Le lendemain, Jean se tenait là, de nouveau, avec deux de ses disciples.
Fixant-son-regard sur Jésus qui marchait, il dit : « Voici l’agneau de Dieu ».
Les deux disciples l’entendirent parlant et firent route avec Jésus.
Jésus se tourna et, contemplant qu’ils faisaient route avec lui, leur dit :
« Que cherchez-vous ? »
Ils lui dirent : « Rabbi – ce qui veut dire Maître -, où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez et vous verrez. » Ils vinrent donc et ils virent où il demeure, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C’était environ la dixième heure.
Jean 1,35-39
Viens Esprit-Saint, attire-nous à toi,
Viens nous lancer sur les traces de Jésus : que nous demeurions avec lui.
Le lendemain… se tenait là… de nouveau…
On a l’impression d’un arrêt sur image, comme si rien n’avait changé… mais pourtant, deux personnages sont introduits dans la scène. On ne sait rien d’eux si ce n’est qu’ils sont disciples du Baptiste.
Fixant-son-regard sur…
Le verbe n’est pas le même que celui employé au v 29, où le récit semblait identique : le lendemain, il voit Jésus venant vers lui… Ici il y a un préfixe qui note l’instance du regard, son intensité.
… sur Jésus qui marchait…
Cette fois, il n’est pas dit que Jésus vient à Jean, mais qu’il marche… Où va-t-il ? L’impression qu’il y a ici comme un appel discret à comprendre que le message de Jean est « dépassé », qu’il faut aller plus loin… Jean serait comme arrêté au seuil de la nouveauté que Jésus vient inaugurer.
Voici l’agneau de Dieu…
Jean reprend à nouveau la même expression qu’au v 29. Mais il la raccourcit sérieusement. Il ne dit plus rien d’autre que ce « Voici l’agneau de Dieu ». Au v 29 et suivants, il parlait de sa mission de témoin, il développait ce qu’il percevait comme rapport entre lui et celui qu’il annonçait. Ici Jean ne dit plus rien sur lui-même, il est comme tout entier en son regard sur Jésus qui marche. Il ne fait plus que le nommer : agneau de Dieu. On n’est pas sûr qu’il parle à quelqu’un. Peut-être est-ce seulement l’exclamation qui jaillit de son regard fixé sur Jésus qui passe…
Les deux disciples l’entendirent parlant et firent route avec Jésus
Et les deux disciples perçoivent cette parole, cette exclamation de Jean. Cette parole les met en route. Ils accompagnent Jésus (les traductions disent ordinairement ‘suivent’ ; mais le sens premier de ce verbe est ‘faire route avec’, ‘accompagner’. Mary Balmary le fait remarquer dans un de ses livres. Cela peut renouveler notre regard, notre pensée, cessons d’être des suiveurs… mais faisons route avec, même si effectivement nous accompagnons plus que souvent timidement, en arrière par rapport à sa marche décidée.)
Alors Jésus se tourna, et contemplant qu’ils faisaient route avec lui, leur dit : « Que cherchez-vous ? »
Je vois ce mouvement de Jésus vers ceux qui se sont mis à faire route avec lui. Et son regard qui se pose sur eux, un regard profond (même verbe au v 32 quand Jean dit avoir contemplé l’Esprit tel une colombe), un regard qui scrute au-delà des apparences. Un regard qui interroge : que cherchez-vous ? et non qui cherchez-vous… Qu’est-ce qui vous a mis en route ? quel est votre désir ? Un regard qui offre la relation, sans l’imposer.
Rabbi, où demeures-tu ?
Etonnant, au début de ce petit passage, ils étaient disciples de Jean. Et déjà, ils appellent Jésus « rabbi ». Je m’étonne de la traduction que Jean en donne. En hébreu « rabbi » se traduirait plutôt par « mon maître ». Peut-être que le vocabulaire courant de l’époque ne tenait plus compte de ce possessif.
Où demeures-tu ?
Etrange question. Jean leur a désigné quelqu’un qui marche… on aurait pu attendre qu’ils s’interrogent sur sa direction : où vas-tu ?… non, ils demandent « où demeures-tu ? » Où est ton lieu ? Quand on sait le poids du verbe « demeurer » en cet évangile, cette question retentit comme un appel à l’essentiel : où puises-tu ta vie, où est ta source, d’où tires-tu ton eau vive, ta sève ? Quel est ton amour ?
Venez et vous verrez
Réponse tout aussi étonnante… ils ne se connaissent pas, et déjà il les invite.
Ils virent où il demeure, et ils demeurèrent
Et c’est tout ce qu’ils en disent. On aurait aimé qu’ils décrivent ce qu’ils avaient vu, vécu… et ils ne disant qu’une chose : on a demeuré auprès de lui ce jour-là et c’était environ la dixième heure.
Non pas « ils ont demeuré chez lui »… mais « auprès de lui ». Là serait la demeure à laquelle nous sommes invités… Sa vie serait à ce point contagieuse, qu’il suffirait de demeurer auprès de lui, pour y avoir part.
Je médite sur l’extrême délicatesse de l’appel de Jésus. Il répond au désir de l’homme, mais il le laisse faire le premier pas. C’est lorsqu’ils se sont mis à faire route avec lui, que Jésus interroge les disciples. Que cherches-tu ? Quel est ton désir ? C’est en réponse à leur désir profond, qu’il les invite : « venez et vous verrez ». Jésus est encore plus attentif à notre cœur profond que nous-mêmes. Et réveillant la soif, il s’offre en eau vive : venez… Il nous invite à marcher, avec lui…
Seigneur, ouvre mon désir, invite-moi, entraîne-moi…
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