(sœur Marie-Raphaël)
Saint Anschaire
Ouverture
Il y a des jours où le texte résiste. Non que je ne
comprenne pas, mais parce qu’il y a dans le texte (le passage de la lettre aux
Hébreux) quelque chose qui me choque, que je refuse d’accepter. Je suis
scandalisée, comme l’étaient les gens de Nazareth quand Jésus est revenu dans
son village natal et qu’il a commencé à enseigner là, dans la synagogue. Mais
peut-être que les scandales ont aussi leur raison d’être ? D’ailleurs, dans
les psaumes aussi, il y a beaucoup de choses qui s’entrechoquent. Prenons le
risque de nous laisser scandaliser… il en sortira peut-être quelque chose de
neuf, de surprenant.
Résonnances
« Mon fils, ne rejette pas les leçons du
Seigneur, ne dédaigne pas ses critiques, car le Seigneur reprend celui qu’il
aime, comme fait un père pour le fils qu’il chérit » (Prov 3, 11-12).
Cette citation du livre des Proverbes est reprise dans la lettre aux Hébreux
que nous venons d’entendre. Et l’auteur précise que ce sont là des paroles
d’encouragement, de consolation, pour que nous n’ayons pas peur de
« résister jusqu’au sang », jusqu’au martyre, dans notre témoignage.
Il ajoute laconiquement : « ce que vous endurez est une leçon ».
Peut-être fait-il allusion à une situation précise
vécue par ses destinataires, mais nous n’en savons rien. Or, cette affirmation,
prise d’une façon absolue, me met très mal à l’aise. Elle peut donner
l’impression que c’est Dieu qui nous envoie l’épreuve, afin de nous
« éduquer ». Il est vrai que tout un courant de la pensée biblique de
sagesse essaie de voir dans l’épreuve une forme d’éducation de la part de Dieu,
à travers une purification, comme l’or au creuset… Mais quand je vois ce que
certaines personnes doivent endurer, les souffrances de gens d’ici et ailleurs
dans le monde, cela me révolte. Bien sûr, on peut toujours essayer de faire
d’une crise une occasion de grandir. Bien sûr, Paul a écrit quelque part que
« Dieu fait tout contribuer au bien de ceux qu’il aime ». Mais il
m’est insupportable de penser que l’épreuve ait été voulue par Dieu… même pour
notre bien. Je trouve cela sadique.
Regardons l’évangile. Jésus vient à Nazareth, il
enseigne. Les gens de Nazareth sont d’abord « frappés de stupeur »,
puis « profondément choqués ». On ne dit pas pourquoi : est-ce
par rapport aux paroles de Jésus ? Ou plutôt par rapport à sa prétention
de parler ? D’où lui vient tout cela ? De quel droit nous fait-il la
leçon ? Ils sont choqués, c’est-à-dire « scandalisés ». Le
scandale, c’est littéralement une pierre d’achoppement. Et l’évangéliste
dit que Jésus s’étonnait de leur manque de foi. Cela a quelque chose à voir
avec la foi.
Il me semble que le fait d’être scandalisé peut avoir
quelque chose de positif : il montre qu’on n’est pas indifférent. Je vais
peut-être vous choquer (vous scandaliser) en disant cela, mais je crois qu’il
est bon qu’il y ait des scandales… des pierres d’achoppement sur notre chemin de
foi, des obstacles qui nous obligent à nous arrêter, à prendre du recul. Notre
foi n’est pas un long fleuve tranquille. Tôt ou tard elle achoppe sur un
scandale encore plus grand, plus incompréhensible : le scandale de la
croix, folie de Dieu. Mais la Bible nous apprend aussi que « la pierre
rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle », que la pierre
d’achoppement peut devenir pierre de fondation, rocher sur lequel s’appuie
l’édifice.
Je laisse donc ouverte la question du sens de
l’épreuve, évoquée dans la lettre aux Hébreux. Et j’espère que le Père nous
révélera lui-même ce qu’il veut nous apprendre à travers les épreuves que nous
rencontrons.
Prière
Seigneur, tu savais qu’un prophète n’est jamais bien
accueilli dans son pays, tu t’étonnais de leur manque de foi. Que ta parole ne
soit pas scandaleuse à nos oreilles, mais qu’elle nous invite à la confiance en
un amour qui dépasse ce que nous pouvons imaginer. Alors, nous te suivrons sans
crainte sur le chemin du témoignage. Nous te le demandons, toi qui règnes…
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