vendredi 25 février 2022

Liturgie de la Parole, 7e vendredi TO

 (Isabelle)

 Introduction

Nous allons entendre, au cours de cette célébration, un passage de la lettre de Saint Jacques, au chapitre 5 (Jc 5, 9-12), dont j’extrais un verset : « Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Du chapitre 1 (v.2-4), j’avais retenu ceci: « Considérez comme une joie extrême, mes frères, de buter sur toute sorte d’épreuves. Vous le savez, une telle vérification de votre foi produit l’endurance, et l’endurance doit s’accompagner d’une action parfaite, pour que vous soyez parfaits et intègres, sans que rien ne vous manque ».

Une joie extrême, toute sorte d’épreuves, de la patience, de l’endurance, une action parfaite…  Voilà une merveilleuse introduction à l’évangile de Marc du jour (Mc 10, 1-12) qui parle de l’« indissolubilité du mariage » ! Avant de nous plonger dans ce sujet, entrons en prière et chantons notre louange au Seigneur.

 

Méditation (Mc 10, 1-12)

Le mariage et son indissolubilité … J’avais l’âge auquel la plupart d’entre vous s’engageaient dans une vie pour Dieu quand j’ai rencontré Michel. Nous nous sommes mariés. C’était cohérent avec nos sentiments, nos projets et nos convictions de jeunes chrétiens engagés. Avons-nous parlé de notre conception religieuse du mariage ? Peu, si je me souviens bien. C’était il y a bien longtemps !

 

Huit jours après mon mariage, mes parents se séparaient. Deux ans plus tard, au lendemain du mariage de ma belle-sœur, mes beaux-parents se séparaient. A cette époque-là, la mère de mon témoin n’osait pas entrer à l’église à cause de son divorce, et ma tante, connue pour ses rocambolesques histoires d’alcôve, redisait son engagement à mon oncle dans l’église du village à l’occasion de leur Xe anniversaire de mariage. Notre ami prêtre regrettait l’impossibilité de se marier avec la mère de son fils, tandis qu’un couple d’amis d’université introduisait une demande de nullité du sacrement de leur mariage après la naissance de leur 3e enfant. Le gendre de mon amie, lui, franchement athée, acceptait un mariage à l’église même si … et notre curé baptisait le bébé de deux mamans qu’il avait bénies, faute d’avoir pu les marier. Elle n’est pas belle, la vie ? Le sacrement du mariage, son indissolubilité, quel sens cela fait-il aujourd’hui ? Quel sens pour la vie, la vraie vie, des couples ? Pour tous les couples ? Et pour les proches, les enfants, les parents ? L’occasion était trop belle d’une bonne discussion en famille. Je vais vous la rapporter, en vous rassurant : tous m’en ont donné l’autorisation !

 

« C’est quoi le mariage ? Quel sens cela fait-il pour vous ? Et Dieu dans tout ça ? »

 

 Maman, à 85 ans, me parle de mon père, de sa jeunesse, de son amour, de son projet de famille, de sa joie et de sa tendresse pour nous. Elle parle aussi de ses regrets d’une vie qui a tourné autrement qu’elle l’aurait voulu. Elle s’est remariée il y a dix ans et était émue « comme si c’était la première fois ». « Un engagement de vieillesse », dit-elle, « c’est s’inscrire dans une autre perspective du soutien indéfectible à l’autre « jusqu’à la mort ». On a en plus la richesse du passé. Tout cela est fécond ! ».

 

C’est quoi le mariage ? Ma petite-fille Judith, 4 ans,  me répond du tac au tac : « C’est quand on s’échange les bagues pour se dire qu’on s’aime pour toujours et qu’on a confiance ». « Pour toujours ? ». « Oui », ajoute Céleste, « et quand on divorce, c’est bien simple : on enlève son alliance. Mais ne t’inquiète pas, ça ne risque pas d’arriver à mes parents, parce que mon papa ne sait plus enlever la sienne ». « Et Dieu, et Jésus dans tout ça ? ». « … ». Je retiens « confiance et alliance ».

 

Mes fils aînés se souviennent encore d’une déclaration émouvante de Philippe à son frère Simon le jour de son mariage. Une réflexion sur l’importance de l’introduction de filles dans la tribu : une femme choisie par l’un d’eux, « imposée » aux autres, qui continuera son chemin dans la famille et l’ouvrira. « Et Dieu dans tout ça ? ». Ils ne sont guère plus bavards que leurs enfants. Leurs épouses, Marie et Catherine, parlent des valeurs chrétiennes auxquelles elles adhèrent, de leurs séjours à Taizé, et de leur responsabilité de parents pour l’éveil religieux de leurs enfants.

 

Pierre, mon 3e, hausse les épaules - il est encore « un cœur à prendre ». Il attend, dit-il, « de la générosité et un vrai engagement mutuel ». Il dit : « L’église, pour beaucoup, c’est d’abord un beau décor ... Pour le sacrement, je ne sais pas, il me faudra faire du chemin ». Vincent, mon plus jeune fils, lui, rit : « Le mariage, il faut vraiment le vouloir ! ». Pas qu’il n’en veuille pas mais depuis 2 ans, il doit reporter la célébration pour cause de COVID. Florence est depuis devenue son épouse légitime et la petite Aria, 6 mois, illumine leur vie. Il ajoute : « Quand le jour viendra, ce sera une façon de consacrer ce que nous vivons chaque jour ». Consacrer l’existant !

 

J’ai posé la question aussi bien entendu à mon mari, en insistant sur le caractère religieux du mariage, et il m’a répondu : «  C’est bien simple, c’est faire ménage à trois. 1 + 2 : Dieu et  (toi et moi). C’est Dieu qui entre d’abord dans notre humanité, dans ce que nous vivons et, pour une fois, nous lui répondons ensemble ». Double solitude et communion de personnes[1]. Oriana, notre fille de cœur, ajoute : « Ce lien à Dieu aide à laisser l’autre advenir pleinement, à mourir à certaines choses, à nous soutenir dans les joies et les difficultés ». Quand j’ai fait remarquer que nous n’en avions pas vraiment connu des difficultés, Michel m’a assuré que c’était normal, « puisque que nos liens à Dieu sont bien huilés ».

