-courant du chacun pour soi, c’est un perpétuel mouvement de sortie de soi, « une expropriation de soi-même (4)».

 Servir, c’est mettre l’évangile en acte. C’est vivre selon « la règle (5)».

 Servir, c’est une manière de vivre qui accroît notre « poids d’être (6) » : on devient pleinement humain en servant.

 Servir, c’est la plénitude d’être, la béatitude par excellence, une béatitude qui englobe toute les autres.

 Jésus est service. Devenons service. 

Service rime avec Amour.

 

Invitation au Notre Père

Avec Jésus, redisons la prière à son père…

 

Prière finale

Seigneur, tu nous as choisis pour servir et tu as donné à chacun, chacune, de nous les dons pour. Aide-nous à toujours re-découvrir ces dons, à les apprécier et à les utiliser, chacun, chacune suivant nos possibilités. Fortifie-nous. Renouvelle en nous ton esprit de Service, dans l’amour des autres, dans l’amour de Toi.  Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, ton serviteur par excellence, qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, maintenant et à jamais.

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(1) Gérald Chaput (lire aussi Vocation : Servir - http://www.prier.be/textes/PR1049.HTM)

(2) «Nous sommes faits pour servir le Seigneur et servir les autres», Pape François à l’occasion de l’année de la vie consacrée (2015)

(3) Eric Denimal

(4) Maurice Zundel

(5) de Saint Benoît

(6) Litta Basset

mercredi 15 février 2023

Liturgie de la Parole, 6e mercredi TO

 (Rosy)

 Ouverture

Les deux textes qui nous sont offerts aujourd’hui sont la suite immédiate de ceux de hier : le récit du déluge et la prédication de Jésus en Marc. Il me fallait donc choisir… entre les oiseaux et les arbres…

Pourtant, dans ces deux récits apparemment très éloignés l’un de l’autre, apparaît un thème commun interpellant : celui que j’appellerais la politique des petits pas, de la progression par échecs et erreurs, de la reconnaissance des limites… Mais, si cela est assorti de patience, persévérance, fidélité, alors, au bout, il y a la renaissance, la vie.

Peut-être cette clé peut-elle accompagner notre écoute de ces beaux textes.

Mais chantons d’abord les psaumes.

 Commentaire

Sur notre route, nombreux sont les semi-échecs, les semi-réussites, les limites qui font que nous devons nous y reprendre encore et encore.

Voilà qui est clairement souligné dans le passage du récit du déluge que nous venons d’entendre.

Si vous permettez que j’entre dans l’esprit du mythe, le premier à s’être trompé, c’est le Créateur lui-même ! Sa création était « bonne », la création de l’humain était « très bonne ». Et voilà que tout a déraillé au point que Dieu a – quasi – détruit toute son œuvre. Et qu’il s’en repend : « Jamais plus je ne maudirai le sol… jamais plus je ne frapperai tous les vivants. » Ouvrant ainsi la voie à la re-naissance et à la progression de l’humanité.

Restons dans le récit du déluge et arrêtons-nous à la mission donnée aux oiseaux. On ne sait pas combien le corbeau fit d’aller et retour ; les traductions de cette expression varient beaucoup mais celle de notre texte liturgique implique qu’il fit preuve de beaucoup de patience, de persévérance, de fidélité. Quant à la colombe, nous lisons que Noé l’envoya par trois fois et qu’elle ne disparut qu’après avoir accompli sa mission.

Car le but de tant d’efforts et de patience,– et on pourrait reprendre tout le récit du déluge – est bien la Vie, le salut. Au bout des échecs et des limites, il y a bien le renouveau.

Cela fut clairement exprimé dans l’expression « Le moment de Noé » du pape François dans l’ouvrage « Un temps pour changer » publié en 2020. Il désignait ainsi la crise du Covid vue par beaucoup  comme une étape pour l’humanité, un moment de rupture avec le monde d’avant.

Cette formule me paraît particulièrement opportune en ces temps où chacun s’interroge sur « le monde d’après ».

Que nous considérions les crises traversées par l’humanité, ou tous les obstacles que nous rencontrons, toutes les ornières au bord de nos routes, il y a la promesse d’un monde nouveau que nous redit le Seigneur.

  Ainsi, bien sûr, dans la péricope évangélique. Qu’est-ce qui fait le propre de cette guérison ?

Je relèverai trois points :

-       D’abord, il y a beaucoup plus de gestes que de paroles, et Jésus fait beaucoup plus que ce qu’on attend de lui. Aucune demande, aucune référence à la foi, aucun ordre.

