Liturgie de la Parole 31e vendredi TO-I
Lectures : Romains 15,14-21 ; Psaume 97 ; Luc 16,1-8
Résonances
Presque toutes les paraboles de Jésus contiennent quelque chose de surprenant, voire de choquant. Jésus utilise ce langage pour parler du Royaume de Dieu, il nous oblige à réfléchir : cela ne coule pas de source.
La parabole de l’intendant malhonnête, que nous venons d’entendre, est une des plus intrigantes. Jésus imagine le cas d’un homme qui s’est montré mauvais gérant, qui se voit confisquer sa charge et qui cherche un moyen pour sauver sa situation, ne pas être réduit à un travail pénible ou à la mendicité. C’est un homme habile, faute d’être honnête. Tant qu’à faire, puisqu’il n’a plus rien à perdre, il pousse encore plus loin la malhonnêteté. À la mauvaise gestion, il ajoute la corruption. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : il corrompt, il « achète » l’amitié des débiteurs de son maître.
Des situations comme celle-là, notre monde en est plein. Malversation financière, blanchiment d’argent, politique des petits copains… Ouvrez le journal : vous verrez que cela concerne même des politiciens haut placés, même un ancien président de la République.
On est d’autant plus surpris que Jésus semble nous donner ce cas en exemple. Bien sûr, il ne loue pas la malhonnêteté. Il loue l’habilité. Et il suggère que « les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ». Comment interpréter cette parabole de Jésus ?
Je retiens trois mots : habileté, intendant, dilapider.
Dilapider. Cette parabole (Lc 16) vient juste après la parabole du « fils prodigue » (Lc 15) où il était aussi question de « dilapider ». « Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre » (Lc 15,13). Ce mot est rare. Il évoque la dispersion, dans tous les sens (dia). Donc une gestion qui n’a rien d’habile. Une gestion complètement irréfléchie et qui aboutit à la pauvreté totale. Une « vie de désordre ». Dilapider, c’est le contraire de rassembler. Ce verbe relie les deux paraboles. Il y est question de mauvaise gestion d’une fortune. L’un et l’autre se retrouvent en mauvaise posture et rentrent en eux-mêmes pour réfléchir à une solution. Ils sont acculés et ils vont rebondir. Pour cela, ils vont enfin se montrer « habiles ».
Habiles. C’est une certaine forme d’intelligence, celle que l’on pourrait qualifier de « bon sens ». Ailleurs dans l’évangile, Jésus dit à ses disciples qu’ils doivent se montrer « habiles » comme des serpents et candides comme des colombes (Matthieu 10,16). Il parle aussi, au chapitre 12 de Luc, d’un intendant « fidèle et sensé (habile) » à qui le maître confie la charge de son personnel pour distribuer en temps voulu la ration de nourriture. « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi. Vraiment, je vous le déclare, il l’établira sur tous ses biens ».
De la thématique de l’habileté, on passe ainsi à celle de la fidélité, de la confiance. C’est peut-être cela que Jésus veut nous redire aujourd’hui. Souvent, on pense que la confiance, la foi, est une dynamique qui va de l’homme vers Dieu. À sens unique. Jésus nous apprend que l’autre sens est aussi vrai, et peut-être même antérieur : la confiance que Dieu nous fait. Il y a plusieurs paraboles de jésus qui vont dans ce sens. Dieu nous confie des talents, une gestion, son royaume. Dieu nous fait confiance, Dieu a foi en nous. Quelle folie ! Il y a, du côté de Dieu, une confiance « a priori ». Dieu n’attend pas que nous fassions nos preuves avant de nous confier une mission : il nous confie la gestion de notre mission personnelle : à nous de nous montrer à la hauteur. « Dignes de confiance ». C’est la suite de l’évangile de Luc, que nous entendrons demain : « celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande.
Dans la lettre aux Romains (qui touche à sa fin), Paul parle de lui-même et de la mission que Dieu lui a confiée. L’évangélisation aux nations païennes. Il a fait tout son possible pour être un bon intendant de la grâce de Dieu. Il a répondu par la confiance à la confiance que Dieu lui faisait.
Ainsi aussi saint Willibrord, dont nous faisons mémoire aujourd’hui.
Puissions-nous comme eux être à la fois habiles et dignes de confiance.
Sœur Marie-Raphaël le 7 novembre 2025
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