jeudi 21 juillet 2022

Liturgie de la Parole, 16e jeudi TO

 (sœur Marie-Raphaël)

Ouverture

« Oui, mon peuple a commis un double méfait : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! » (Jr 2, 13)

« Ils regardent sans regarder, ils écoutent sans écouter ni comprendre… le cœur de ce peuple s’est alourdi, ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux… »

Les paroles des prophètes sont rudes : paroles de Jérémie dans la première lecture, paroles d’Isaïe citées par Jésus dans l’évangile. Comment est-ce que nous écoutons / regardons ? Le message de Dieu parvient-il à toucher nos cœurs pour les convertir, ou reste-t-il quelque part à la surface des choses ?

Si Jésus parle en paraboles, ce n’est pas parce qu’il ne veut pas qu’on comprenne, c’est au contraire parce qu’il sait, en fin psychologue, que les images et les histoires racontées pénètrent dans notre intelligence beaucoup plus facilement que les concepts abstraits. Et les premières paraboles qu’il raconte portent précisément sur le fait de parler en paraboles, sur la difficulté d’écouter vraiment. Rendons-nous disponibles en chantant les Psaumes.

Résonances

Voici une parabole pour aujourd’hui. Dans le film « Lunana », Ugyen, le jeune maître d’école venant de la ville dans la vallée est envoyé contre son gré pour enseigner dans un petit village à plus de 5000 mètres d’altitude. Lui, il ne rêve que d’une chose : devenir un chanteur à succès et faire carrière en Australie. La musique qu’il connaît est la musique pop, rythmée, répétitive, électronique, qui sature les radios populaires. Il s’y accroche le plus longtemps possible. Pendant la rude montée sur les flancs de l’Himalaya, insensible à la beauté qui l’entoure, il garde le casque audio vissé sur ses oreilles. Mais soudain, il n’y a plus de réseau. La musique grésille, puis disparaît. Un grand silence l’entoure, vide, éprouvant. Désespéré, il enlève le casque et marche en titubant. Puis, soudain, le silence est déchiré par le chant d’un oiseau : un chant puissant. Le compagnon d’Ugyen lui dit : « cet oiseau est le premier à chanter au printemps. Dès que nous l’entendons, nous avons le cœur en fête ». Ugyen continue à marcher en prenant conscience des bruits de la nature qui l’entoure. Le vent dans les branches, les bruissements, les frôlements, les cris d’animaux : le silence se remplit de sons ! Lors d’une étape au bivouac, ses compagnons de montée fredonnent un chant et il en est tout étonné : « vous aussi, vous savez chanter ? ». Il tend l’oreille à ce chant nouveau, sobre, simple, profond. Arrivé au village, il fait la connaissance d’une jeune femme qui chante le chant des yacks (dont j’ai parlé lundi). Ce chant va le réconcilier peu à peu avec sa situation. Il finit par prendre goût à son travail de maître d’école, il enseigne en chantant. Un jour, il fait venir du matériel scolaire et sa guitare. Il met sa guitare et son talent au service du chant des villageois, et la joie explose dans une danse où participent petits et grands.

La fin du film est remarquable. Quand vient l’hiver, Ugyen redescend dans la vallée, gardant au cœur, comme une blessure, la mémoire du chant très pur de là-haut. Il descend au plus bas, au niveau de la mer, et s’embauche en Australie, dans un pub, comme musicien. Son rôle est d’assurer une sorte de bruit de fond que les gens n’écoutent même pas, mais qui fait partie du décor. Un brouhaha l’entoure : du boucan. Que se passe-t-il dans son cœur ? Soudain, il s’arrête de jouer. Il se fait un grand silence dans le vaste restaurant. Les gens sont surpris, fâchés de ne plus avoir leur bruit de fond sonore. Puis, il y a quelques secondes de suspens qui semblent très longues. Tout le monde écoute : que va-t-il se passer ? Alors, Ugyen ouvre son cœur et sa mémoire et, du fond de lui-même, laisse monter le chant de la montagne, le chant des yacks, le chant du bonheur simple et de la vie véritable.

Celui qui a des oreilles, qu’il entende !

Prière

Seigneur, en toi est la source de vie. Par ta lumière, nous voyons la lumière. Heureux les yeux qui voient ! Heureuses les oreilles qui entendent et les cœurs qui comprennent ! Libère-nous du brouhaha intérieur qui nous empêche d’entendre ta parole ; confronte-nous au vrai silence et rends-nous attentifs au chant qui monte des profondeurs. Ne cesse pas de chanter sur le monde ton chant de miséricorde, de grâce et de paix.

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