-       2e point, il conduit l’homme à l’écart, il le guide lui-même par la main, prenant en quelques sortes le relais des gens qui l’ont amené. Ils sont seuls, à l’écart : aucun témoin ! Ce qui est peut-être un cas unique.   Et puis, il y a cette question, unique elle aussi : « Aperçois-tu quelque chose ? ». Jésus connait chacun, il sait qu’il ne peut pas encore dire à cet homme « Ta foi t’a sauvé ». Il sait qu’il y a encore en lui bien des obstacles, bien des doutes. Alors, il patiente, il pose une question. Pas une question de reproche comme celles qui ont déferlé hier : rappelons-nous : « Pourquoi discutez-vous ? Vous ne saisissez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Vous avez le cœur endurci ? Vous ne vous rappelez pas ? » Non, une question pour que l’homme regarde ! « Aperçois-tu quelque chose ? ». L’homme leva les yeux, dit notre traduction, il ouvrit les yeux, dit l’ancienne traduction liturgique, il regarda disent la plupart des autres bibles. Donc, avant la question de Jésus, l’homme de voyait pas, mais il ne regardait pas non plus ! Et maintenant, il voit, mais de façon tronquée, étrange. Le symbole des arbres est magnifique mais nous entrainerait trop loin. Observons plutôt la réaction de Jésus : ni déception, ni reproche, ni conseil du style « tu peux le faire, tu vas y arriver ! » Non, sa réaction est de donner encore, de reproposer un geste - l’imposition des mains - qui amènera la transformation à son but. La perfection de la guérison est répétée trois fois : « il se mit à voir normalement, il se trouva guéri, il distinguait tout avec netteté ». 

Cet aboutissement dans une certaine perfection est d’ailleurs bien présent dans le récit du déluge : non seulement la colombe revient, mais elle revient avec un rameau d’olivier, et ce rameau est tout frais.

Je voudrais enfin souligner un mouvement présent dans les deux récits. Il y a d’abord une situation de retrait : Moïse seul avec sa famille sur l’immensité inondée, l’aveugle seul avec ses amis dans la foule, puis amené à l’écart par Jésus. Après la transformation, on passe du retrait au retour au quotidien. Moïse et sa famille vont reprendre leur travaux :  « Noé, homme de la terre, fut le premier à planter la vigne » nous apprend le chapitre suivant.

Et l’ancien aveugle est encore plus clairement envoyé chez lui : « Jésus le renvoya dans sa maison en disant : « Ne rentre même pas dans le village. »

Nous savons que le Seigneur nous y accompagne. Qu’il ouvre nos yeux devant les déluges de notre temps et veille sur nous

Notre Père

Dieu notre Père, tu veilles sur tes enfants et les combles de tes dons. Tous ensemble, nous nous tournons vers toi.

 Oraison

Nous te prions, toi, le Dieu fidèle : tu vois nos faiblesses, nos hésitations, nos doutes, tous nos aveuglements. Mais tu ne renieras jamais ton alliance, telle que tu l’as redite tout au long de l’histoire de ton peuple. Donne-nous de croire en ta promesse et d’accueillir tes dons chaque jour.

Nous te le demandons, à toi qui vis avec Jésus ton fils et l’Esprit Saint, aujourd’hui et pour toujours.


lundi 13 février 2023

Liturgie de la Parole, 6e lundi TO

(sœur Marie-Raphaël)

Ouverture

Première fratrie, premier fratricide…

L’auteur biblique poursuit sa réflexion sur l’origine du mal, de la violence, de la mort. Il coule sa réflexion dans un récit : un récit chargé d’énigmes, qui a le don de nous renvoyer un miroir de notre propre cheminement. Si nous avions été à la place de Caïn, qu’aurions-nous fait ? Quand les Pharisiens viennent demander à Jésus un signe venant du ciel, alors que Jésus vient de réaliser devant eux le signe des pains partagés à une foule de 4000 personnes… Jésus soupire profondément. Il voudrait tant que les Pharisiens comprennent ! Quel signe pourrait les convaincre s’ils refusent de regarder ? En fait, ce n’est pas pour se laisser convaincre qu’ils demandent un signe, c’est pour le mettre, lui, à l’épreuve. Ne soyons pas comme eux, à vouloir mettre Jésus à l’épreuve de nos preuves. Ouvrons nos yeux, ouvrons nos cœurs !