 

Céleste m’a raconté que, quand ses parents ont une grosse dispute, « ils regardent ensemble leurs alliances, ils se rappellent pourquoi ils l’ont, ils se calment et ils se pardonnent ». « Parce que tu comprends, Mamisa, ils s’aiment comme le Seigneur les aime et c’est ça qui est bien ». Du Céleste ! Elle a 7 ans !

 

Je pense que ma tribu a abordé, l’air de rien, les 4 piliers du mariage religieux : liberté, indissolubilité, fidélité, fécondité. Ils en ont parlé avec un langage et un vécu d’aujourd’hui, et une conception peut-être moins étriquée que certaines sources catholiques. Le mariage, demande confiance, générosité, don mutuel … et échange des alliances. C’est consacrer l’existant, continuer son chemin, ouvrir la famille, faire germer l’amour, célébrer le quotidien. C’est expérimenter l’amour divin, faire un ménage à 3, entretenir ce don, ce lien au Seigneur qui, fidèle, soutient toujours. C’est transmettre sa foi, en témoigner.

 

Je me tourne maintenant vers vous dans la foulée de mon enquête familiale : Quels que soient vos parcours d’amour et d’amitié, quelle que soit votre histoire, quelle que soit votre vocation, votre engagement au Seigneur n’est-il pas du type «  libre, indissoluble, fidèle et fécond » ? Que l’on reçoive un sacrement ou que l’on fasse vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, conversion des mœurs, stabilité, n’est-ce pas par le don sincère de soi-même,  ancré dans la communion des personnes avec lesquelles on vit, que l’on advient, que l’on devient « une personne accomplie » au sens divin ? Réfléchissons-y, chacun, chacune, dans notre cœur, en toute humilité.

 

Introduction au Notre Père

Jésus, toi qui nous as montré ce que pouvait être le lien au Père et le don d’amour jusqu’à la mort, avec toi qui nous rejoins chaque jour dans notre humanité, nous redisons la prière que tu nous as apprise.

 

Oraison

Dieu Notre Père, que nous soyons seul.e, en couple, en famille, en communauté, aide-nous à garder nos relations à Toi fortes et solides. Puissions-nous vivre nos engagements en confiance et aimer nos proches dans un profond respect de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils deviennent. Aide-nous à ne pas dénaturer nos engagements, même si nous sommes soumis à des épreuves difficiles, si la vie commune se révèle un échec, si nous vivons une relation dans l’impasse. Puissions-nous toujours nous rappeler que le premier à entretenir les liens d’amour, sans condition, sans dissolution, c’est Toi. Nous te le demandons par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui règne avec Toi et le Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Amen.



[1] Relire « La théologie du corps » de St Jean-Paul II

jeudi 24 février 2022

Liturgie de la Parole 7e jeudi TO

 (sr Marie Christine)

 Introduction

Bonjour et bienvenue à cette célébration de la Parole qui nous rassemble en communauté et en Église.

Jésus nous parle de donner un verre d’eau. C’est-à-dire de donner la vie, surtout dans un pays chaud comme la terre d’Israël où l’accès à l’eau a toujours été un problème. Aujourd’hui on parle de « l’or bleu » : oui, l’eau est de l’or, nous l’oublions parfois dans nos pays où elle ne manque pas, ou si rarement.

Soyons des semeurs de vie dans les petites choses aussi naturelles que de donner un verre d’eau.

Saint Jacques n’est pas tendre ! Il annonce les malheurs qui attendent les riches, non parce qu’ils sont riches, mais parce qu’ils ont frustré les ouvriers de leur salaire, il ont condamné les juste qui s’opposait à leur injustice sociale. Que c’est, hélas, toujours actuel !

Alors l’évangile où Jésus invite à se séparer de tout ce qui , en nous, cause du scandale prend tout son sens. Et les révélations  et scandales d’abus dans l’Église donnent une actualité criante à ces textes.

Prions pour les victimes, prions aussi pour ceux qui ont abusés.

 Méditation :

En entendant l’évangile est monté en moi le beau chapitre 30 du Deutéronome où Dieu invite à choisir la vie. c’est cela qui est en jeu. Je vous ai mis les deux textes.

Prenons 5 mn de silence pour laisser la Parole travailler nos cœurs.

 Évangile de Jésus Christ selon saint Marc ( Mc 9, 41-50 )

Jésus disait à ses disciples : « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.

Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas.

Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas.

Chacun sera salé au feu. C’est une bonne chose que le sel ; mais s’il cesse d’être du sel, avec quoi allez-vous lui rendre de la saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous. »

 Deutéronome 30, 11-14.19-20

Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. (...)

Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.

 Invitation au Notre Père

Toi le Père de tous les hommes et femmes, toi qui vois dans le secret de nos cœurs, nous te prions :

 Prière d’envoi

Seigneur Jésus, tu nous invites à être le sel de la terre, et à rejeter ce qui ne nous fais obstacle à cette mission. Fais-nous trouver notre joie à te choisir et à tout te donner, pour que se développe en nous et autour de nous ton Royaume de vie et d’Amour où nous t’appartiendrons à jamais.

Toi qui vis avec le Père’ et l’Esprit Saint, Dieu, pour les siècles des siècles.

mercredi 23 février 2022

Liturgie de la Parole, 7e mercredi TO

(Saint Polycarpe)

(Sr Marie Raphaël)

Ouverture

Nous faisons aujourd’hui mémoire de saint Polycarpe. Il fut évêque à Smyrne au 2ème siècle et mourut martyr à 86 ans le 23 février 155. Sa mémoire nous est particulièrement chère, parce qu’il est témoin des tout premiers temps de l’Eglise, il a connu saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ. Témoin de ce siècle où la foi au Christ, l’attachement à l’Evangile, s’est répandue comme une trainée de poudre dans le monde méditerranéen, malgré les résistances juives et les persécutions romaines. Cela nous interpelle aujourd’hui : comment la Bonne Nouvelle poursuit-elle sa route dans les cœurs ? Polycarpe a connu Jean qui a connu Jésus. La foi se transmet par contagion, comme un flambeau qui se propage et se partage sans diminuer. Soyons dans la reconnaissance pour les témoins qui nous ont précédés et nous ont permis de devenir témoins à notre tour.

