mardi 29 mars 2022

Liturgie de la Parole, 4e mardi du Carême

 (Isabelle)

Introduction

Ezéchiel, dans la première lecture du jour (Ez 47, 1-9.12), parle de l’eau qui guérit et donne la vie : « J’ai vu l’eau qui jaillissait du Temple », dit le prophète, « tous ceux qu’elle touchait furent sauvés ».

Il se passe quelque chose de semblable à la piscine de Bethzatha : un homme attend que le bouillonnement de l’eau le sauve (Jn 5, 1-16). « Veux-tu être guéri ? » demande Jésus à l’infirme. Celui-ci ne répond que pour déplorer ne pas pouvoir entrer le premier dans la piscine, dont on raconte que le « premier jet » de la source qui jaillit par intermittence guérit, car il est envoyé par Dieu[1]. L’infirme pense ne pas pouvoir « avoir sa chance ». Il attend depuis très longtemps. Jésus l’invite à se lever sans attendre et à se mettre en marche. Ce qu’il fait.

Chrétiens, nous savons les possibilités offertes par Dieu à chacun; il reste à prendre notre fardeau et à nous mettre en marche, à la suite du Christ.

Entrons humblement en prière et chantons les psaumes.

Méditation

Début mars, j’ai été interpellée par deux articles de presse qui m’ont invitée à méditer l’évangile du jour sous un angle nouveau – nouveau pour moi en tout cas : Jésus opère des guérisons le jour du sabbat !

Quels étaient ces 2 articles de presse ? Le 5 mars, dans 7 sur 7 : « Le premier ministre israélien Naftali Bennett s'est envolé samedi pour Moscou où il a rencontré le président russe Vladimir Poutine pendant environ trois heures  (…) M. Bennett est un juif religieux qui ne conduit pas d'affaires officielles le samedi, jour de repos hebdomadaire juif, sauf dans des circonstances extraordinaires ». Nous savons hélas quelles sont ces circonstances extraordinaires !

Le 13 mars, dans l’Express: « Dès les premiers bruits de bottes russes, Israël a fait de l'immigration des Juifs d'Ukraine une priorité absolue. Chaque jour, des centaines de réfugiés ukrainiens arrivent (en Israël) par avions spéciaux et sortent acclamés par des Israéliens, avec chants patriotiques et distribution de gâteaux. Le "retour à la maison" des frères ukrainiens se fête dignement. (…) C’est une bénédiction pour l'Etat hébreu ».  Vous comprenez de quoi N. Bennett et  V. Poutine ont parlé. Cela valait la peine de déroger à la loi de Moïse ! Vies en danger, sauvetage, fête, joie pour ceux qui les accueillent.  

On ne peut pas dire que les actions de Jésus les jours de sabbat produisaient le même effet … Les rabbins, les grands prêtres, les juifs, pris à témoin, se disent choqués par la transgression des interdits : Jésus soigne (c’est proscrit) des malades chroniques (il n’y a pas d’urgence) et voilà qu’il demande à l’homme de porter son brancard (encore un proscrit du sabbat), dans un lieu païen fourmillant d’indigents, d’impurs donc. Pourquoi le Christ déroge-t-il ainsi à la loi de Moïse, le jour où l’on se repose pour célébrer les merveilles de Dieu, le jour où l’on commémore la délivrance de l’esclavage d’Egypte ? Est-ce de la provocation ? Ou bien ?

Le sabbat, selon le livre de l’Exode, est le jour de repos de Dieu, un jour de repos en Dieu. Le Deutéronome (Dt 5, 15) lui apporte une autre dimension : c’est le jour de la commémoration de la force déployée par Dieu pour sortir son peuple d’Egypte. André Wénin, dans un commentaire sur le Décalogue[2], dit : « La puissance de Dieu se fait service de la liberté et de la vie ». La liberté invite à l’alliance. L’exode à la re-naissance, à la vie.

Si Jésus guérit le jour du sabbat, ce n’est donc sans doute ni par hasard ni par provocation : il agit et ramène le sabbat à l’intention originelle, dont la bénédiction et la guérison sont les caractéristiques centrales. « Il (Jésus) accomplit la consigne du sabbat en la renforçant et en la confirmant : le sabbat se concentre sur la délivrance de tout ce qui pourrait empêcher l’homme qui veut atteindre la liberté (…) »[3]. L’histoire de notre infirme est une histoire de délivrance, de salut.  « Quel jour de la semaine, autre que le sabbat, les auteurs néotestamentaires auraient-ils pu choisir pour caractériser le comportement de Jésus comme un comportement délivrant (libérateur) – ou comme le dit Jn 7, 23 : pour "la guérison de l’homme tout entier" »[4].

Nous approchons de Pâques et nous sentons chaque jour, à travers les lectures, la tension monter autour de Jésus. « Tout dans l’activité de Jésus », écrit Daniel Marguerat[5], « transpire l’urgence de se décider pour cette échéance proche : les paraboles, la hâte de guérir, même le jour du Sabbat, l’exhortation à brûler les paroles de politesse pour annoncer plus vite le Royaume ». Le salut est là, à notre porte, à notre portée. L’avènement du Royaume est imminent. La conversion est urgente ! Alors, oui, bien sûr, Jésus avait toutes les bonnes raisons de déroger à la loi de Moïse et de lui redonner son sens premier ! Les circonstances sont tout sauf ordinaires ! « Lève-toi et marche ».