Résonances

Isabelle nous a parlé, samedi, de la pédagogie de Dieu à l’égard d’Adam et Ève. Aujourd’hui, ça continue avec Caïn. Il y a une épreuve et Dieu ne semble pas pouvoir empêcher qu’il y ait une épreuve. Mais il met en garde devant le danger, il essaie de nous prémunir. Peine perdue… Caïn n’écoute pas le conseil de Dieu qui l’invite à prendre du recul par rapport à son émotion. Caïn passe à l’acte et tue son frère. Dieu revient vers lui. À Adam, Dieu avait demandé « où es-tu ? ». À Caïn, Dieu demande : « où est ton frère ? » La réponse de Caïn est abrupte, comme s’il renvoyait la faute à Dieu : « je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ? »

Que signifie être frère, être gardien ? Au chapitre 2, quand Dieu avait planté le jardin en Eden, il y avait mis l’homme pour « le garder et le cultiver ». Garder et cultiver (ou servir) : voilà les deux verbes de la mission de l’homme au jardin de la création. On pourrait les traduire par deux concepts modernes : respect et responsabilité. Caïn a pris pour lui l’un des deux verbes : cultiver : il est devenu cultivateur, laissant à son frère le soin d’être berger, de garder le petit bétail. Caïn n’a pas pris le verbe « garder », et sa réponse à Dieu est donc logique : je ne suis pas « gardien ». Mais peut-on délaisser l’un des deux verbes sans courir le risque de les perdre tous les deux ?

Qu’est-ce que garder ? C’est le verbe du berger, qui prend soin, qui conduit le troupeau, qui surveille. Un verbe de vigilance. C’est aussi le verbe du veilleur, du guetteur qui se tient sur les remparts de la ville. Dans le verbe « garder » il y a donc l’idée de « regarder » attentivement. Il y a aussi l’idée de respecter, de protéger. Garder, c’est regarder. Si Caïn avait regardé son frère, il ne l’aurait pas tué ! Mais son frère n’existait pas à ses yeux, son frère était insignifiant pour lui, et il ne pouvait donc pas supporter que son frère existe aux yeux de Dieu. Dès lors, la terre crie, et même la relation à la terre est maudite pour Caïn. Il n’a pas gardé, il ne peut plus cultiver…Car la relation à la terre et la relation au frère sont inextricablement liées. N’est-ce pas ce que le pape François a voulu nous dire en publiant ses deux encycliques ? Laudato si et Fratelli tutti ! Toute la suite du livre de la Genèse nous parlera de la lente reconstruction de la fraternité. N’est-ce pas le reflet de notre vie à tous ?

Prière

Père, tu nous aimes chacun d’un amour unique : apprends-nous, sous ton regard, à êtres frères, sœurs les uns pour les autres, à être gardiens les uns pour les autres, dans le respect et la responsabilité. Tu nous confies les uns aux autres : pardonne-nous nos manquements à la fraternité. Apprends-nous à garder et cultiver la terre de notre maison commune, afin que chacun y trouve sa juste place et contribue à sa manière à la rendre plus belle. Ainsi, tu pourras agréer l’offrande de nos vies et nous y trouverons notre joie.

samedi 11 février 2023

Liturgie de la Parole, 5e samedi TO

(Isabelle Halleux)

 Introduction

Aujourd’hui, c’est fête à Lourdes ! ll y a 31 ans, saint Jean-Paul II instituait la Journée Mondiale du Malade pour sensibiliser le peuple de Dieu, les institutions sanitaires catholiques et la société civile à l’attention envers les malades et envers tous ceux qui prennent soin d’eux. La pandémie a réveillé chez nous cette attention. Prions aussi pour les accompagnateurs de malades quels qu’ils soient : médecins, infirmières, aides à domicile, familles, amis. « En célébrant les apparitions de Lourdes, lieu choisi par Marie pour manifester sa sollicitude maternelle envers les malades », disait Benoît XVI, « la liturgie re-propose justement le Magnificat (…) qui n’est pas le cantique à qui sourit la fortune. Il est le merci de ceux qui connaissent les drames de la vie et mettent leur confiance dans l’œuvre rédemptrice de Dieu » (Benoît XVI, 11/2/2010). Nous y penserons particulièrement dans nos intentions et en chantant ce cantique ce soir.

Il est souvent question de manger, ces temps-ci, dans les lectures ! Nous en sommes au chapitre 3 de la Genèse, là où Adam et Eve mangent la pomme. Enfin… ils ne s’appelaient pas encore ni Adam ni Eve, et la pomme n’était pas une pomme. Mais vous voyez ce dont je parle. Peut-être y a-t-il une autre leçon à retenir de cet épisode : celle de la pédagogie de Dieu – j’y reviendrai tout à l’heure.

L’Evangile du jour titre « Les gens mangèrent et furent rassasiés ». Les pains se donnent, se partagent. Les petits poissons aussi. Le miracle de la fraternité et de la communauté sans doute, avec une allusion au rite et, déjà, à la dernière cène.

Commençons donc par les primi piatti, mettons-nous en prière avec le chant des psaumes.