 Résonances

Je trouve que cet extrait de la lettre de saint Jacques est d’une brûlante actualité. Je pense aux jeunes d’aujourd’hui, la génération de mes neveux et nièces. Que signifie pour eux cette parole : « vous autres, maintenant, vous dites : ‘aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ou telle ville, nous y passerons l’année, nous ferons du commerce et nous gagnerons de l’argent’, alors que vous ne savez même pas ce que sera votre vie demain ! Vous n’êtes qu’un peu de brume qui paraît un instant puis disparaît… ». Pour eux qui sont au seuil de l’âge adulte, c’est très difficile de se projeter dans le futur. Il y a le réchauffement climatique, les pandémies, l’immense problème migratoire, les incertitudes géopolitiques… et nous voudrions qu’ils fassent des projets solides pour le monde de demain. Plus que jamais, ils ont conscience de n’être « qu’un peu de brume qui paraît un instant puis disparaît ».

Jacques, dans sa lettre, s’adressait aux arrogants qui se prétendaient maîtres de leur destin, ces vantards dépourvus de vigilance qui construisaient un monde sans Dieu. Au contraire, les jeunes d’aujourd’hui ont une conscience aiguë de leur fragilité et de l’incertitude de l’avenir. C’est l’autre extrême : on n’entreprend plus rien, on se laisse couler, on baisse les bras.

Mais la réponse de Jacques reste valable : il suggère : « vous devriez dire, au contraire : ‘si le Seigneur le veut bien, nous serons en vie et nous ferons ceci ou cela’ » et il ajoute : « être en mesure de faire le bien et ne pas le faire, c’est un péché. » La parole de Jacques nous invite à remettre le Seigneur au centre de nos vies. L’espérance n’est pas une confiance béate en un avenir où tout serait facile. L’espérance chrétienne est plutôt de savoir que le Seigneur est là, au cœur du réel dans toute sa complexité, qu’il est avec nous et qu’il se présente à nous comme le rocher sur lequel nous pouvons nous appuyer pour nous projeter dans l’avenir. Accepter l’incertitude et la non-maîtrise ne veut pas dire démissionner.

On rejoint l’évangile et cette incroyable confiance de Jésus lorsqu’il dit : « celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Quelle ouverture ! En disant cela, il exclut la catégorie de l’entre-deux, des indécis. Du moment qu’on n’est pas contre, on est pour !

Le Royaume de Dieu se construit bien au-delà des frontières de l’Eglise. Partout où l’on ne refuse pas l’amour, l’amour fait sont travail et trace son chemin dans les cœurs. Puissions-nous offrir cette belle espérance au monde qui est le nôtre.

 Prière

Seigneur Jésus, nous voulons invoque ton nom sur notre monde. Établis ton règne d’amour dans tous les cœurs. Apprends-nous la confiance pour aujourd’hui et demain, afin que nous puissions discerner le bien qui est à notre portée, et le faire.

 

lundi 21 février 2022

Liturgie de la Parole, 7e lundi TO

(Rosy)

Introduction

Marc nous rapporte aujourd’hui un miracle de guérison, un exorcisme, celui d’un enfant.

Son récit est long, détaillé, plein de personnages, riche aussi en discours, surtout dans la bouche de Jésus.

Ce récit peut tant nous apprendre…

Alors, là où je me suis laissée surprendre, c’est dans le rapport de Jésus au temps.  

Son temps n’est pas le nôtre…  et, comme le disait Claire d’Assise à François : il nous faut apprendre à vivre dans le temps de Dieu.

Préparons-nous à accueillir les textes de ce jour en chantant les psaumes.

 

Commentaire

Que de gens sur scène :

-       D’abord Jésus et ses apôtres (le trio de tête) qui redescend calmement de la montagne après un moment de révélation extraordinaire. Il faisait bon là-haut, comme disait Pierre. Et les voilà qui « redescendent de la montagne ».

-       Le contraste a dû être rude avec tous ces gens qui vitupèrent dans la plaine : un face à face entre les apôtres, les 9 restés en bas, et une foule formée elle-même de ceux venus pour une guérison et les autres simplement pour « voir ». Une foule qui a aperçu Jésus et accourt vers lui.

-       Il y a surtout un homme seul, désemparé, profondément déçu de l’échec des apôtres.

-       Jésus, alors, pose une de ses questions favorites : « De quoi discutez-vous ? » Il la repose d’ailleurs déjà à ses apôtres 4 versets plus loin : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Comme ce sera la question sur le chemin d’Emmaüs et en d’autres circonstances.

-       En fait, entre nous, de quoi discutons-nous et quelle y est la place de Jésus ?

Le père saute sur l’occasion. Il décrit longuement la situation de son fils et signale l’incapacité des disciples à le guérir. C’est à partir d’ici que s’éveille mon étonnement : Jésus aurait dû, comme tant d’autres fois, être pris de compassion et guérir l’enfant au plus vite. Et d’ailleurs, où est-il ce petit ?

Or, que voyons-nous ? Un Jésus qui semble ne pas entendre la demande, qui se lance dans des reproches (à la foule ? aux disciples ?), qui exprime sa déception…

Puis qui appelle quand même l’enfant possédé.

On s’attend donc à ce qu’il chasse le démon…

Mais non, dans le face à face, ce n’est pas Jésus qui agit… c’est l’esprit mauvais qui se manifeste ! Et nous avons droit à la description détaillée de la scène.

De quoi cette fois émouvoir le Maître ? C’est sûrement ce que guette le père.

Jésus ouvre la bouche, mais ce n’est toujours pas pour guérir l’enfant. Il pose une question au père, une question qui nous semble quand même un peu… hors de propos : « Depuis quand ? » comme un médecin qui doit poser son diagnostic.