Comme Israël accueille aujourd’hui avec joie le "retour à la maison" des frères ukrainiens, négocié un jour de sabbat, accueillons dans le royaume ceux qui re-naissent de cette bénédiction que Jésus nous offre chaque jour que Dieu fait, et accueillons ceux qui se reposent en Lui.

Notre Père

La liturgie ne nous a pas donné ce jour le verset suivant de l’évangile de Jean (Jn 5, 17) : « Non seulement Jésus ne respectait pas le sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père ». Cela l’a conduit à la mort. Nous le savons. Nous reconnaissons que Jésus est fils de Dieu, et avec lui, nous prions : « Notre Père »

Oraison

Dieu notre Père, tu as envoyé ton fils pour nous offrir la guérison et le salut, pour nous délivrer de tout ce qui pourrait nous empêcher d’atteindre la liberté. Jésus nous a rappelé la pleine dimension du jour où nous pouvons nous reposer en Toi. Donne-nous de nous saisir sans attendre de l’occasion de nous convertir et de te célébrer dans la joie et la confiance. Nous te le demandons, par Jésus, qui vit et règne avec toi et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.



[1] L. DEVILLERS, op, Une piscine peut en cacher une autre. A propos de Jean 5, 1-9, Revue Biblique, 1999, Vol. 106/2, pp. 175-205.

[2] A. Wénin, Le Décalogue. Approche contextuelle, théologie et anthropologie, in C. Focant (ed.), La loi dans l'un et l'autre Testament, Cerf, pp. 9-43.

[3] H. AUSLOOS, Jésus et l’idolâtrerie du sabbat, Revue des Sciences Religieuses, Vol. 85/1, 2011, pp. 27-43.

[4] H. AUSLOOS, ibid.

[5] D. MARGUERAT, in Paul, interprète de Jésus, Le Monde de la Bible, 2003, n° 150, p. 22.

mardi 22 mars 2022

Liturgie de la Parole 3e mardi de Carême

 (SMJn Noville)

Introduction

Nous voici rassemblés en communauté, en Eglise.

En ce temps béni où le Carême nous invite à la conversion, la liturgie nous parle de pardon.

Le livre de Daniel nous fait entendre la prière d’Azarias prononcée au nom de tout le peuple. Tout en reconnaissant la faute collective de son peuple, il prie son Seigneur : « Nous voici, ô Maître, le moins nombreux de tous les peuples, humiliés aujourd’hui sur toute la terre, à cause de nos péchés ».

La suite du texte exprime combien cette faute appelle le pardon de Dieu : « Ne nous laisse pas dans la honte, agis envers nous selon ton indulgence et l’abondance de ta miséricorde ».

L’Evangile évoque également le thème du pardon. Pierre pose une question, en y ajoutant une proposition de réponse : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »

La faute du prochain appelle notre pardon : « Je ne te dis pas (qu’il faut pardonner) jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois ». Comme dit le commentateur Jn-Pierre Prévost : « 7 x 10 x 7 = 490 fois ? autrement dit, autant de fois que nécessaire et, paradoxalement, sans jamais compter le nombre de fois »[1].

Sur ce chemin du pardon, mettons-nous à l’école du psalmiste… à l’école de notre Dieu : « Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route ! »

 Méditation

En guise de méditation, je vous partage l’extrait d’une homélie de Jean Chrysostome, qui vécut au 4e siècle :

« Le Christ nous demande donc deux choses : condamner nos péchés, pardonner ceux des autres, faire la première chose à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais ‘du fond du cœur’… Si tu te laisses aller à l’indignation et à la colère, tu seras blessé non par l’injure qu’il t’a faite, mais par le ressentiment que tu en as.

Ne dis donc pas : ‘Il m’a outragé, il m’a calomnié, il m’a fait quantité de misères’. Plus tu dis qu’il t’a fait du mal, plus tu montres qu’il t’a fait du bien, puisqu’il t’a donné occasion de te purifier de tes péchés. Ainsi, plus il t’offense, plus il te met en état d’obtenir de Dieu le pardon de tes fautes. Car si nous le voulons, personne ne pourra nous nuire ; même nos ennemis nous rendent ainsi un grand service… Considère donc combien tu retires d’avantages d’une injure soufferte humblement et avec douceur »

 Temps de silence

 Notre Père

Avec ceux qui font preuve de miséricorde et ceux qui en sont assoiffés, redisons la prière des enfants de Dieu…

 Oraison

Seigneur, Ta Parole en ce jour établit un lien étroit entre ton pardon et le nôtre, entre la miséricorde que tu exerces envers nous et celle que nous sommes invités à offrir à notre prochain. Lorsque ton prophète Daniel déplorait qu’il n’y avait « plus de lieu où t’offrir nos prémices pour obtenir ta miséricorde », ton Evangile nous apprend que la relation avec notre prochain nous offre l’occasion de faire mémoire de ta miséricorde envers nous. Envoie ton Esprit, afin que nous percevions en nos vies les traces de ton passage, de ton salut. Nous te le demandons par Jésus-Christ, ton Fils ressuscité, qui règnes avec Toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles.

 Bénédiction

Que le Seigneur d’amour et de bonté nous bénisse et nous garde…



[1] J.-P. Prévost, Les paraboles de Jésus. Un trésor à redécouvrir, Moutrouge, Bayard Editions, 2016, p. 105.

vendredi 18 mars 2022

Liturgie de la Parole, 2e vendredi de Carême

 (Isabelle)

Introduction

Bonjour à tous, en ce 2e vendredi de carême.