 

Méditation

Soeur Marie Raphaël terminait sa réflexion sur Genèse 2 en disant : « Dieu nous donne la liberté de le découvrir par nous-mêmes (le : le message du récit des origines). Il fait nous confiance. Il en appelle à notre intelligence. La suite du récit montrera que c’est un vrai défi ! ». En effet ! Je ne vais pas m’attarder sur les faits, que vous connaissez bien mais, comme annoncé, mais sur la pédagogie déployée par Dieu.

Dans le texte (Gn 2, 9-24) que nous venons d’entendre, Dieu engage la conversation avec l’homme : « Où es-tu ? ». Il aurait pu dire : « Ca va pas la tête ? Qu’est-ce que j’avais dit ? » Ou « Mais comment as-tu pu tomber si bas ? » Mais non : pas de reproche. Une simple question : « Où es-tu ? ».

 « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. », répond l’homme. J’ai eu peur de toi, je te crains – nous savons que le mot crainte exprime la conscience que Dieu existe. J’ai pris peur parce que je suis nu, parce que cet aspect de moi, je ne peux pas le gérer et je le sais. Et je me suis caché. En hébreu, le verbe « se cacher » est le même celui pour « chérir, aimer ». L’homme retourne à son point intérieur, il reconnaît sa faiblesse et en même temps son amour pour Dieu qu’il connaît et qu’il chérit. Par une simple question, Dieu l’a rendu vivant.

Dieu continue à l’interroger : « Qui donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger ? ». Qui donc t’a dit ? Qui t’a fait prendre conscience que tu étais nu ? Cette question éveille la conscience de l’homme ; cela lui permet d’aller encore un peu plus loin : découvrir la présence en lui-même pour se positionner, définir sa place et l’occuper.

Et là, bam ! L’homme répond : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre. » Avouez que c’est dur, pour Dieu : la femme que ­TU m’as donnée... Serait-ce un reproche ? Ne vous y trompez pas : l’hébreu dit « c’est IL qui m’a donné du fruit » et non pas « c’est ELLE qui m’a donné du fruit »[1]. Le masculin est utilisé pour dire le don, la tendresse, l’abondance. Soyons donc positifs et pensons que l’homme était de bonne foi, qu’il avait confiance en elle. Et qu’elle lui donnait le fruit par tendresse, par amour. A peine créés, déjà un bon petit couple…

Le Seigneur dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? ». Il interroge la femme, simplement. Elle répond : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. ». Au- delà de son amour pour l’homme, la femme reconnaît l’influence du serpent. J’ai mangé, je mange et je mangerai encore… le temps hébreu qu’on n’a pas en français… Elle porte un regard critique sur son propre comportement et peut entrer ainsi dans un processus de repentir -  la «  Techouva » disent les juifs.

Dans sa pédagogie, Dieu ne s’adresse pas au serpent. Il ne donne pas la voix à celui qui rompt l’harmonie des valeurs, notamment à celui qui donne des pulsions de mort. On pourrait en parler…

S’ensuit une série de « transformations » pour tout le monde : serpent, homme, femme et terre comprise. Cela peut sembler un peu difficile à accepter venant de Dieu, mais ne serait-ce pas simplement la perte de la transfiguration, par l'Amour de Dieu, de notre quotidien banal ? Avant la transgression, cet Amour transfigurait tout. Maintenant, l’homme et la femme reçoivent ces transformations en miroir : souffrance dans la sexualité, dur labeur pour chacun et mort, un miroir indispensable pour leur permettre d’être présents à eux-mêmes mais aussi l’un à l’autre.

Vous avez compris que la pédagogie de Dieu, c’est de nous interpeler doucement et de nous donner, en confiance, la liberté de re-découvrir les choses par nous-mêmes. Le premier expérimentateur de la méthode, c’est l’homme, « l’être vivant » qui a été modelé par Lui, et  avec l’homme « l’aide qui lui correspondra » : la femme. Le Seigneur est alors satisfait : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! » (Gn 3, 22).

A la fin de notre épisode, l’homme appela « sa » femme « Eve, la vivante ». Il faudra attendre Genèse 4 (Gn 4, 25), Abel et Caïn, la « consommation du mal »  pour qu’on découvre que lui s’appelle Adam. Adam, l’homme, l’humanité tout entière. A suivre …

 

Notre Père

Avec Jésus, redisons les mots qu’il a utilisés pour parler à son Père…

 

Prière finale

Seigneur, tu as mis Adam  et Eve en situation de cueillir le fruit de l’arbre de vie, d’en manger et d’en vivre éternellement. De la terre où nous vivons, aide-nous à créer ton Royaume en assumant nos difficultés, nos souffrances, nos infidélités. Aide-nous à vivre la liberté que tu nous as donnée et à discerner le bien du mal pour mieux accomplir nos destinées. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, maintenant et pour toujours.