Le père n’en peut plus, il répond rapidement puis se relance dans une description détaillée avant la supplication finale : « si tu peux », « viens à notre secours », « par compassion… ».

Pauvre homme, voilà que sa supplique se retourne contre lui :

« Si tu peux » pourquoi dis-tu « si tu peux ? » « Tout est possible pour celui qui croit ».

Mais qui est désigné ici ? Celui qui peut tout, c’est Jésus, mais il ne peut croire en lui-même… Alors, le père ? les disciples inefficaces ? chacun dans la foule ? La sentence est générale.

Cela rappelle la demande du lépreux au 1er chapitre : « Si tu veux, tu peux… » et Jésus de répondre du tac au tac : « je le veux, sois purifié. » Aucun délai cette fois-là.
Aussitôt, reprend Marc, le père de l’enfant s’écrie : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » Cette magnifique réponse va-t-elle répondre à l’attente de Jésus ?

On a l’impression qu’il poursuivrait bien la conversation…

Ce qui le décide, finalement, c’est qu’il voit la foule qui s’attroupe, toujours davantage.

Alors, il menace enfin l’esprit impur et le chasse… pour toujours ! Ainsi s’introduit une autre notion du temps.

Jésus a bien tardé avant d’exaucer la demande. Cela rappelle l’épisode de Lazare, où Jésus attend deux jours avant de se mettre en route en disant « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez.»

Cette guérison de l’enfant est unique, comme toutes celles que rapportent les évangiles, et, cette fois, il semble que Jésus a voulu enseigner, former : chacun a pu en tirer parti :

La foule « incroyante » …

Le père interpelé dans sa foi,

Les apôtres dans leur prière,

Et nous, dans notre impatience ou notre confiance…

Quel enseignement nous réserve Jésus en temps d’attente, d’espérance… ?

Prions le Seigneur, présentons-lui notre demande mais n’exigeons rien, ni tout de suite : apprenons à vivre dans le temps de Dieu, à lui garder notre foi même quand l’attente se fait démesurément longue, lui seul sait ce qui est le meilleur pour chacun.

Ainsi dit l’Ecclésiaste (3,11) « Tout ce qu’Il a fait est beau en son temps »

 Notre Père : 

Tels des enfants pleins de confiance, tournons-nous vers notre Père, et prions-le

 Oraison

« Accueille les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur ;
qu’ils parviennent devant toi, Seigneur, mon rocher, mon défenseur ! »

Nous te le demandons avec confiance, toi qui vis et règnes, avec le Père et l’Esprit…

jeudi 17 février 2022

Liturgie de la Parole, 6e jeudi TO

 (Danièle)

Après l'Evangile

Qui dites-vous que je suis ? Spontanément, Pierre répond  « Tu es le Christ ». Jésus demande alors de ne pas en parler, Christ ou Messie, est un terme à connotation politique ; Jésus se nomme « Fils de l'homme, il veut convaincre ses disciples que Dieu est réellement devenu l'un d'eux, qu'il partage leur vie. Pierre a vu juste, mais avait-il vraiment compris ce qu'il disait ? Son affection, son attachement  pour  Jésus est bien humain, et pour lui en plus, le Messie est sans doute celui que les Juifs attendent pour les délivrer des Romains, une restauration nationale pour Israël, « et pourtant, il voyait les paroles et les gestes de Jésus, pleins de douceur et de miséricorde, sans aucune violence ou une volonté de combat ».

Les disciples sont enthousiastes, ils accompagnent le Messie, mais Jésus commence à les enseigner ; après la révélation par les signes et les paraboles, cette fois, c'est une révélation explicite. Il leur annonce sa mort prochaine, qu'il sera arrêté et qu'il va beaucoup souffrir. Pierre ne peut l'accepter, pour lui, c'est un scandale, il refuse de voir son maître arrêté et mis à mort. Spontanément encore une fois, c'est lui qui parle, probablement au nom de tous les disciples. Alors, Jésus adresse une parole très dure à Pierre, « passe derrière moi Satan ! » Il traite un de ses amis de « Satan », dans les reproches de Pierre, Jésus perçoit sans doute comme un écho de la perfidie du démon qui l'a tenté pendant quarante jours au désert. Mais malgré cette parole virulente, Jésus ne chasse pas Pierre, il lui dit « passe derrière moi », ce qui veut dire reprends ta place, suis-moi ! « Il fallait que Pierre sois rabroué pour comprendre la gravité de l'enjeu ».(1)

Nous voudrions aussi un Messie sans la Passion. Ne nous méprenons pas sur cette Passion comme si Dieu souhaitait la souffrance des hommes. « Pourquoi Dieu a-t-il permis les souffrances de son Christ ? Nous devinons qu'au dessus de la souffrance, il y a l'amour. Le fait que certains souffrent autour de nous, ne doit pas assombrir nos vies, ni tarir notre espérance, comme si pour nous, l'existence de Dieu, notre Père et Ami, devait obligatoirement déboucher sur la souffrance. Ce serait désespérer de l'homme et de Dieu ».(3)

Pour vous, qui suis-je ? Ça ne signifie pas « Que pouvez-vous dire de moi ? Mais bien « que signifie pour vous que je sois vivant, qu'est -ce que cela change pour vous ? » Notre réponse doit varier au fil des ans. Nous nous convertissons chaque jour à l'alliance que Jésus propose, nous ne sommes pas figés, notre foi est vivante ».(2)

Nous pouvons aussi être démon, quand nous voulons à tout prix rendre quelqu'un heureux selon notre conception du bonheur, en le détournant peut-être de l'appel de Dieu. Nous manquons de confiance en Dieu ou en lui...