Je vous livre les titres donnés par l’AELF aux deux lectures que la liturgie nous propose aujourd’hui : Première lecture, du livre de la Genèse : « Voici l’expert en songes qui arrive ! Allons-y, tuons-le ! » (Gn 37, 3-4.12-13a.17b-28) ; Deuxième lecture, de l’Evangile de Matthieu au chapitre 21 : « Voici l’héritier : venez ! Tuons-le ! » (Mt 21, 33-43.45-46) !

Quelle violence ! On se sent invité à être témoins de quelque chose d’insupportable.

L’actualité ne nous aide pas à faire passer la pilule. Notez que je ne me sens pas vraiment mieux si je rappelle les descriptifs que nous utilisons pour faire comprendre rapidement de quoi va parler : Joseph vendu par ses frères et la parabole des vignerons homicides. Joseph sera épargné. Le fils ne le sera pas. Comment appréhender ces histoires terribles ?

L’Evangile de Matthieu se conclut par deux versets (22-23) du psaume 117, que nous savons être un psaume de louange : « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle : c'est là l'œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! »  Une ouverture pour une méditation nous permettant de dépasser l’effroi …

Avant d’explorer la parabole relayée par Matthieu, entrons en prière en chantant les psaumes.

Méditation Mt 21, 33-46

Dans cette parabole, on peut chercher à identifier qui est qui, pour essayer d’en comprendre la portée ! Les apôtres et les théologiens nous en donnent les clés : le maître, c’est Dieu, la vigne c’est le peuple de Dieu, les serviteurs envoyés par le maître auprès des vignerons sont les prophètes, et le fils envoyé est le Messie, le Christ. La parabole nous est habituellement présentée ainsi comme une allégorie de la passion.

Pour essayer de la mettre davantage en lumière dans nos esprits, relisons Isaïe 5, 1-7 où il est aussi question d’une vigne.

 « Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. (…) Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?

Eh bien, je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie. La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. »

La parabole racontée par le Christ  commence de la même manière mais ici, à l’inverse de la vigne d’Isaïe, la sienne est féconde. Ce ne sont pas les fruits qui posent problème au maître, mais les vignerons, à qui il a confié le domaine en fermage. Cela ne lui pose pas problème à cause de leur manque de compétences, mais à cause de leur « infidélité au projet », c’est-à-dire leur volonté première de s’approprier le domaine. Ils se comportent donc comme si la vigne était à eux, et vont jusqu’à tuer le fils du maître pour être sûrs de prendre définitivement la main dessus.

Le maître du domaine, confiant, envoie ses serviteurs pour récolter le fruit du fermage. Il les dépêche une fois, deux fois, même plusieurs fois d’après Marc (Mc 12, 1-9). Sans succès. Alors il envoie son fils, non pas pour sévir contre les vignerons, mais pour le représenter, vraiment dans le but de récolter le fruit. On voit que le maître n’abandonne pas. Il espère ce qui était prévu, conclu. La parabole nous montre la persévérance du maître envers sa vigne.

Cette manière de faire peut changer notre façon de voir : il ne s’agit pas pour le maître de se débarrasser des vignerons et de recommencer de la même façon avec d’autres, comme le suggèrent les grands prêtres, mais il s’agit de « s’organiser » pour récolter les fruits. A défaut – ou en plus ? – il va jusqu’à donner la vigne à « une nation qui lui fera produire des fruits ». Ce qui aurait pu sembler être une défaite du maître marque le début d’une victoire extraordinaire : la vigne ne sera pas détruite même si le fils, l’héritier a été tué. Elle ne sera pas détruite, alors que les vignerons ont voulu faire main basse dessus. Elle ne sera pas abandonnée par le maître : elle sera donnée et donnera du fruit ailleurs, autrement.

Elle se développera et fructifiera avec ceux qui bâtiront sur « la pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs, la pierre devenue la pierre d'angle : c'est là l'oeuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux » (Ps 117, 22-23 ; Mt 21, 42). Les actes des Apôtres (4, 11) nous indiquent que la pierre d’angle, celle sur laquelle l’édifice tient debout, sans laquelle tout s’effondre, c’est Jésus, sans qui il n’y a pas de salut. La première lettre de Pierre (1 Pierre 2, 6-7) nous propose d’être les pierres vivantes de cet édifice. Le royaume est dans nos mains.

Je vous propose de méditer sur ceci : Et si, au lieu d’appeler cette parabole « la parabole des vignerons homicides », ce qui est plutôt désespérant, nous parlions dorénavant de « la parabole de la persévérance de Dieu », ou de « la parabole du Royaume qui se déploie » ? Ne rejoindrions-nous pas le psaume 117 auquel le Christ fait référence, ce psaume qui fut probablement chanté à la Dédicace du second temple de Jérusalem, dans lequel on remercie Dieu pour l’érection du nouveau temple et pour la joie de la fête d’un royaume où on accueille ceux qui arrivent, ceux qui attendaient et ceux qu’on n’attendait pas ? Avec cette parabole, ne continuons-nous pas à entrer avec joie dans le mystère pascal ?

