lundi 15 février 2021

Liturgie de la Parole 6e lundi TO

 (soeur Marie-Raphaël)

Ouverture

« Où est Abel, ton frère ? » « Je ne sais pas : est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? ».

Qu’est-ce que la fraternité humaine ? Suffit-il d’être nés des mêmes parents pour être frères, sœurs ? Nous voici au chapitre 4 du livre de la Genèse, et la question se pose d’emblée de façon dramatique. Au moment où Dieu lui pose cette question, on dirait que Caïn n’a jamais pensé au fait qu’être le frère d’Abel impliquait des devoirs envers lui. Les liens de fraternité sont d’ailleurs problématiques dès le départ, ne fut-ce que par les prénoms que leur mère leur donne. Caïn pourrait se traduire « possession, acquisition », et Abel « insignifiance » … Mais le problème n’est pas une fatalité. Même si le récit se termine mal, il y a un détail qui pose l’espérance au cœur du mal. C’est ce que nous verrons, mais commençons par chanter la beauté de la Loi de Dieu à travers le psaume 118.

Résonances

« Pour le mettre à l’épreuve, ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel… ». Il n’est pas dit que Jésus le leur refuse, il est écrit que Jésus soupire en disant : « aucun ne signe ne sera donné à cette génération » … Ce n’est pas une condamnation, c’est juste un douloureux constat qui fait soupirer Jésus. Aucun signe ne leur sera donné, parce qu’ils ne sont pas prêts à le recevoir, à le lire, à le comprendre. Jésus ne peut pas donner de signe à ceux qui le lui demandent pour le mettre à l’épreuve, il ne peut donner de signe qu’a ceux qui l’accueillent déjà par la foi. Et il ne donne pas d’autre signe que celui qui est déjà donné : il est tout entier, par sa présence, l’image du Père, l’image de Dieu.

Dans le texte de la Genèse, il est aussi question d’un douloureux constat et d’un signe. Le douloureux constat, c’est que le sang d’Abel que Caïn a versé va se retourner contre lui. La spirale de la violence que Caïn a déclenchée va s’amplifier bien vite exponentiellement. À la troisième génération, celle de son petit-fils Lamek, elle aura déjà pris la vitesse 7. Puis viendra le déluge, cette tentative de Dieu d’effacer toute la violence et de recommencer à zéro, ou presque. Mais Dieu s’en repentira et changera son fusil d’épaule, pardon, il déposera son arc. Il donnera à Noé les lignes directives de l’alliance, en évoquant la question du sang versé, précisément : « Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout animal et j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère » (Gn 9, 5). Quand Dieu permettra à Noé et à ses descendants de se nourrir de la chair des animaux, il ajoutera clairement cet interdit du meurtre, en précisant que tout homme que l’on tue est un frère.

Le signe que Dieu met sur Caïn « pour le préserver d’être tué par le premier venu ». Est-ce un signe de protection ? Un signe un peu magique comme l’était le sang sur les montants des portes des fils d’Israël au moment de leur sortie d’Egypte ? je ne crois pas. Le signe que Dieu met sur Caïn, c’est une réponse à la malédiction de la spirale de la violence. Cette réponse est un refus de la fatalité ! Le signe que Dieu met sur Caïn signifie qu’un salut est possible. Car je fais l’hypothèse que ce signe, c’est le signe de la fraternité, le signe que chaque homme est frère, puisque créé comme moi à l’image de Dieu.

Dans le document d’Abu Dhabi, le pape François et le grand Iman Ahmad Al-Tayyeb ont déclaré ensemble : « Dieu a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoir et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux ».

Alors, quand Dieu me posera la question : « Où est ton frère Abel ? », qu’il me donne de discerner sa propre image dans chacun de ceux qu’il me confie par les croisements de la vie, qu’il me donne de répondre : « si tu le veux, Seigneur, aide-moi à être gardien de mon frère et donne-lui aussi d’être pour moi un gardien ».

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