Notre fidélité à Jésus ne peut se concilier avec tout ce que le monde tente de faire miroiter. Nous devons faire des choix, parfois douloureux mais nous savons que ce sont des choix de Vie. « Jésus savait que pour atteindre la résurrection, il fallait passer par la croix, c'est ainsi qu'il nous amènera dans la vie de la résurrection » (4)

 

1)     Michel Wackenheim (qui sont ma mère et mes frères. (Ed. Cerf)

2)     Homélie Abbé Gillet, 24° dimanche B

3)     Carmel en France, J.Levêque

4)     Jésuites - Irlande

mercredi 16 février 2022

Célébration de la Parole, 6ème mercredi TO

 (sœur Marie-Christine)

 

Introduction :

Bonjour et bienvenue à la célébration de la Parole. Saint Jacques nous invite à accueillir « dans la douceur la Parole semée en » nous.

Que l’Esprit ouvre les yeux et les oreilles de notre cœur pour que nous nous laissions façonner par la parole.

Chantons les Psaumes qui jour après jour font leur œuvre de transformation en nous.

 

Méditation :

« Si quelqu’un écoute la Parole sans la mettre en pratique, il est comparable à un homme qui observe dans un miroir son visage tel qu’il est, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant comment il était. » nous dit saint Jacques… et Jésus guérit un aveugle. Importance du regard, regard extérieur, regard du cœur.

Jésus a d’ailleurs une drôle de manière de faire ! Mettre de la salive sur les yeux !

Mais la salive vient de sa bouche, comme la Parole. Il a procédé ainsi pour le sourd-bègue en 7,31-37.

Dans les 2 cas, des personnes extérieures supplient Jésus de poser la main sur le handicapé ou de le toucher. Supplier Jésus pour d’autres, cela du sens, c’est la vocation de tout chrétien.

Dans les 2 cas Jésus prend le malade, le conduit à l’écart et lui touche la partie malade. Dans les 2 cas la personne est handicapée au niveau de la relation avec les autres.

Je vois Jésus dans l’icône de la descente au enfers écrite par Roublev : il tient la main d’Adam et le tire hors du tombeau. Le détail du visage montre Jésus avec un regard emprunt de tendresse, de douceur, de bonté, de bienveillance, en un mot, d’Amour.

Jésus impose les mains à notre aveugle et lui demande s’il voit quelque chose. Il doit s’y prendre à deux fois et la 2ème fois Marc dit bien qu’il lui impose les mains sur les yeux : Comment pourrait-il voir si Jésus lui bouche les yeux avec ses mains ?!!!

Les mains de Jésus guérissent d’abord l’intérieur de l’homme, l’intérieur de ses yeux. Comme si un rayon d’énergie sortait des mains de Jésus, pénétrait les yeux de l’aveugle jusqu’au plus profond et les guérissait au plus intime. Yeux du corps et yeux du cœur. Alors l’homme peut voir clair au dehors.

Cas unique dans l’évangile et propre à Marc, Jésus doit s’y prendre à deux fois, ou en deux étapes. Avec moi, combien de fois doit-il s’y prendre pour me guérir de mon aveuglement, de ma surdité, de ma mauvais langue !

Mais revenons à St Jacques, il nous invite : « Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous : c’est elle qui peut sauver vos âmes ».

La douceur de la Parole, la douceur de Jésus. Douceur et fermeté. Fermeté qui est douceur et qui veut nous tirer hors de ce qui nous entrave.

Mais Jésus n’agit pas seul, il ne nous sauve pas seul. Il désire notre collaboration effective : « Celui qui se penche sur la loi parfaite, celle de la liberté, (celle de l’Amour)et qui s’y tient, (la persévérance, me si je chute, me laisser toujours relever)  lui qui l’écoute non pour l’oublier, mais pour la mettre en pratique dans ses actes, celui-là sera heureux d’agir ainsi. »

Heureux car ses yeux verront de plus en plus nettement, ses oreilles entendront de plus en plus clairement la Parole, sa langue parlera de plus en plus avec une bienveillance constructive.

Jésus renvoie dans sa maison l’ancien aveugle qui maintenant distingue tout avec netteté. Qu’il rentre dans sa maison. Qu’il rentre en lui-même. Qu’il prenne le temps d’accueillir dans la douceur la Parole, la Lumière semées en lui.

Prenons nous aussi le temps de laisser les mains de Jésus et sa Parole faire leur œuvre en nous.

 

Introduction au Notre Père :

Rassemblés devant Dieu Notre Père qui nous regarde avec douceur et désire nous guérir au plus intime, chantons ensemble la prière des enfants qui accueillent cet Amour du Père dans le Fils par l’Esprit…

  

Prière d’envoi :

Seigneur tes mains me guérissent, tu fais tout pour moi ! Éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains (cf. Psaume 137) en nous-mêmes et en tous nos frères et sœurs humains. Que ta douceur nous pénètre et nous transforme par Jésus le Christ notre Seigneur, qui règne avec toi dans l’Esprit Saint, Dieu ,pour les siècles des siècles.

lundi 14 février 2022

Liturgie de la Parole, saints Cyrille et Méthode

 (sœur Marie Raphaël)

Ouverture

Nous fêtons aujourd’hui deux grands saints évangélisateurs, patrons de l’Europe, dont l’intérêt est d’avoir perçu la nécessité de l’inculturation de l’Evangile dans les cultures locales. Ce qui les amenés non seulement à traduire l’évangile et les livres liturgiques en langue slave, mais aussi à créer un alphabet adapté à cette langue, afin de donner toutes ses chances à la transmission. Dans l’évangile, nous entendrons que les disciples sont envoyés deux par deux. C’est ce qui s’est passé pour Cyrille et Méthode, ces deux frères originaires de Thessalonique au 9ème siècle, qui furent envoyés en mission, par Byzance, vers les peuples slaves. Avec eux, prions pour l’Europe et pour les relations entre les deux poumons de l’Eglise, l’Orient et l’Occident. Prions aussi pour la Russie.