 

Notre Père

Avec Jésus, la pierre d’angle sur laquelle nous appuyer, nous redisons ensemble …

 

Oraison

Seigneur, nous te remercions pour ta persévérance à faire advenir de grandes choses en nous et à nous soutenir pour porter des fruits. Pardonne nos comportements de vignerons infidèles et aide-nous à nous accueillir le sacrifice du Fils que tu as envoyé pour notre salut. Aide-nous à œuvrer à la construction de ton royaume, dans la diversité de nos vies et de nos cultures. Nous te le demandons, par Jésus le Christ, qui vit et règne avec toi et le Saint Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

jeudi 17 mars 2022

Liturgie de la Parole, 2e jeudi de Carême

Luc 16, 19-31

 (Danièle)

Introduction

Au 21° siècle de plus en plus de personnes fuient leur pays en guerre.

Maintenant toutes ces femmes ukrainiennes avec leurs enfants ont dû abandonner leur maison, leur époux, toute leur richesse, elles n'ont plus rien. L’Évangile d'aujourd'hui nous parle de tous ces réfugiés, de tous ces Lazare. Nous sommes riches. Avec cette parabole, Jésus nous demande de voir et d'entendre le cri de tous ces pauvres gens. Écouterons nous sa Parole ?

Après l’Évangile

Saurons-nous entendre ce que Jésus nous dit aujourd'hui dans cette parabole ?

Est-ce une fatalité d'être riche ? Dans cet évangile, le riche n'a pas de nom, on sait qu'il porte des vêtements de luxe et qu'il fait bombance dans sa belle maison. Le pauvre, lui,  a un nom : Lazare, « Dieu aide ».

Ils meurent tous les deux. Lazare se trouve auprès d'Abraham et le riche dans le feu de l'enfer. Sur terre, il ne voyait pas Lazare qui mendiait quelques miettes pour subsister, mais de la fournaise, il le voit et il demande à Abraham de l'envoyer pour lui apporter un peu d'eau. Il considère Lazare comme un inférieur qui peut encore lui rendre service. Abraham lui répond « mon enfant », c'est à ton tour de souffrir. Alors l'homme riche pense à son prochain proche, ses frères qui eux sont encore vivants ; et de nouveau, il voudrait que Lazare aille les prévenir. Abraham  explique que c'est impossible de passer du royaume de la mort à celui des humains. Il lui dit « s'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, quelqu'un pourra bien ressusciter des morts, ils ne seront pas convaincus ». Cette parole s'adresse à nous aujourd'hui, « écouter vraiment, demande d'agir en conséquence » (1)

Ce texte qui parle de damnations éternelles peut quand même choquer alors que les écritures nous affirment que Dieu est amour... Pendant sa vie d'homme, Jésus a soulagé les pauvres, guérit les malades... » Il est venu nous dire que la richesse n'est ni une récompense, ni une supériorité mais que c'est un moyen d'ouvrir la main pour essayer de combler les abîmes qui empêchent de vivre tous dans une égale dignité, c'est là, le royaume de Dieu qui permet la Vie »(2)

 Je pense qu'il faut lire cette parabole en l'actualisant. C'est un appel à la justice sociale et au partage. Jésus veut dire aux pharisiens qu'il ne suffit pas d'appliquer la loi pour être quitte avec l’Écriture, il faut être capable de voir le pauvre qui est à sa porte. L'enfer joue un rôle dans cette parabole mais il n'en est pas le cœur sinon « la parabole voudrait dire qu'il suffit d'être pauvre pour aller au paradis et que tous les riches sont damnés. Suffirait-il de dire à un S.D.F. rencontré dans la rue qu'il a un avenir radieux, pour que son visage s'illumine sans lui donner la moindre pièce ni lui adresser le moindre mot de réconfort ?... (3)

« Nous sommes submergés par des appels en faveur d’œuvres multiples qui ont toutes leur raison d'être, appels en direction des enfants malheureux, des handicapés», les migrants, les restos du cœur et en ce moment, ce sont les Ukrainiens qui ont besoin d'aide, comment rester insensible devant tous ces gens qui fuient leur pays en guerre ?(4)

Que l'homme riche festoie s'il en a les moyens, c'est son affaire, mais qu'il ne remarque même pas le pauvre Lazare couché devant sa porte, c'est cela qui est inadmissible. « Son égoïsme l 'a coupé de son prochain et de Dieu. Il s'enferme dans une prison dorée et dans l'indifférence. Il est devenu aveugle aux besoins humanitaires des autres et sourd à l'appel de Dieu à la compassion la plus élémentaire ». Cette parabole est appelée quelquefois « le mauvais riche et Lazare »... Les riches sont-ils plus mauvais que les autres ? Il semble plutôt que la richesse peut empêcher de voir la réalité et d'écouter la Parole qui incite à « ouvrir la main pour le frère ».(5)

Le pape François a dit « ouvrons les yeux sur toute vie qui vient à notre rencontre surtout si elle est faible, c'est un don et elle mérite accueil, respect et amour.

Invitation au Notre Père

En communion avec tous nos frères et sœurs dans le besoin, adressons nous à Dieu en l'appelant « Père »

Prière finale

Seigneur, tu t'es soucié des plus faibles. Que ton exemple nous aide à partager avec ceux qui sont dans le besoin.
Nous te demandons que ton Esprit nous éclaire dans les choix que nous avons à faire et que toutes nos actions témoignent de ta bonne nouvelle.