[1] On peut discuter sur la traduction de homme-femme, ish-ishisha, il-elle – cfr. Isabelle Cohen, akadem.org

jeudi 9 février 2023

Liturgie de la Parole, 5e jeudi TO

Mc, 7, 27-30

(Danièle)

Introduction

Les deux lectures d'aujourd'hui nous parlent d'une femme. Dans le livre de la Genèse, c'est de la première femme dont il s'agit « ishsha », première femme créée à partir d'une côte - l'os de mes os, la chair de ma chair, dira l'homme. Il s'attachera à sa femme et tous les deux ne feront plus qu'un.

Dans l’Évangile, saint Marc nous raconte l'histoire d'une femme extraordinaire, elle est humble, elle prie Jésus, elle insiste parce que Jésus ne lui donne pas de suite satisfaction. Païenne, elle a une totale confiance aux pouvoirs de Jésus, c'est un exemple pour nous.

Aujourd'hui, pour entrer dans cette célébration, nous allons chanter : « Tu es mon Dieu, je n'ai pas d'autre bonheur que toi … Mon cœur exulte, mon âme est en fête ». (psaume 15)

Après l’Évangile

Jésus entre dans une maison sur le territoire de Tyr, une région païenne (cette fois, il ne se réfugie pas à Capharnaüm ou sur une barque, loin du rivage). Il ne veut pas qu'on le sache, ou plutôt, il ne veut pas que les apôtres le disent mais il s'est quand même arrangé pour que ça s'ébruite, ou bien, d'après Théophylactus il ne veut pas donner lieu aux Juifs de l'accuser d'être entré en relation avec des peuples qu'ils considèrent comme immondes. 

Dans saint Mathieu, la femme est dehors mais ça ne change rien au message de cet Évangile. Donc, une femme qui a une petite fille malade, entend parler de lui et vient se jeter à ses pieds. C'est une païenne, une  Syro-Phénicienne en plus. Elle lui demande de guérir sa fille qui est possédée par un esprit impur, de nos jours, on dirait, qu'elle a des addictions.

Jusqu'ici, tout est normal et, connaissant Jésus qui a déjà guéri tant de personnes, un aveugle, un lépreux qu'il a même touché, je me dis, il va tout de suite contenter cette maman qui le prie, non pour elle mais pour son enfant. Et bien non ! Saint Jean Chrysostome  dit « il craint qu'en distribuant à part égale ses bienfaits aux Juifs et aux Gentils, il augmente la rivalité qui les sépare ». Alors,  Jésus répond, « laisse d'abord les enfants - quels enfants ? Les juifs ? (les enfants de Dieu?) Laisse les enfants se rassasier. On ne jette pas le pain des enfants aux petits chiens. D'après Bède le Vénérable, ça veut dire « un jour viendra où vous aurez aussi part au salut ». Mais je me mets à la place de cette femme et voilà que le fils de Dieu la considère  comme un petit chien. Lui qui s'est intéressé aux petits, aux pauvres, cette réponse me perturbait, (j'emploie l'imparfait). Jusqu'à présent, je ne comprenais pas cette réaction de mon Dieu amour, miséricordieux, je me disais, ce texte n'est pas une si bonne nouvelle, c'est trop compliqué pour moi.

Cette femme n'est pas moi, elle a de l'aplomb, elle se fait petite, humble, elle accepte comme une faveur de descendre au rang des chiens, et elle insiste, elle répond du tac au tac, elle comprend immédiatement que les petits chiens, c'est elle, elle dit « Seigneur, les petits chiens mangent sous la table, les miettes des enfants ». « C'est une femme courageuse, elle risque son amour propre pour sauver sa fille. Son humilité est émouvante, elle ne demande que des miettes mais elle sait que cela suffira ». La profondeur de la foi de cette femme est un exemple pour nous, elle ne présente pas sa fille à Jésus, elle sait que Jésus peut guérir à distance.(1)

J'ai compris. Le pain, la Parole, c'est pour tout le monde, les païens peuvent aussi entendre et comprendre la parole de Jésus et s'en nourrir, si peu soit-il, même les miettes suffisent à les nourrir.

Sommes-nous des enfants ? Ou bien sommes-nous cette femme qui se montre insistante, et qui a une grande confiance en Jésus, il lui dit « le démon est sorti de ta fille » ; elle repart à la maison, elle croit sans avoir vu, elle sait que sa fille est guérie.