 

Résonances

Nous venons d’entendre le début du discours de mission en Lc 10. Jésus encourage ses disciples à se laisser accueillir dans les maisons, à manger et boire ce que l’on offrira. Mais si on lit la suite de ce passage, on voit ce que Jésus recommande quand on n’est pas accueilli : secouer la poussière de ses pieds et partir. Autrement dit : « n’insistez pas, ne cherchez pas à convaincre à tout prix, ne perdez pas de temps… La Parole de Dieu fait son chemin dans les cœurs et le reste ne vous appartient pas ». C’est un peu ce qui s’est passé pour Paul et ses compagnons dans la synagogue d’Antioche de Pisidie (première lecture : Ac 13, 46-49). Après un premier accueil qui fut bon, ils ont ensuite été refoulés. Ils se sont tournés vers d’autres… Et ce passage se termine par les mots : « la Parole du Seigneur se répandait dans toute la région ».

Les Actes suggèrent plusieurs fois cette idée selon laquelle la Parole du Seigneur se fraie un chemin par elle-même : parole vivante qui agit directement dans les cœurs. Et en même temps, pour pouvoir se répandre, elle a besoin de missionnaires qui la portent. La Parole de Dieu se fait humble : elle ne tombe pas du ciel comme un coup de tonnerre : elle passe par la bouche des hommes, par le langage des hommes, au risque d’être mal comprise, déformée. Et en même temps elle dépasse le travail des missionnaires, elle va plus vite, elle se fraie un chemin direct vers les cœurs.

Cyrille et Méthode ont fait l’expérience de cela ! Il y a la Parole et la parole. La Parole de Dieu, son message, la bonne nouvelle qui parle au cœur. Et la parole humaine, limitée, véhicule indispensable et pourtant toujours insuffisant. Le contenu et le contenant. La forme et la matière. Cyrille et Méthode ont été serviteurs efficaces de cette Parole. Ils ont compris que, même si le contenu ne change pas, le contenant doit s’adapter aux circonstances. Ils ont traduit la Parole pour la rendre accessible et lui permettre de franchir les frontières. Et puis ils ont eu le génie, l’audace, de la transcrire jusqu’à créer pour cela un alphabet adapté. Ce qui nous paraît évident aujourd’hui ne l’était pas de leur temps : ils ont rencontré beaucoup de résistances, non pas de la part des peuples slaves, mais de la part des évêques latins, attachés à Rome et au latin. Pourquoi ? Souci de préserver l’unité en se faisant gardiens de l’uniformité ? Peur de perdre le contrôle sur la doctrine ? Mais c’est justement l’uniformité qui finit par étouffer la Parole, alors que l’ouverture à la diversité est au service de la véritable unité. Dire les choses dans une autre langue, ce n’est pas les appauvrir, mais les enrichir. Le défi de la traduction, c’est de constater qu’il y a des concepts intraduisibles d’une langue à l’autre, et que du coup, en cherchant à les traduire quand même, on augmente en quelque sorte le concept de départ en lui donnant une nouvelle couleur. Quelle audace de la part de Dieu d’oser se livrer ainsi aux mots humains ! Selon l’Islam, Allah ne s’exprime que dans la langue du Coran, l’arabe. Quand le Verbe se fait chair, au contraire, il prend le risque de se laisser dire dans toutes les langues… Rendons grâce à Dieu pour cette confiance qu’il nous fait !

 

Prière

Parole vivante, sagesse du Très-Haut, tu traduis l’ineffable avec nos simples mots. Tu es la réponse aux cris des malheureux, la voix qui réveille les hommes et fait lever les yeux. Tu envoies tes apôtres brandir les mots de feu qui chasseront les ténèbres sous le grand jour de Dieu ! Nous te bénissons, ô Jésus-Christ, qui vis avec le Père et l’Esprit saint pour les siècles des siècles.

mercredi 9 février 2022

Liturgie de la Parole, 5e mercredi TO

 (Isabelle)

Introduction

La première lecture du jour (1 R 10, 1-10) est magnifique ! Un vrai film hollywoodien se déroule devant nos yeux : La Reine de Saba rend visite à Salomon avec toute son escorte et tous ses présents. Elle lui pose des énigmes pour éprouver son intelligence et sa sagesse - malheureusement, on ne nous dit pas lesquelles. « Tu surpasses en sagesse et en magnificence la renommée qui était venue jusqu’à moi ! Béni soit le Seigneur qui t’a montré sa bienveillance en te plaçant sur le trône d’Israël ». Et elle s’en retourne dans son royaume, impressionnée.

 Nous entendrons la suite du chapitre 7 de l’Evangile de Marc qui, hier, nous donnait une bonne entrée en matière sur ce qui va nous interpeller aujourd’hui. Rappelez-vous : aux pharisiens et aux scribes qui l’interrogeaient parce que les disciples prenaient leur repas avec des mains impures, Jésus citait Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. ». Le Christ ajoutait, à l’adresse des pharisiens : « Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ». L’évangile se poursuit aujourd’hui, en donnant la raison de l’impureté de l’homme : « Tout ce mal vient du dedans de lui-même ! ».  Pas de l’extérieur !

 Avant de méditer cette Parole de Dieu, entrons en prière avec le chant des psaumes.

 

Méditation (Mc 7, 14-23)

« Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur.
Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur ». « Le mal vient du dedans de lui-même ».

Le Christ était juif. Il connaissait bien les prescriptions de la Torah (« mitzvot ») qu’il fallait suivre pour être pur et accéder Dieu ! Les plus connues sont les 10 commandements, bien sûr. Et il y a 603 autres prescriptions positives (« tu feras ») et négatives (« tu ne feras pas »), parmi lesquelles les ablutions rituelles, les incompatibilités alimentaires et les obligations culinaires un peu surprenantes que les juifs connaissent encore aujourd’hui. Jésus pratiquait sans doute avec assiduité ces prescriptions depuis qu’il était petit.