Nous te rendons grâce parce qu'aucun pauvre n'est invisible à tes yeux, tu les connais par leur nom et tu les aimes.

Aide nous à nous impliquer davantage dans la misère que nous voyons autour de nous.
Ouvre notre cœur afin que nous regardions avec compassion les plus faibles. Nous te le demandons à toi qui vis et règnes dans les siècles des siècles.

 

1)     Père J.L. Fabre

2)     Diocèse Orléans

3)     Temple du saint Esprit

4)     David Marie Gestalder (diacres homélies)

5)    Jésuites d'Irlande

mercredi 16 mars 2022

Liturgie de la Parole, 2e mercredi de Carême

 (sœur Marie Raphaël)

Ouverture

Lundi, Marina Ovsyannikova, une jeune femme russe dont le père est ukrainien, rédactrice en chef d’un JT officiel, a posé un acte de courage et de vérité prophétique. Pendant le JT, elle est montée sur le plateau avec une pancarte dénonçant la guerre et la propagande officielle. Sur les réseaux sociaux, elle laisse parler la voix de sa conscience et exprime sa honte d’avoir participé si longtemps à la désinformation du peuple russe. En faisant cela, elle sait qu’elle va au-devant de sa passion. Elle le fait quand même, convaincue que c’est l’acte qui est à sa portée maintenant. Est-elle croyante ? Le fait-elle au nom de sa foi ? En tout cas, elle met ses pas dans les pas du Christ qui marche au-devant de sa Passion. Aujourd’hui, dans l’évangile, il l’annonce pour la troisième fois. Accueillons-le avec respect et prions-le de donner un fruit de résurrection à Marina et à tous ceux qui, comme elle, se dressent contre le mensonge au prix de leur propre vie.

Résonances

C’est la troisième fois que Jésus annonce sa Passion à ses disciples. La première fois, c’était dans la région de Césarée de Philippe, après la profession de foi de Pierre. Nous connaissons la réaction de Pierre et comment il a été remis en place. La première réaction, quand Jésus annonce sa Passion, c’est de dire : « non, pas ça ! ». La deuxième fois, cela s’était passé en Galilée, et l’évangéliste Matthieu avait simplement mentionné que les disciples « furent profondément attristés ». La troisième fois, c’est sur le chemin qui monte vers Jérusalem. Jésus prend encore une fois à part ses Douze disciples. Il entre dans les détails : trahison, dérision, flagellation, crucifixion… Et toujours cette conclusion énigmatique : « le troisième jour, il ressuscitera ». Ici, l’évangéliste ne signale aucune réaction des disciples. Après le déni, puis la tristesse, c’est le silence de la sidération. Que peut-on dire ?

La mère des fils de Zébédée n’a rien entendu de tout cela, puisque l’évangéliste a bien précisé que Jésus l’avait dit en aparté aux Douze. Elle rompt le silence de leur sidération par une demande qui, dans ce contexte, paraît complètement déplacée. Mais en fait, elle se rattache à une parole que Jésus avait dite peu de temps avant : « lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël ». Cette parole se terminait par la sentence : « beaucoup de premiers seront derniers et beaucoup de derniers seront premiers ».

« Vous ne savez pas ce que vous demandez » … Mais au moins, ils l’ont demandé, ce qui donne à Jésus l’occasion d’aller plus loin dans la catéchèse. Siéger à la droite et à la gauche du Seigneur dans la gloire, être le premier, être le plus grand dans le Royaume des Cieux… c’est quoi ? Avoir le privilège de se tenir tout près de Jésus, si près de lui qu’on vit la même chose, qu’on boit la même coupe. La réponse de Jésus est claire : « celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur, et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave ». Et cela, pas par ambition, mais par imitation du Fils de l’homme. « Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Donner sa vie en rançon pour la multitude, risquer sa vie pour faire avancer la cause de la vérité et de la paix, c’est ce qu’a fait Marina Ovsyannikova, c’est que font tant d’autres aujourd’hui, un peu partout dans le monde. Laissons-nous toucher par cette promesse : « le troisième jour, ils ressusciteront ».

Prière

Seigneur Jésus, librement, tu marches vers ta Passion. Convertis notre ambition, notre désir de grandeur, en ambition de service, en désir de participer à ton offrande parfaite. Veille sur notre monde et sur tous ceux qui mettent leurs talents au service du Royaume. Au cœur de toute détresse, donne la force de l’espérance qui prend sa source en ta résurrection.

lundi 14 mars 2022

Liturgie de la Parole 2ème lundi de carême

(sœur Marie-Christine)

Introduction

Bonjour et bienvenue à cette célébration de la Parole qui nous rassemble au nom du Seigneur. La première lecture tirée du livre de Daniel nous offre la très belle prière de ce dernier.

À la fois confiance au Dieu miséricordieux et confession de ses péchés, de ceux de son peuple. Daniel reconnaît surtout que « nous n’avons pas écouté tes serviteurs les prophètes qui ont parlé en ton nom… nous n’avons pas écouté la voix du Seigneur, notre Dieu, car nous n’avons pas suivi les lois qu’il nous proposait par ses serviteurs les prophètes. »

L’écoute qui est ouverture du cœur à la Parole, à ceux qui parlent au nom du Seigneur, à ceux qui rappellent ses lois, loi d’amour et de miséricorde. « Au Seigneur notre Dieu la miséricorde et le pardon », il fait de nous ses enfants et nous le devenons à la fois en reconnaissant que nous ne correspondons pas à cette vie filiale et fraternelle à laquelle il nous invite, et en ne nous décourageant pas, en nous tournant sans cesse et toujours vers lui le Miséricordieux.