Elle peut nous apprendre à prier, elle prend l'attitude d'un enfant confiant, elle dialogue, elle persiste, malgré la remarque de Jésus. Jésus lui-même nous  dit qu'il faut insister en saint Luc § 11 v 9 : demandez et vous recevrez, frappez et on vous ouvrira... La prière est une rencontre entre personnes.

« Le désir très fort, c'est déjà la moitié de la prière. Croire en Jésus, c'est fondamental ».(2)

Découvrir cette Parole et la comprendre ça m'a procuré un apaisement, une sérénité.

Si nous acceptons, en toute humilité, d'être comparées à des chiens, alors notre « fille », nos addictions (égoïsme, indifférence, etc.) seront guéries.

Cette femme est extraordinaire, sa foi profonde est un exemple à suivre.

Invitation au Notre Père

Avec confiance, demandons à Dieu de nous donner notre pain quotidien en priant le « Notre Père ».

 Prière finale

Seigneur, donne au monde le courage de mettre tout en œuvre afin que la richesse que les femmes apportent à l’Église soit pleinement reconnue.

Tu as créé l'homme et la femme pour qu'ils soient témoins de ta bonne nouvelle et travaillent tous les deux à la venue de ton royaume.

Aide toutes les femmes persécutées, harcelées à garder courage. 

Accompagne les communautés de religieuses, comble-les de ton amour ! Je  confie spécialement toutes les intentions des Sœurs de la communauté d'Hurtebise à toi qui vis et règnes aujourd'hui et pour les siècles des siècles.

 Sources :

Les Pères de l’Église (st Jean Chrysostome, Bède le Vénérable, Théophylactus

1) Jésuites d'Irlande

2) Blog « servons la fraternité »

mercredi 8 février 2023

Liturgie de la Parole, 5e mercredi TO

(sœur Marie-Raphaël)

Ouverture

Charles Delhez nous disait, dimanche dernier, que pour beaucoup de jeunes d’aujourd’hui, le langage religieux qui est le nôtre est « de la mythologie et de l’ésotérisme ». Dont acte. Et si c’était une bonne nouvelle ? Quand on dit « mythologique », on sous-entend : « pas vrai » … un peu comme on dirait : « c’est de la poésie… donc pas sérieux ». Mais qu’est-ce qu’un mythe, qu’est-ce que la poésie ? Ils relèvent du même langage, qui n’est pas un langage à prétention scientifique, mais un langage qui suggère, qui passe par des symboles et des images pour pointer vers une signification au-delà des mots. Pour dire l’origine du monde et de l’homme, le langage scientifique passe par l’histoire, l’archéologie, la paléontologie, la cosmologie… mais il reste toujours des questions. La philosophie n’a pas non plus la prétention de donner les réponses. La philosophie est l’art de poser des questions. Le mythe et la poésie peuvent prendre le relais pour évoquer, suggérer, sans jamais enfermer le sens. Devant les origines, comme devant la fin, nous ne pouvons que rester humbles, accepter de ne pas savoir, de ne pas mettre la main sur l’arbre de la connaissance…

 

Résonances

Ce texte me pose une énigme. Et l’actualité récente m’a donné une piste pour mieux la comprendre. Pourquoi, après avoir dit à l’homme qu’il devait / pouvait manger de tous les arbres du jardin, Dieu lui interdit-il l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Alors, tu donnes tout ou tu donnes pas tout ?

Une première étape de la réponse consiste à réfléchir sur le « tout » et le manque. Comme l’écrit André Wénin[1], l’homme doit manger pour vivre, mais il doit aussi s’arrêter de manger pour vivre. Pas seulement pour ne pas mourir de boulimie, mais aussi pour garder la possibilité d’une relation à l’autre, dans le partage. En instituant une limite, Dieu permet la relation. On constate cette habitude chez Dieu : quand il donne, il donne « tout sauf tout » (l’expression est de Paul Beauchamp), afin de ne pas nous enfermer dans le piège de la saturation. C’est aussi le principe du sabbat : il importe de laisser une ouverture au temps.

Mais il y a autre chose à découvrir derrière l’énigme du verset 17 : « l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras ». Et si l’interdit ne portait pas sur l’arbre, mais sur le fait de « manger » ?

Qu’est-ce que manger ? Absorber une nourriture pour la transformer en une énergie qui va faire vivre mon organisme. Il y a une forme de violence dans l’acte de manger, car je détruis la nourriture pour l’assimiler… Or, la « connaissance » n’est pas une nourriture que je pourrais faire mienne, mettre à mon service, soumettre. La connaissance, le savoir, est une forme de pouvoir. Connaître les choses, connaître l’autre, est une forme d’emprise : c’est une arme à deux tranchants. On peut connaître le bien et le mal, on peut aussi connaître bien et mal : c’est une traduction possible de l’hébreu, en prenant les mots « bien » et « mal » dans un sens adverbial : bien connaître ou mal connaître.