On a entendu hier que certains disciples négligeaient les ablutions rituelles ; cela gênait beaucoup les pharisiens car tout le système était basé sur l’obéissance à ces règles d’inspiration divine. Elles garantissaient la pureté du juif car impur, « contaminé », « mélangé », il ne pouvait prétendre à rencontrer Dieu. Etaient « impurs chroniques » les lépreux et les étrangers. Des infréquentables, des intouchables. Tous les hommes n’auraient donc pas accès à l’expérience de Dieu ? A sa miséricorde ? A la communauté des croyants ? A cause de sa naissance ? Ou faute de pratiques rituelles ? Aujourd’hui, pour la plupart de nos contemporains, c’est impensable - quoique … ! Pour le Christ, c’était inacceptable de limiter l’accès à son Père ! « Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. », disait-il aux pharisiens.

Dans cet évangile, nous voyons Jésus clarifier les choses et ouvrir des perspectives pour tous. Il s’exprime face à la foule, composée sans doute de toutes sortes de personnes, pures et impures. Il rejette, ou en tout cas minimise, les règles de purification instituées. Il insiste sur ce qui empêche vraiment la rencontre avec le Seigneur : l’homme lui-même, avec ses « pensées perverses » qui empêchent la relation vraie avec les autres, avec soi-même et avec Dieu. Jean Cassien le redisait autrement, avec peut-être des mots plus proches de notre vécu quotidien que « vol, meurtre, adultère, débauche, etc.». Je cite : « Ne connaître ni l’envie, ni la colère ; n’agir point par frivolité ; ne pas chercher son intérêt propre ; ne tenir point compte du mal ; et le reste : n’est-ce pas offrir continuellement à Dieu un cœur parfait et très pur, et le garder intact de tout mouvement de la passion ». Cela ressemble bien aux instruments de l’art spirituel de la Règle (RB, ch. IV, 22-31).

 Le Christ met en effet en avant, indirectement d’accord, l’essence même de la chrétienté : la pureté du cœur de l’homme comme seul critère d’accès au divin. Le cœur. Je cite ici le pape François aux JMJ en 2015 : « le cœur, le centre des sentiments, des pensées, et des intentions de la personne humaine, le résumé de l’être humain dans sa totalité et dans son unité de corps et d’âme, dans sa capacité d’aimer et d’être aimé. Dieu ne regarde pas les apparences, mais le cœur (1S 16, 7) ;  on peut dire que c’est à partir de notre cœur que nous pouvons voir Dieu et dialoguer avec lui.  Chacun doit ainsi apprendre à discerner ce qui peut polluer son cœur, se former une conscience droite et sensible, capable de « discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait (Rm 12, 2) ».  Anselm Grün parle de « se fondre en Dieu ». J’aime bien l’expression. « Une écologie humaine qui nous aide à respirer l’air pur qui vient des belles choses, de l’amour vrai, de la sainteté ». Pureté du cœur. Calme intérieur.

 Rabbi Simlaï, contemporain d’Origène au IIIe siècle, affirmait qu’Amos (Amos 5:4) avait réduit les mitzvot, ces innombrables commandements de la Torah, à un seul : « Cherchez moi, et vous vivrez ». Quel beau résumé ! C’est la base de la vie en Dieu, pour tout homme ! C’est la base de la vie monastique ! Un travail permanent de conversion, de purification intérieure par la réconciliation avec soi-même et avec les autres.

Jésus, dans cet évangile, nous dit-il autre chose ?

Oraison

Dieu notre Père, aide-nous à être « les gardiens de notre cœur et de nos passions » (Evagre le Pontique), à descendre au fond de notre réalité, à la transformer en prière et à trouver ce lieu de paix dans lequel tu demeures en nous et nous en toi. Nous te le demandons, par Jésus Christ, ton fils notre Seigneur.

 

mardi 8 février 2022

Liturgie de la Parole, 5e mardi, TO

 (Sr Marie Raphaël)

 Ouverture

Hymne : « Dieu s’est préparé une demeure ». J’ai choisi cette hymne à cause de la première lecture : la dédicace du Temple de Jérusalem (suite de la lecture d’hier). Salomon n’est pas dupe : ce n’est pas le temple qui lui permettra d’enfermer Dieu dans un lieu circonscrit.

À quoi sert le temple ? Avant tout pour les hommes : c’est une maison de prière. Même si on peut prier Dieu partout, il est bon d’avoir des lieux réservés à cela : ça aide, ça donne une dimension plus concrète et physique à la prière. Et le lieu finit par s’imprégner de ce qui s’y passe. Comme ici, pour nous, maintenant : nous avons la chance d’avoir une si belle église ! Souvent, les hôtes me disent qu’ils sentent l’énergie particulière de ce lieu. Pour moi, la psalmodie elle-même est comme un lieu, un écrin pour la prière. L’acte de psalmodier est comparable à celui de construire une maison de prière. À l’intérieur de cette maison, le cri du cœur de l’homme trouve un espace pour s’épancher. En chantant les psaumes, ce midi, édifions la maison de notre prière.

Résonances

Salomon a hérité de son père David un grand royaume en paix. Que fait-on pour occuper ses troupes quand on est roi et qu’on n’a plus de guerre à mener ? Par exemple : construire un temple, mobiliser la population autour d’un projet commun qui prendra son temps, qui sera grandiose. Et qui servira l’unité du pays, qui servira le contrôle du roi sur ses sujets, jusque dans leur vie religieuse. Vraiment, c’est un roi sage que Salomon. Une sagesse qui est aussi une habilité politique et stratégique. Quand on parcourt, dans le premier livre des Rois, les chapitres consacrés à la construction du temple, jusqu’à l’apothéose de sa dédicace, on se rend bien compte que le temple est pour Salomon un instrument pour étaler aux yeux du monde sa puissance, sa richesse, son prestige. C’est plus à la gloire de Salomon qu’à la gloire de Dieu ! Et il est habile quand il va jusqu’à remettre Dieu à sa place dans le ciel en disant : « Est-ce que vraiment Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! »

Le temple de Jérusalem restera un signe ambigu tout au long de l’histoire d’Israël. Les prophètes dénonceront le culte hypocrite qui s’y joue. Le temple sera détruit au moment de l’exil et les prophètes montreront combien cela n’empêchera pas Dieu de demeurer présent au milieu de son peuple. La reconstruction du temple après l’exil mobilisera les énergies, mais là encore, pas sans ambiguïtés. Puis le temple sera profané par Antiochos Epiphane à l’époque des Séleucides, ce qui justifiera la guerre sainte menée par Judas Maccabée. Hérode enfin, reconstruira le troisième temple pour asseoir son prestige aux yeux des Romains et consolider son contrôle sur la caste des prêtres… C’est ce temple-là que Jésus a connu. Jésus respecte le temple, il en fait un lieu de son enseignement et il observe ce qui s’y passe. Surtout, il redonne à ce lieu sa véritable vocation : « maison de prière ». Ce qu’il dénonce, à la manière des prophètes, c’est le ritualisme creux, la commercialisation de la piété, la récupération du sacré à des fins économiques ou politiques.