L’évangile est si fort que nous prendrons 5 mn de silence pour l’accueillir.

Mais auparavant chantons la miséricorde du Seigneur au moyen des Psaumes.

 

Introduction au Notre Père

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Tournons=nous vers le Père des miséricordes et chantons lui la prière reçue du Seigneur Jésus

 

Prière d’envoi

« Pitié pour nous, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface notre péché. Crée en nous un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de nous notre esprit. Rends- nous la joie d’être sauvé » (cf. Psaume 50)

Seigneur cette prière du psalmiste ne te l’adressons en notre nom et au nom de tous nos frères et sœurs en humanité. Par Jésus le Christ, notre Seigneur qui vit avec toi dans l’Esprit Saint, Dieu miséricordieux pour les siècles des siècles. 

mercredi 9 mars 2022

Liturgie de la Parole, 1er mercredi de carême

(sœur Marie Raphaël)

Ouverture

Notre Dieu a de la suite dans les idées. Jonas a pu le vérifier. Il avait d’abord essayé de se dérober à l’appel de Dieu. Mais la tempête, puis le grand poisson, l’avaient ramené à son point de départ. De nouveau, Dieu lui adresse la parole. Notre Dieu est un Dieu qui ne cesse de nous donner, de se donner une nouvelle chance. De nouveau… Car il ne veut pas s’avouer vaincu, il ne se laisse pas vaincre en générosité. De nouveau : c’est une des clés qui permet d’entrer dans le secret de Dieu !

Résonances

« Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère ? » Tout le secret du petit livre de Jonas tient dans ces mots : « qui sait ? »

Les gens de Ninive ne savent pas, mais ils font l’hypothèse, ils n’ont rien à perdre, ils misent tout sur cette hypothèse.

Jonas, lui, sait. Il l’avouera dans les versets qui suivent. Il savait. Et c’était même pour cela qu’il avait tant résisté à l’ordre divin : « Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment ». Jonas, prophète malgré lui, voulait bien se faire le porte-parole de la justice de Dieu, mais pas de sa miséricorde. Pourquoi Jonas se met-il en colère ? On dirait qu’il voudrait protéger Dieu de Dieu. Cela ne convient pas, un Dieu qui fait marche arrière ! Il mesure la folie dans laquelle Dieu se laisse entraîner s’il cède à sa miséricorde. Il mesure la révolution qui est ici en jeu. Un Dieu qui se repent : où va-t-on ?

Et si cette marche arrière, cette apparente régression, était précisément la « botte secrète » de Dieu ? Sa tactique inattendue qui lui permet de sortir de l’impasse et de sauver à la fois sa justice et sa miséricorde ?[1] Le livre de Jonas, si petit soit-il, vaut son pesant d’or dans l’ensemble de la révélation biblique. Il nous parle d’un Dieu qui ne rêve que d’une chose : faire justice en pardonnant, nous révéler l’excès de son amour.

Et il y a ici bien plus que Jonas. Jésus n’est pas seulement prophète de la miséricorde divine, il est en personne cette miséricorde, la mise en œuvre de l’excès de l’amour du Père. Jésus est la botte secrète du Père.

Jonas avait raison : cela ne convient pas. Un Dieu qui donne sa vie et meurt pour nous / par nous. Quel gâchis. Et pourtant, Jésus l’a fait. Devant ce gâchis, nous pouvons rester extérieurs, observer de loin, comme Jonas, et nous mettre en colère parce que Dieu est trop bon. Nous pouvons aussi nous mettre en route comme la reine de Saba et nous incliner devant la sagesse d’un Dieu qui nous aime à la folie.

Prière.

Dieu, tu nous aimes à la folie. Ta justice atteint sa plénitude dans l’excès de ta miséricorde. Béni sois-tu ! Apprends-nous à te suivre sur ce chemin de salut, convertis nos cœurs afin qu’ils reconnaissent ton passage dans nos vies. Bénis et protège tous ceux qui, aujourd’hui, dans notre monde en guerre, opposent au mal la résistance d’un cœur droit, d’un authentique repentir, d’une solidarité persévérante, tous ceux qui refusent d’entrer dans la spirale du mensonge et de la violence, suivant ainsi, peut-être sans le savoir, les traces de ton Fils bien-aimé.



[1] Pour l’expression « botte secrète » et l’explication de cette intuition, voir l’article de Jean-Pierre Sonnet, « Justice et miséricorde. Les attributs de Dieu dans la dynamique narrative du Pentateuque », dans Nouvelle Revue Théologique 138/1, 2016.

mardi 8 mars 2022

Liturgie de la Parole, 1er mardi de Carême

 (Isabelle)

 Introduction

Aujourd’hui, 8 mars, nous fêtons Saint Jean de Dieu, fondateur de l’ordre des Hospitaliers, patron des malades et du personnel de soins. Nous prions spécialement pour eux, par son intercession.