En outre, dans le langage biblique, le verbe « connaître » est une des façons de désigner la rencontre sexuelle. Je fais le lien avec l’actualité et ce qui s’est passé à partir de la déviance mystique des frères Thomas et Marie-Dominique Philippe et Jean Vanier. Au nom d’une « connaissance » particulière, privilégiée, secrète, ils ont exercé une emprise, non seulement sur les esprits, mais aussi sur les corps, en déviant totalement la sexualité de sa dignité propre. Ils ont voulu « manger » l’arbre de la connaissance…

Non, l’arbre du connaître bien et mal ne se mange pas. Mais il n’est pas interdit. Si on le mange, on s’engage dans une logique d’emprise qui mène à la mort. Le mythe suggère qu’il y a à découvrir un autre rapport avec ce don de Dieu : un rapport de respect, d’accueil, de patience, qui donne à la connaissance (y compris dans sa connotation sexuelle) une vraie beauté. Car le message du récit des origines est tout de même que tout ce que Dieu a fait est « beau ». Dieu nous donne la liberté de le découvrir par nous-mêmes, il nous fait confiance, il en appelle à notre intelligence. La suite du récit biblique montrera que c’est un vrai défi !

 

Prière du pape François : Prière chrétienne avec la création : Laudato si, 246.

Nous te louons, Père, avec toutes tes créatures,
qui sont sorties de ta main puissante.
Elles sont tiennes, et sont remplies de ta présence comme de ta tendresse.
Loué sois-tu.
Fils de Dieu, Jésus, toutes choses ont été créées par toi.
Tu t’es formé dans le sein maternel de Marie, tu as fait partie de cette terre,
et tu as regardé ce monde avec des yeux humains.
Aujourd’hui tu es vivant en chaque créature avec ta gloire de ressuscité.
Loué sois-tu.
Esprit-Saint, qui par ta lumière orientes ce monde vers l’amour du Père
et accompagnes le gémissement de la création, tu vis aussi dans nos cœurs
pour nous inciter au bien.
Loué sois-tu.
Ô Dieu, Un et Trine, communauté sublime d’amour infini,
apprends-nous à te contempler dans la beauté de l’univers, où tout nous parle de toi.
Éveille notre louange et notre gratitude pour chaque être que tu as créé.
Donne-nous la grâce de nous sentir intimement unis à tout ce qui existe.
Dieu d’amour, montre-nous notre place dans ce monde
comme instruments de ton affection pour tous les êtres de cette terre,

parce qu’aucun n’est oublié de toi.
Illumine les détenteurs du pouvoir et de l’argent pour qu’ils se gardent du péché de l’indifférence, aiment le bien commun, promeuvent les faibles, et prennent soin de ce monde que nous habitons.
Les pauvres et la terre implorent : Seigneur, saisis-nous par ta puissance et ta lumière
pour protéger toute vie, pour préparer un avenir meilleur, pour que vienne
ton Règne de justice, de paix, d’amour et de beauté.
Loué sois-tu.
Amen



[1] A. Wénin, Pas seulement de pain... Violence et alliance dans la Bible, Cerf, 1998, en particulier les deux premiers chapitres…

samedi 4 février 2023

Liturgie de la Parole, 4e samedi TO

(sœur Marie-Christine)

 

Introduction

Nous sommes rassemblés au nom du Seigneur, à l’écoute de sa Parole. Ce 4 février est la sainte Véronique, dont le nom signifie : vraie icône : qu’elle nous aide à nous laisser transformer par le Christ ; qu’il habite et rayonne en nous et à travers nous.

Vatican News m’a rappelé, je cite : « la Journée internationale de la fraternité humaine et quatrième anniversaire de la signature du document historique à Abu Dhabi par le Pape François et le grand imam d'Al-Azhar. En ce jour reçoivent leur récompense les co-lauréats du Prix Zayed 2023 pour la fraternité humaine : la communauté de Sant'Egidio et l’activiste kenyane surnommée "Mama Shamsa".

La Communauté de Sant'Egidio, un mouvement laïc d'inspiration chrétienne basé à Rome, a été récompensée, précise le comité du Prix Zayed, «pour sa contribution au succès des négociations de paix et à la résolution des conflits par la diplomatie religieuse et le dialogue interculturel, en promouvant la paix dans différents endroits du monde, du Guatemala au Mozambique». Ses membres fournissent également des services de solidarité aux communautés locales dans différentes parties du monde. «Ils continuent notamment à aider les réfugiés et à soutenir leur intégration dans les sociétés d'accueil, par le biais de l'initiative "Corridors humanitaires", qui étend également le soutien aux communautés les plus pauvres du monde».