Salomon, dans sa prière, rappelle que Dieu a dit du temple : « C’est ici que sera mon Nom ». Je trouve que c’est la plus belle définition. Le temple est le lieu où Dieu fait habiter son Nom, sa présence. Et nous savons que le nom de Dieu est vie, dynamisme, un nom insaisissable, le verbe « être » toujours en devenir. Or, Jésus est celui qui incarne parfaitement ce nom : il est « Dieu-avec-nous » en personne. Plus besoin de temple si nous avons le Christ. Il y a ici bien plus que Salomon !

Prière

Seigneur, en cette maison de prière, nous invoquons ton Nom. Accueille l’offrande de notre prière et viens manifester ta présence au cœur de l’humanité qui se tourne vers toi avec confiance.

lundi 7 février 2022

Liturgie de la Parole, 5e lundi TO

 (Rosy)

 Introduction

Nous voici aujourd’hui en présence de textes relativement connus.

Cependant, le fait de les lire en parallèle les éclaire d’une lumière nouvelle et nous en permet la re-découverte.

Il me semble qu’en se faisant mutuellement écho, ces deux textes nous posent la question :

« Où est Dieu ? » et donc « Qui est Dieu ? » 

Il n’y a pas de question plus fondamentale et c’est avec elle que je nous propose d’écouter les lectures. Nous les accueillerons après le chant des psaumes.

 Commentaire

Le livre des Rois nous raconte un jour exceptionnel, unique, décisif : celui de l’installation de l’Arche d’Alliance dans le Temple que Salomon a enfin réussi à construire.

C’est une maison somptueuse, comme il le dit lui-même. Une maison où Dieu « demeurera pour toujours », mais seul, enfermé en quelque sorte.

L’évangile de Marc nous décrit au contraire un jour banal fait du quotidien de Jésus.

Lui est sorti – avec ses disciples – et il parcourt toute la région ; il se rend dans les villages, les villes et leurs places, les campagnes… On ne lui connaît pas de maison personnelle et nous savons « qu’il n’a pas où reposer la tête. » Avec Salomon, on passe de la Tente (de la Rencontre) au temple, mais Jésus n’a même pas de tente…

 Lors de l’installation de l’Arche, tout est somptueux, tout est à la gloire d’un Dieu, depuis la construction (avec le cèdre, le bronze…) jusqu’aux trésors « de la Maison du Seigneur » et ceux « de la Maison du Roi », avec tous les objets sacrés.

Dans l’Arche, c’est le vide – à part les tables de la Loi ; Dieu est là, mais inaccessible.

L’Arche (Dieu) est entourée de tous les notables, les « grands » ; une incise – supprimée dans notre passage – répète « ce sont les prêtres et les lévites qui firent monter l’arche ».

Rassurons-nous donc, aucune main profane ne s’est approchée de l’Arche et des trésors !

 Et Jésus ? Il est aussi entouré, mais par les malades et les infirmes. Par les « petits » : il se laisse approcher et même toucher !

A Sion, il y eu tant de sacrifices qu’on ne pouvait les dénombrer. La joie y est exubérante mais si Dieu y est présent, c’est à l’ombre de la nuée, une nuée qui a accompagné Israël durant son exode, signe de la fidélité de Dieu.

Jésus est le seul « agneau » non pas sacrifié mais qui s’offre lui-même. Non pour la gloire d’un dieu, mais pour sauver les hommes. La joie y est peut-être plus discrète, et pourtant Dieu est bien là, et Jésus est tout donné, sans distance.

Voilà donc deux visages de Dieu, tout en contraste, en opposition. Mais tous deux peuvent nous éclairer.

 Le Livre des Rois nous rappelle la gloire de Dieu, sa transcendance, sa fidélité. Dieu qui guide et accompagne son peuple, notamment dans les aventures de l’Arche que rappelle le psaume.

Les tables de pierre – comme le redit le texte -  « y ont été placées par Moïse au mont Horeb, quand le Seigneur avait conclu alliance avec les fils d’Israël, à leur sortie de l’Égypte ».

Un Dieu donc auquel nous pouvons rendre hommage, car il est digne de notre reconnaissance, de notre adoration. Notre prière est alors liturgie d’un peuple qui rend gloire à son Dieu.

 L’évangile, en Jésus, nous révèle le même Dieu, mais en son visage de père, en sa fraternité, sa tendresse, sa compassion. Jésus, plus proche que nous n’osons l’espérer, plus grand que nous ne pouvons l’imaginer. Il nous laisse dans l’émerveillement. Notre prière est alors dialogue secret avec un Dieu qui nous aime personnellement.

Tournons-nous vers lui avec un cœur confiant, un cœur aimant.

 Notre Père

Jésus est venu nous révéler le Père. Prions-le pour que vienne son Règne, mais demandons-lui aussi le pain de ce jour. Tournons-nous ensemble vers notre père.

 Oraison

Seigneur Jésus, ta venue parmi ton peuple a été préparée durant des millénaires.

Ta fidélité s’est manifestée à travers tout.

Mais c’est en toi que nous avons enfin découvert la proximité de notre Dieu.

Donne-nous d’avancer toujours sur cette voie et de découvrir de plus en plus ta présence auprès de nous.

Nous te le demandons avec confiance, toi qui vis avec le Père et l’Esprit, aujourd’hui et pour toujours.