(Isabelle Halleux)
Nous
restons dans la joie de la résurrection, nous souvenant que la foi en
Jésus-Christ se propageait dans les petites communautés locales et que « une église qui se construisait,
marchait dans la crainte du Seigneur, réconfortée par l’Esprit Saint, et elle
se multipliait » (Ac 9, 31).
Deux textes
pour nous en parler ce midi :
-
Du chapitre 9 des Actes des apôtres (Ac 9,
1-20) : la conversion de Saul. Nous connaissons bien ce récit. Nous sommes
bien d’accord : Saul deviendra Paul, l’homme de l’ouverture universelle du
christianisme - et il n'est jamais tombé de cheval !
-
Dans la deuxième lecture, de l'évangile de Jean, au
chapitre 6, Jésus annonce : « celui
qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui ».
Deux
appels, donc : un est appel à la conversion et la propagation de la foi en
Jésus-Christ, l'autre, une invitation à l'eucharistie, à la Vie en Jésus-Christ.
Pas nouveau, me direz-vous... Non, mais utile à dire et à redire, encore et
encore !
Entrons
en prière avec le chant des psaumes.
Méditation
Quel
magnifique récit que celui de la conversion de Saul ! On dirait une pièce de
théâtre !
Acte 9,
Scène 1 (Ac 9, 1-9)
: Saul,
un pharisien que l’on qualifierait aujourd'hui d’« extrémiste », traque
« ceux qui sont de la Voie », autrement dit les juifs disciples de
Jésus, pour les arrêter et les emmener à Jérusalem. Il se dirige vers Damas et
là, sur le chemin, il est interpellé par le Seigneur : « Saul, pourquoi me
persécutes-tu ? ». Cela le foudroie. Il n'y voit plus rien. Il en tombe par terre. « Le persécuteur est terrassé[1] », dit Daniel Marguerat dans son commentaire
des Actes. Ses compagnons le conduisent par la main à
Damas.
Acte 9,
Scène 2 (Ac
9, 10-20): Le Seigneur demande en songe à Ananias, un disciple de Damas, d'aller imposer
les mains à Saul pour lui rendre la vue. Ananias avertit son Seigneur – au cas
où il ne le saurait pas : « Je le
connais, Seigneur (…) cet homme est venu ici pour arrêter tous ceux qui invoquent
ton nom. »
Le
Seigneur lui dit : «Va, car cet homme est
l'instrument que j'ai choisi pour faire parvenir mon nom auprès des nations,
des rois et des fils d’Israël. » Ananias, confiant en Dieu, s'exécute. Saul
retrouve la vue. Et en deux coups de cuiller à pot, ou plutôt en un verset, il se
lève, il se fait baptiser, mange, reprend du poil de la bête et se met à sa
nouvelle mission ! C’est avec Ananias que la « rencontre guérissante[2] »,
la conversion de Saul se produit ! C’est au sein de la communauté de Damas que Saul
entre dans une nouvelle relation avec Jésus. L’Eucharistie qu’ils célèbrent
sans doute scelle cela.
Acte 9,
Scène 3 (Ac 9, 20-25): les lendemains de la conversion à Damas. Nous ne l’avons pas entendue
aujourd’hui, mais disons-en deux mots : Scène du complet retournement du
persécuteur qui proclame Jésus dans les synagogues, démontre qu’il est le
Christ et se trouve lui-même en grand danger de mort. Il fuit la ville.
Acte 9,
Scène 4 (Ac 9, 26-30): Répétition du scénario que le précédent, mais à
Jérusalem : surprise, prédication, danger, sauvetage.
Acte 9, épilogue (Ac 9, 31): « Une église se construisait, marchait
dans la crainte du Seigneur, réconfortée par l’Esprit Saint, et elle se
multipliait ».
Je vous
le disais : c'est un magnifique évangile !
J’apprécie sa construction – on y voit toute la force narrative de Luc – mais
surtout, j’aime bien la scène de la rencontre guérissante d’Ananias et Saul.
Savez-vous que le prénom Ananias signifie « grâce de Dieu » ?
C’est avec et par la « grâce de Dieu » que Saul « retrouve la vue et est rempli d’Esprit Saint ». C’est
magnifique ! Oserai-je
dire : « c’est divin » !
Je suis
aussi interpellée par le rôle joué par cette petite communauté de Damas dans la
conversion de Saul ! Le Père Charles Delhez nous parlait justement début
février du rôle des petites communautés comme espérance pour notre église, pour notre temps… « Pas question de « casser la
baraque ». L’Eglise de demain doit pouvoir s’appuyer sur celle
d’aujourd’hui et d’hier pour renaître à la fois en rupture et en continuité. (…)
Je vois déjà des bourgeons éclore dans ces nombreux groupes de disciples de l’évangile, sans étiquette parfois, mais
qui continuent à croire en l’avenir de l’humanité et à y travailler. L’Eglise (…)
est tributaire de son temps, mais elle a reçu un souffle, celui de l’évangile, qui lui permet de traverser
dans la foi, l’espérance et l’amour, les siècles qui, avec elle, mais aussi,
pour une part, grâce à elle, s’avancent vers toujours plus d’humanité. (…) L’évangile m’a convaincu et la personne
de Jésus, séduit.[3] »
Nous en
sommes là : à être convaincu.es, séduit.es, à renaître de et par l’évangile, en église! Comme Saul.
Reconnaissons
ce qui se passe dans nos communautés, grâce à ceux et celles qui ont confiance
en Dieu – comme Ananias. Rappelons-nous que « nous
sommes confiés les uns aux autres et que c’est ensemble que nous construisons
nos convictions[4] »
- comme Saul. Retenons enfin qu'il
existe toujours, et ce texte le montre, « un
chemin qui peut être chemin de rencontre, de conversion réciproque, de
retournement4 ».
Prière finale
Seigneur… se retourner n’est pas une mince affaire,
même si tu nous fais la grâce de nous y aider. Fortifie la communauté dont nous
faisons partie, qui nous entoure, nous soutient et parfois nous bouscule, pour
que nous puissions accueillir sans a priori ceux qui y viennent, ceux qui en
partent, ceux qui l’affermissent. Nous te le demandons, par Jésus, ton Fils,
qui règne avec toi en unité avec le Saint Esprit, maintenant et pour les
siècles des siècles. Amen.
[1] Titre
donné à ce passage par Daniel Marguerat. Les actes des
Apôtres (1-12). - Ed. Labor et Fides (2015), p. 325
[2] Titre donné à ce passage par Daniel Marguerat, op.
cit. p. 331
[3] Charles Delhez (2022) Eglise catholique. Renaître ou
disparaître. Editions Jésuites, 78p.
[4] Daniel Marguerat, cité par Anne-Sylvie Sprenger,
Allez Savoir ! Nb 64, UniL, 29/9/2016.