Shamsa Abubakar Fadhil, connue sous le nom de "Mama Shamsa", militante communautaire et bâtisseuse de paix au Kenya, a quant à elle été récompensée «pour avoir aidé les jeunes au Kenya et les avoir sauvés de la violence, de la criminalité et de l'extrémisme en leur fournissant conseils, assistance et formation». Shamsa Abubakar Fadhil a mené de grandes campagnes au Kenya et dans toute l'Afrique «pour sensibiliser à la violence contre les femmes et à l'autonomisation[1] des femmes et des jeunes», souligne le comité. »[2]

L’autonomisation c’est « le processus par lequel une personne ou une collectivité se libère d’un état de sujétion, acquiert la capacité d’user de la plénitude de ses droits, s’affranchit d’une dépendance d’ordre social, moral ou intellectuel ». Je vous partage cette nouvelle, pour que nous les portions plus particulièrement dans notre prière, ainsi que tous ceux et celles qu’ils essayent d’aider. Pensons aussi au Pape François, pèlerin de la paix et de la fraternité humaine au Congo et maintenant au Soudan du sud. Pensons enfin aux personnes atteintes d’un cancer en cette journée internationale de lutte contre le cancer.

Faisons-le maintenant en nous unissant à la prière de l’Église et des croyants par le chant des psaumes.

 

Méditation

Les Apôtres se réunissent autour de Jésus à leur retour de mission et font leur rapport, sans doute un peu excités. Jésus leur dit alors : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez- vous un peu. » Prendre de la distance et du recul est nécessaire. C’est sans doute pour cela que la traversée du lac est si longue que les gens ont le temps d’accourir de tous côtés et d’arriver avant eux. Il faut normalement plus de temps pour faire le tour du lac à pied que pour le traverser en barque ! Ici c’est le contraire. Cette « grande foule… comme des brebis sans berger » attend tellement de Jésus !

Jésus « fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Cette foule en quête de sens a soif avant tout d’une parole de vie. Le « Dieu de la paix » travaille les cœurs. Par Jésus, Il désire les former en tout ce qui est bon, pour accomplir sa volonté, et réaliser en eux ce qui est agréable à ses yeux, comme le souhaite l’auteur de la lettre aux Hébreux.

Est-ce que je le souhaite moi aussi ? Est-ce que je me laisse enseigner au plus intime ?

« Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent »[3] dit le verset de l’Évangile, citant saint Jean. Ce bon Berger nous connaît, chacun par notre nom propre. Son cœur est saisi de compassion. Il regarde et invite chacun : « je veux te faire vivre vraiment, je veux te conduire par le juste chemin pour l’honneur de mon nom et surtout pour ton vrai bonheur. Écoute-moi, nourris-toi de ma Parole, prends du temps avec moi, laisse-toi régénérer par moi jour après jour. »

Si je me laisse enseigner et nourrir par Jésus, ma vie prend une dimension et une fécondité, cachées, mais réelles. « Toute âme qui s’élève, élève le monde » disait Élisabeth Leseur, et notre monde a bien besoin d’être élevé !

Que la compassion de Jésus habite nos cœurs pour tous ceux qui errent et ont faim d’amour et de sens. Pour ceux et celles à qui ces lauréats du prix Zayed sont envoyés. Pour ceux et celles que le Pape rencontre durant son voyage. Pour les malades atteints du cancer.

 

Introduction au Notre Père

« En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c’est- à- dire les paroles de nos lèvres qui proclament son Nom. » Comme nous y invite la lettre aux Hébreux chantons le Nom du Père

 

Prière d’envoi

Seigneur Jésus, tu as eu compassion des foules qui étaient comme des brebis sans berger. Tu les as enseignées longuement, tu as donné ton temps, ta vie pour la multitude : donne aux croyants d’écouter ta voix, de se nourrir de ta Parole et de la relation avec Toi. Qu’ils soient, que nous soyons, témoins de ta compassion pour tous, par notre vie donnée.

Toi qui vis avec le Père et l’Esprit, Dieu d’Amour et de miséricorde aujourd’hui et pour les siècles des siècles.



[1] Processus par lequel une personne ou une collectivité se libère d’un état de sujétion, acquiert la capacité d’user de la plénitude de ses droits, s’affranchit d’une dépendance d’ordre social, moral ou intellectuel. https://fr.wiktionary.org/wiki/autonomisation

[3] Jean 10,27 et verset de l’Alléluia