(sœur Bernadette)
Introduction :
Janusz Korczak, un médecin juif, a écrit à l'époque du
national-socialisme : "Quelle chance que les médecins et la police ne
puissent pas me dicter la fréquence de mes respirations par minute et la fréquence
à laquelle mon cœur a le droit de battre".[1] Par
cette réflexion, le médecin dénonce qu’un pouvoir totalitaire développe
beaucoup de manœuvres pour altérer notre liberté, mais il ne peut pas tout nous
enlever. Dans l'Évangile d'aujourd'hui, cette
situation est illustrée par la réaction des Hérodiens et des Pharisiens à
l’égard de Jésus qui guérit l’homme à la main desséchée par compassion, par
amour de son prochain. Ces ennemis de Jésus se retranchent derrière une
conception rigide de la loi : « la loi, c’est la loi ». Jésus
respecte la loi puisqu’au sabbat, il se rend à la synagogue comme ses
contradicteurs, mais il veut leur faire comprendre que la loi ne peut exclure
l’amour, la compassion, la miséricorde !
Dans la prière, demandée par
Jésus personnellement, tendons la main emplie de toutes les choses desséchées
que nous portons en nous pour qu’il nous aide à nous relever. "Dieu est surtout
et à tout moment intéressé par le bien de l'homme !"[2]
Lecture : Héb 7,1-3.15-17 // Ps 109 (110) // Marc
3,1-6
Méditation :
Laissons-nous parler l’homme avec la main desséchée ?
« Seigneur, mon Dieu, je crie vers toi sans
relâche ».[3] « Accomplis
un signe en ma faveur ».[4] « Ouvre
l’oreille à ma plainte, car mon âme est rassasiée de malheur. »[5] « Nombreux
sont-ils à déclarer à mon sujet : ‘Pour lui, pas de secours auprès de Dieu !’ »[6] « Combien
de temps, Seigneur, vas-tu m’oublier, combien de temps, me cacher ton
visage ? Combien de temps aurai-je à supporter cette misère jour après
jour ? »[7]
Combien de fois n’ai-je pas appelé Dieu de cette façon
avec l’impression qu’il semblait ne pas m’entendre. Ma main est desséchée et a
cessé de fonctionner il y a longtemps. Comme c’était beau quand elle était en
pleine utilisation, mais cela semble bien loin. Maintenant, je ne peux ni
"donner" ni "prendre" quoi que ce soit avec elle. J'ai
besoin de l'aide de l'autre, et celle-ci m'est donnée à contrecœur aujourd'hui,
le jour du sabbat.[8]
Le monde entier me regarde avec pitié et, de manière condescendante, me tolère.
Mais aujourd'hui, c'était différent. Car le Seigneur
de la Danse est entré dans la synagogue et aussitôt il y a eu une vibration
dans l'air. Tout le monde est obsédé par une question : ce fauteur de troubles
va-t-il violer notre saint Sabbat ? Je me croyais protégé dans le coin et je
voulais être seulement un observateur dans le spectacle tout entier.
Mais Il m'a regardé comme aucun homme ne l'avait
jamais fait auparavant - vraiment, Dieu seul peut regarder dans ton cœur comme
cela. "Un rayon divin semblait pénétrer dans mon cœur, le faire briller.
Il a adouci le tissu de mon cœur, qui s'était durci au fil des ans, incrusté et
déformé.[9] Il
a chanté : « Lève-toi et viens au milieu. »[10] Mon
cœur s'est arrêté soudainement et s'est mis à danser lentement sur un nouveau
rythme. MOI, moi l'homme à la main desséchée ? Un bon à rien ? « Je suis chassé
de la vue de Dieu ! »[11]
Que pourrais-je apporter de plus dans ce monde ?
Tout tournait autour de moi et je me suis laissé
emporter par le rythme de la mélodie. J'ai tendu ma main desséchée et sans vie
à cet homme. Cette main que j'ai toujours essayé de cacher à tout le monde, car
c'est la honte de ma vie. Pourtant, personne autour de moi n'a bougé au son de
cette mélodie, et pourtant il les a courtisés en dansant avec ses regards
provocants, mais tendres. Pourtant, leur cœur, qui après tout était construit
de la même manière que le mien, est resté sans vie et comme pétrifié. Pas un
seul cœur n'est entré en vibration.[12],[13]
Comment cela est-il possible ?
Alors même que je réfléchissais à cela, je sentais la partie
morte de mon avant-bras ramenée à la vie "par une main d'artiste tendre et
divine".[14]
Ma main est devenue chaude et vivante. Je pouvais à nouveau bouger les doigts
et sentir la grandissante force. Ceux qui m'entouraient ont vu ce qui se
passait, mais aucun des spectateurs n'a compris. Ne s'agit-il pas de tous les
chefs de synagogue qui soit connaisseurs ? Ils savent généralement ce qui est
bien et ce qui est mal. Une nouvelle vie m'a été donnée et, eux, ils prévoient
la mort du bienfaiteur. Qui fait le mal : ceux qui complotent un meurtre ou
celui qui m'a sauvé la vie ? Comme il est écrit, "les pensées de Dieu ne
sont pas nos pensées"[15].
Cela s'avère vrai. J'ai été guéri et j'aurais pu crier de joie et ils se sont
tous enfermés dans la méchanceté et l'obstination. Je comprends maintenant au
sens le plus profond du terme : le sabbat est le jour où l'on loue Dieu et où
l'on rend grâce pour la vie qu'il nous a donnée. Désormais, je me réjouirai et « je
te rends grâce de tout mon cœur et de tous mon corps, car ton amour pour moi
est grand. Tu m'as arraché des ténèbres et tu as ouvert le chemin de la vie. »[16]
Danse mon âme devant la face de Dieu pour toujours et à jamais.
Notre Père : Prions.
Prière de conclusion (sœur Marie-Pierre):
Dieu très bon, Béni sois-tu
pour le regard de tendresse que tu portes sur le corps de Jésus cloué sur la
croix, et que tu as ressuscité. Pour le regard de tendresse que tu portes sur
chacun de tes enfants.
Aux Apôtres désemparés, tu as montré les plaies de
tes mains afin qu’ils croient en ton Fils Jésus. Regarde les souffrances
physiques et morales que portent les hommes et guéris-les. Nous te le demandons
par Jésus ton Fils bien-aimé et ton Esprit Saint, dès maintenant et pour les
siècles des siècles.
[1] Janusz Korczak. Leben und Werk. Ein Leben für
Kinder. Lebensworte. Kiefel/Gütersloher Verlaghaus, 2000
[2] , 8 cfr. Predigt von Antje Rinecker zum Evangelium
Markus 3,1-6; Andreaskirche, 2013
[3] Psaume 76,2-3
et 87,2
[4] Psaume 85,17
[5] Psaume 87,3-4
[6] Psaume 3,3
[7] Psaume 12,2-3
[9] Cfr.Edith Stein; Verborgenes Leben und Epiphanie; Edith Steins Werke,
Band XI
[10] Marc 3,3
[11] Jonas 2,5; Psaume 30,23
[12] Cfr. Sydney Carter, „Lord of the dance“, 1963 ;
[13] cfr. Psaume 32,15
[14] Cfr.Edith Stein; Verborgenes Leben und Epiphanie; Edith Steins Werke,
Band XI
[15] Is 55,8
[16] Psaume 85,12-13
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