Le 8 mars, c’est aussi la journée internationale des droits des femmes. Une journée au cours de laquelle, un peu partout dans le monde, les femmes dénoncent ouvertement les discriminations, les inégalités, les violences dont elles font l’objet ; elles écrivent des plaidoyers et des propositions d’action, y/c pour faire reconnaître leur place dans l’Eglise[1]. Des hommes se joignent à elles, bien sûr ! Dans certains pays, là où les femmes n’ont guère droit à la parole, là où elles n’ont pas le droit de manifester, elles se confectionnent une tenue spéciale, arborent des slogans et des symboles porteurs de vie, et elles font la fête. Elles dansent dans les quartiers, et à l’église elles chantent la gloire du Seigneur sur des rythmes « de Dieu le Père ». Les hommes les soutiennent bien évidemment, notamment en prenant leurs tâches pour un jour !

Dans la première lecture, les derniers versets du second Isaïe nous rappellent que la Parole de Dieu est féconde en nos vies, comme la terre est féconde. Cette parole, nous l’accueillons. Nous accueillons aussi et redisons chaque jour la seconde lecture : « Notre Père ». Nous répétons cette prière parce que Jésus nous l’a apprise ; nous l’aimons parce qu’elle rejoint notre humanité, qu’elle fait sens dans nos vies et qu’elle ouvre aux dimensions de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Amour face auquel nous sommes tous égaux.

Commençons cette célébration en chantant notre louange au Seigneur avec les psaumes.

Méditation (Is 55, 10-11)

« La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ». (Is 55, 10)

Quelle merveilleuse description ! On imagine un paysage un peu comme dans le cantique des cantiques : doucement vallonné, avec chevaux sauvages, des gazelles, des agneaux, des papillons, des abeilles, des arbres croulant de fruits, des blés dorés. Une brise légère, de la chaleur, de la douceur. Du vert, ou plutôt des verts, et des bleus. Et des senteurs …

Je me permets de vous lire ce matin un portrait d’une femme qui évolue dans un univers différent, et pourtant tellement lointain et tellement proche. Vous ferez le lien avec ce début du texte d’Isaïe …

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L. L comme Libona. Elle.

5h. L. se lève qu’il fait déjà grand soleil. Il fait toujours grand soleil dans ce pays. Un soleil de plomb qui ne se voile que pour devenir rouge des poussières du Sahara, ou qui s’assombrit quelques heures avec la promesse d’une pluie de mousson africaine.

Je l'imagine à ses heures matinales, mais je ne suis pas sûre de pouvoir le faire avec justesse. Elle aime la justesse, par-dessus tout. Il fait déjà chaud. Il fait toujours chaud. Sans doute prend-elle d’abord une courte douche, avec une attention énorme à économiser l’eau. Elle enfile un élégant pagne coloré, impeccablement repassé. Vert. C’est sa couleur préférée ! Elle dit : « Vert : la couleur de l’herbe que Dieu vous a donnée en abondance. Il aurait pu nous en donner un peu … ».

Elle déjeune de tô, une bouillie de petit mil cultivé par la coopérative des femmes qu’elle a créée. La gamine du village qu’elle a prise sous son aile pour lui apprendre à tenir une maison, lui a préparé le thé, sur le charbon de bois, accroupie, dehors. « C’est important de bien tenir une maison, c’est la dignité des pauvres ». Important pour garder le mari qu’on a choisi pour vous et pour bien élever les nombreux enfants qui naîtront, même si on n’en a pas encore vraiment l’âge.

L. a quitté depuis longtemps le village familial pour une vie de femme émancipée. Diplômée. Ce n’est pas nécessairement un cadeau : « une femme instruite, c’est difficile à accepter » ! Elle ne délaisse pas pour autant son village car elle tient à y promouvoir l’éducation des filles. Par tous les moyens. Leurs faibles moyens. Féministe. Généreuse. « La chance que Dieu m’a donnée, je dois la rendre tant que je vis », répète-t-elle.

Ce qui m’a frappé, une des dernières fois où je l’ai rejointe au pays, c’est son « africanité ». Chance de la voir me faire rencontrer "les siens", ceux de sa vie. Perte de mes repères occidentaux. Ils sont nombreux ses amis. Pauvres. Accueillants. Souriants. Ils se veulent intègres. C'est le nom de son pays : le pays des hommes intègres. Un vœu pieux pour un des pays les plus pauvres du monde, en proie à un terrorisme impossible à réfréner, et une gouvernance démocratique impossible à maintenir.

Chez nous, L. s’adapte. Elle se fond. Elle met de côté ses expressions indigènes. Elle parle moins fort. Elle ne dit sa foi que dans les cercles amis. Elle ne perd rien, prend tout, gagne « en expérience et en espérance ». C’est sans doute cela qui nous lie le plus : l’espérance.

Chez elle, je la vois fonceuse, frondeuse. Elle guide. Elle porte. Elle soulève des montagnes. Elle tient bon. Elle ne laisse personne indifférent.  Elle s'inquiète beaucoup : pour la santé, la sûreté alimentaire, la sécurité. Pour ses enfants, son village, pour son peuple. « Dieu n’oublie personne. », me dit-elle. « C’est difficile à prier ! »

Toujours à l’heure et pleinement de son temps, malgré un âge au-delà de l’espéré, elle s’en va rejoindre ses étudiants et étudiantes. « Les jeunes, c’est l’espoir de la nation ». Je partage cela aussi avec elle. Elle démarre en soulevant un nuage de poussière ocre rouge sur la piste avant de rejoindre le goudron. Tout est poussière dans ce pays !

