Liturgie de la Parole 33e samedi TO-I
Lectures : 1 Martyrs d’Israël 6,1-13 ; Psaume 9 ; Luc 20, 27-40
Ouverture
Nous faisons mémoire de sainte Cécile, martyre, patronne des musiciens. La vie donnée sans jamais la reprendre, à la manière d’un parfum très précieux, à la manière d’un chant de louange…
Il sera question de mariage, de fécondité, de résurrection dans l’évangile. Mais Jésus remettra nos pendules à l’heure à propos de notre image de la résurrection. Il sera aussi question de mort dans la 1ère lecture. La mort du persécuteur, du tyran arrogant, aveuglé par sa convoitise et finalement terrassé par son propre égoïsme, puisque le texte suggère qu’il meurt de dépression de n’avoir pas obtenu tout ce qu’il voulait, de s’être heurté à des résistances inattendues, d’avoir fait l’expérience de ses limites. Il ne s’en est pas remis ! On aurait tendance à dire : « c’est bien fait ! ». Ou comme le dira le psaume : « Ils sont tombés, les méchants, dans la fosse qu’ils creusaient ; aux filets qu’ils ont tendus, leurs pieds se sont pris ». Mais est-ce que vraiment, il y a lieu de se réjouir ? L’auteur biblique suggère que sur son lit de mort, Antiocos aurait fait une expérience de conversion, de regret, qu’il aurait en quelque sorte reconnu la supériorité du peuple d’Israël et de son Dieu. Un bon larron ? Nous précède-t-il au paradis ? Laissons-nous surprendre par la Parole de Dieu qui nous atteint à travers les Écritures.
Résonances
La résurrection : un sujet clivant. Au temps de Jésus, deux partis s’affrontent sur ce point (Pharisiens contre Sadducéens). Dans la Bible, on voit que la foi en la résurrection des morts apparaît tardivement, dans le contexte des persécutions (2ème siècle), notamment dans le cadre du soulèvement des Maccabées. Mais si on lit attentivement les textes plus anciens, on peut déjà discerner des indices d’une foi en un Dieu qui peut nos sortir du shéol, un Dieu qui fait mourir et vivre, un Dieu des vivants. Les Sadducéens s’en tiennent au Pentateuque, et encore à une lecture littérale du Pentateuque. D’après eux, il n’y est pas question de résurrection des morts. Mais il y a la loi du lévirat (Deutéronome), qui autorise un homme à épouser sa belle-sœur, si celle-ci est veuve et sans enfant, afin de susciter une descendance à son frère défunt. L’idée de vie après la mort est don liée à la procréation : on se survit à travers sa descendance. Cette loi est tombée en désuétude au 1er siècle. Elle est néanmoins utilisée par les Sadducéens pour démontrer l’absurdité de la croyance en la résurrection.
Mais c’est quoi, cette croyance ? L’image de la résurrection que les Sadducéens persiflent est « une conception matérialiste situant souvent celle-ci avant la venue du règne messianique, avant le Jugement dernier. Le retour à la vie permet alors aux défunts des générations antérieures d’avoir part à ce Règne, à tous d’être jugés. Dans cette ligne, certains Pharisiens affirment que l’humanité ressuscitée disposera d’une fécondité exceptionnelle. Rabban Gamaliel affirmera, autour de l’an 90 : ‘Viendra un temps où la femme enfantera une fois par jour’, donnant pour preuve que les poules pondent quotidiennement (Talmud, Shabbat 30 B). Un autre rabbi ira jusqu’à estimer, vers 150, que chaque Israélite aura autant de fils qu’il y eut d’Israélites à sortir d’Égypte lors de l’Exode, soit 600 000… Bref, la résurrection est conçue comme une réanimation du corps, auquel sont prêtées une fécondité merveilleuse et une reprise des activités terrestres »(1).
La réponse de Jésus aux Sadducéens est donc aussi une réponse aux Pharisiens. Jésus répond en deux temps : 1. Il conteste la conception de la résurrection comme un temps de procréation à l’infini, conception que les Sadducéens contestent aussi. 2. Il montre par une citation de l’Exode qu’on peut trouver dans le Pentateuque des traces d’une foi en la résurrection. Ainsi, en fait, il donne tort aux deux et il donne raison aux deux.
« Maître, tu as bien parlé ».
Et nous, comment voyons-nous la résurrection ? « S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité, et si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi ! » (1 Corinthiens 15, 13-14). Si nous n’y croyons pas, notre foi est vaine, vide. Et pourtant… il y a un abîme entre croire et comprendre. Affirmer notre foi en la résurrection, c’est se tenir sur le seuil d’une porte ouverte. Il ne s’agit pas de comprendre, mais de savoir, d’un savoir qui relève de l’expérience. L’expérience d’un vide qui n’est pas fermé (comme une impasse), mais ouvert et lumineux (comme un horizon). L’expérience d’un choix d’espérance.
Sœur Marie-Raphaël le 22 novembre 2025
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(1) Hugues COUSIN, L’évangile de Luc. Commentaire pastoral, Paris, Centurion, 1993, p.270.
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