Tobit 1, 16-20
Le
texte (traduction de la Bible de Jérusalem) :
« 16 Aux jours de Salmanasar, j'avais fait souvent
l'aumône à mes frères de race,
17 je donnais mon
pain aux affamés, et des habits à ceux qui étaient nus; et j'enterrais, quand
j'en voyais, les cadavres de mes compatriotes, jetés par-dessus les remparts de
Ninive.
18 J'enterrai de
même ceux que tua Sennachérib. Quand il revint en fuyard de Judée, après le
châtiment du Roi du Ciel sur le blasphémateur, Sennachérib, dans sa colère, tua
un grand nombre d'Israélites. Alors, je dérobais leurs corps pour les
ensevelir; Sennachérib les cherchait et ne les trouvait plus.
19 Un Ninivite
vint informer le roi que j'étais le fossoyeur clandestin. Quand je sus le roi
renseigné sur mon compte, que je me vis recherché pour être mis à mort, j'eus
peur, et je pris la fuite.
20 Tous mes biens
furent saisis; tout fut confisqué pour le trésor; rien ne me resta, que ma
femme Anna, et que mon fils Tobie ».
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père
de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie
maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ
dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus
profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour
parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »
Lecture
verset par verset :
Avec le livre de Tobit, nous découvrons un nouveau genre
littéraire : celui du roman.
Les versets qui précèdent notre extrait ont précisé qui
prend la parole. Il s’agit d’un certain Tobit, de la tribu de Nephtali, qui fut
déporté à Ninive, en Assyrie.
On remarquera au cours du livre de nombreuses indications
de temps, de lieux, de personnes qui semblent orienter vers une époque précise.
En fait, il nous faut en relativiser l’exactitude historique. Si la déportation
à Ninive remonte au 8e ou 7e siècle avant Jésus-Christ,
la mise par écrit de ce livre date vraisemblablement du 2e siècle.
Quoi qu’il en soit, l’objectif du livre de Tobit est
plutôt de nous raconter une histoire, un récit… qui peut certainement nous instruire.
(v. 16-17) « Aux jours de Salmanasar, j'avais fait
souvent l'aumône à mes frères de race, je donnais mon pain aux affamés, et des
habits à ceux qui étaient nus; et j'enterrais, quand j'en voyais, les cadavres
de mes compatriotes, jetés par-dessus les remparts de Ninive »
Tobit poursuit donc le compte-rendu de ses bonnes
œuvres : faire l’aumône, nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus,
enterrer les morts… Un tel catalogue est assez typique de la culture juive, où
le souci des indigents appartenait à la piété : le livre du Siracide que nous avons lu dernièrement
sur ce blog y fait également allusion[1].
Si une telle présentation pourrait être taxée de
présomption, il nous semble que Tobit accomplit ces actions avec beaucoup de
foi et de cœur. Il incarne plutôt ici une religion authentique.
Ce souci d’ensevelir les morts sera récurrent dans ce
livre. Dans la culture juive, l’absence de sépulture est une malédiction[2], qui ne permet pas au défunt de
reposer en paix.
La ville de Ninive est le lieu de la prédication du
prophète Jonas : c’est sa « méchanceté » qui y est soulignée[3]. Dans notre livre de Tobit, l’idolâtrie
retient l’attention, comme l’attestent les versets précédents[4]. A l’opposé des idolâtres,
Tobit réaffirme sa foi dans le Dieu d’Israël : « je me souvenais de
mon Dieu de tout mon être » (1, 12).
Notons que la liste des bonnes œuvres en faveur du
prochain apparaîtra dans le Second Testament, lorsque Jésus évoquera le « Jugement
dernier »[5] :
Tobit en fut un bon pratiquant avant la lettre.
(v. 18) « J'enterrai de même ceux que tua
Sennachérib… Alors, je dérobais leurs corps pour les ensevelir... »
Sous le pouvoir du roi suivant, le souci d’ensevelir ses
compatriotes se poursuit chez Tobit. Le roi ne le voit cependant pas d’un bon
œil :
(v. 19-20) « Un Ninivite vint informer le roi que
j'étais le fossoyeur clandestin. Quand je sus le roi renseigné sur mon compte,
que je me vis recherché pour être mis à mort, j'eus peur, et je pris la fuite. Tous
mes biens furent saisis; tout fut confisqué pour le trésor; rien ne me resta,
que ma femme Anna, et que mon fils Tobie »
Tobit est alors dénoncé, poursuivi, menacé de mort. On le
dépouille au profit du trésor royal.
Ce double portrait d’un homme jadis rompu aux bonnes
œuvres puis soudain discrédité, dépouillé, malmené rappelle l’histoire de Job,
dans le livre qui porte son nom.
L’un et l’autre ne cesseront de clamer leur innocence aux
regards des hommes et à la face de leur
Dieu…
Prière :
Seigneur, Tobit a
fait preuve de fidélité et de loyauté, sur une terre étrangère, où tant
d’autres ont abandonné le chemin de la piété et de la justice : il est une
figure d’Espérance qui reflète ton visage[6].
Te fréquenter,
Seigneur, nous rend plus humains, nous façonne à ton image.
Pour que notre
humanité te révèle, Seigneur, envoie ton Esprit !
[1] « L'eau éteint les flammes, l'aumône remet les péchés » (Si 3, 30) ; « Ne sois
pas hésitant dans la prière et ne néglige pas de faire l'aumône » (Si 7, 10). Cfr aussi Si
35, 2 ; 40, 17.24.
Un tel souci apparaît ailleurs dans le Premier Testament.
En guise d’exemple, Lv 23, 22 : « Lorsque vous ferez la moisson dans
votre pays, tu ne moissonneras pas jusqu'à l'extrême bord de ton champ et tu ne
glaneras pas ta moisson. Tu abandonneras cela au pauvre et à l'étranger. Je suis le Seigneur votre Dieu ».
[2] « Il y aura des victimes en ce jour-là, d'un bout de
la terre à l'autre; on ne les pleurera pas, on ne les ramassera pas, on ne les
enterrera pas. Ils resteront sur le sol en guise de fumier » (Jr 25, 33).
[3] « Lève-toi, lui dit-il, va à
Ninive, la grande ville, et annonce-leur que leur méchanceté est montée jusqu'à
moi » (Jon 1, 2).
[4] « Tous mes frères, et la maison de Nephtali, eux,
sacrifiaient au veau qu'avait fait Jéroboam, roi d'Israël, à Dan, sur tous les
monts de Galilée. Bien des fois, j'étais absolument seul à venir en pèlerinage
à Jérusalem, pour satisfaire à la loi qui oblige tout Israël à
perpétuité… » (Tb 1, 5-6).
[5] « Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger,
j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez
accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et
vous êtes venus me voir » (Mt 25, 35-36).
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