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Je vous relis Isaïe (Isaïe 55, 10-11) :

« La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ».

« Ainsi ma parole, qui sort de ma bouche ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » 

Oui, Seigneur, Ta parole revient avec du résultat. Oui, en ayant fait ce qui Te plaît. Oui, en accomplissant sa mission. Qu’importe l’herbe, l’eau, la semence ou le pain, ce sont les hommes et les femmes debout qui Te suivent et façonnent ton Royaume ! Au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, dans la richesse ou la pauvreté, dans la verdure ou la poussière du désert, en temps de paix ou en temps de guerre, en particulier ce jour, Seigneur, bénis les femmes !

Introduction au Notre Père

« Notre Père, qui es aux cieux », nombreux sont ceux et celles qui s’adressent à toi par cette prière. C’est la prière des femmes qui subissent des blessures énormes, en particulier en période de guerre, et y survivent avec courage, c’est la prière de celles qui portent de lourds fardeaux au quotidien, de celles qui vivent d’immenses joies et donnent de l’espoir à leur entourage, de celles qui t’accueillent avec amour. C’est la prière que Jésus nous as apprise. Poussés par l’Esprit, nous la chantons ensemble avec joie.

 Oraison

« Notre Père, qui es aux cieux », ton église nous présente des saintes comme modèles de vie. Nous les reconnaissons ; elles nous inspirent et nous soutiennent. Ton église nous parle moins des femmes qui, dans la discrétion, intercèdent pour nous auprès de Toi. Elles portent ta parole, elles portent la vie en toi. Accueille leur vie donnée, leur prière, celle de leurs familles, celle de leurs amis. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et à jamais.


[1] « Agir pour les femmes dans l’Eglise catholique - les 15 propositions du Forum de l’Evêque, 22/2/22 », rédigé en suite aux consultations d’Anne Soupa lors de sa candidature à l’Archevêché de Lyon : https://drive.google.com/file/d/1-bogBVzm2rvKnJjZbmlJrnLWFy3wsM0E/view

lundi 7 mars 2022

Liturgie de la Parole, 1er lundi de Carême

 (SMJn Noville)

Introduction

Nous voici rassemblés en communauté, en Eglise.

En ce temps béni, des lectures inspirantes sont proposées à notre méditation.

En ce lundi de la première semaine du Carême, la liturgie nous parle de nos trois prochains : Lui le Seigneur, celui ou celle qu’Il met sur notre chemin et nous confie… et nous-mêmes.

En effet, l’extrait du Lévitique cite le verset qui fonde ce triple amour : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur »

Quant à l’Evangile, il nous rappelle la célèbre fresque du jugement, selon le chapitre 25 de Matthieu et nous questionne sur notre relation face à celui qui a faim, soif, est étranger, malade, nu ou en prison…

Deux déclarations fortes qui ne doivent pas nous décourager devant nos manquements, mais nous mettre en route, dès aujourd’hui :

« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait… (et) chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait »

 En ce temps de grand bouleversement international, où tant de nos prochains souffrent et meurent, implorons le Seigneur afin que cesse la guerre et que s’apaisent les hostilités.

Aujourd’hui, bâtissons la paix, là où nous sommes, en nous-mêmes et avec tous les prochains que nous rencontrons. Et, par le chant des psaumes, prions pour que cette paix soit contagieuse…

 Méditation

En guise de méditation, je vous propose d’écouter l’enseignement d’une chantre de la charité, M Teresa de Calcutta :

« Si nous montrons tant d’amour aux pauvres, c’est qu’en eux nous trouvons Jésus aujourd’hui, lui qui est la Parole de Dieu faite chair. Plus nous sommes unis à Dieu, plus grandissent notre amour pour les pauvres et notre disponibilité à les servir du fond du cœur…

N’allez pas chercher Dieu dans les pays lointains ; il est tout près de vous ; il est avec vous. Tenez toujours vos lampes allumées, et vous le découvrirez sans cesse. Veillez et priez.

Jésus offre son amitié durable, confiante, personnelle, à chacun de nous ; il l’exprime avec tendresse et amour. Il nous a liés à lui pour toujours. Et maintenant, par notre empressement, nous mettons cet amour en pratique. Jésus est venu dans le monde en faisant le bien, et nous essayons maintenant de l’imiter, parce que je crois que Dieu aime le monde à travers nous. Je vois tant de gens dans la rue, des gens dont on ne veut pas, dont on ne s’occupe pas, des gens avides d’amour. Ils sont Jésus »

 Temps de silence

 Notre Père

Avec Jésus, redisons la prière des enfants de Dieu…

 Oraison

Seigneur, tu nous confies aujourd’hui à neuf notre responsabilité, notre mission : l’amour de Toi, l’amour de notre prochain, l’amour de nous-mêmes. Tu nous laisses percevoir que derrière le visage d’autrui, c’est ton visage que nous pouvons découvrir, servir, aimer. Accorde-nous de nous laisser interpeller par le frère, la sœur que tu mets sur notre chemin. Et que ton Esprit nous inspire afin que nous allions, à travers autrui, à Ta rencontre. Nous te le demandons par Jésus-Christ, ton Fils ressuscité, qui règne avec Toi et le Saint-Esprit, un seul Dieu pour les siècles des siècles.

 Bénédiction

Que le Seigneur, le grand Pauvre, nous bénisse et nous garde…