vendredi 16 avril 2021

Liturgie de la Parole, 2e vendredi du Temps Pascal

 (sœur Bernadette)

Lectures : Actes des Apôtres 5,34-42 // Ps 26 (27) // Jean 6,1-15

Méditation :

Aujourd'hui, je voudrais commencer par le récit historique d'un prêtre allemand. L'incident se déroule juste à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de prisonniers de guerre en route pour la Russie dans un wagon à bestiaux.

« "Maintenant, nous rentrons à la maison. Embarquement ! Dépêchez-vous !" [...] "Les wagons étaient verrouillés et câblés à l'extérieur. Nos gardes russes buvaient beaucoup de vodka et échangeaient les denrées alimentaires qui nous étaient destinées. [...] Ce voyage a duré quatre semaines. Au moment où le jour s’est levé, nous avons réalisé que nous ne rentrions pas chez nous, mais que nous allions vers l'Est. Tout espoir était complètement éteint.

Dans nos conversations, nous évoquions - probablement à cause de la faim - des recettes de cuisine. Les wagons à bestiaux en Russie étaient beaucoup plus grands que les nôtres. Il y avait une porte coulissante au milieu du wagon. Chacun des compartiments accueillait 35 hommes. Peut-être qu'il y en avait plus. Pour chaque moitié du wagon, il y avait une miche de pain et une tasse d'eau par jour.

Une fois, alors que le soldat russe avait refermé la porte coulissante et l'avait verrouillée de l'extérieur, une bagarre a éclaté dans le wagon. Affamés, certains s'étaient jetés sur ce pain. L'un d'entre eux a été battu à mort. La situation s’envenimait également dans notre moitié de wagon. "Qui va partager le pain ?" a crié l'un d'eux. Le silence s'est installé. Personne ne voulait le faire. Tout le monde avait peur d'être lynché. Nous n'avions ni balance ni couteau. Comment peut-on obtenir 35 morceaux égaux à partir d'une miche de pain ? Peut-être en le cassant ? Certains ont crié : "Nous avons un prêtre parmi nous, qu'il le fasse !" - "Maintenant, ils vont aussi me battre à mort", ai-je pensé. Soudain, une pensée salvatrice m'est venue. Notre 8e division de Jäger avait été équipée de chaussures avec des lacets. J’ai entouré le pain en plaçant le lacet au milieu et j’ai tiré. Cette façon de procéder a permis d'obtenir une coupe lisse. Alors que tout le monde me regardait, je ne pouvais m'empêcher de penser au verset du psaume " Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu " (Psaume 144,15) J’ai réussi à couper 35 morceaux. L'un d'eux se tenait à côté de moi et regardait. Nous avons pesé les morceaux avec nos mains. Ici et là, on ajoutait un petit morceau qui était tombé lorsque le morceau était trop lourd. "Compte à rebours !" J'ai crié, et ils ont immédiatement suivi. Tout le monde avait faim après tout. "Trente-cinq, alors", ai-je déclaré. "Je prends du recul maintenant. S'il manque la 35e pièce, je n'aurai pas de pain et je serai tenaillé par la faim aujourd'hui". Puis je suis allé de l'un à l'autre avec le pain. Involontairement, je devais penser à la distribution de la Sainte Communion. Les morceaux de pain étaient en effet suffisants. Tout le monde était satisfait et j'ai remercié Dieu. Jour après jour, cette cérémonie a eu lieu jusqu'à ce que nous atteignions enfin notre objectif." »[1]

L'Évangile d'aujourd'hui raconte comment Jésus a délibérément placé un signe devant toutes les personnes présentes. Il semble que ce soit un signe dont même les autres occupants du wagon à bestiaux avaient une idée, sinon pourquoi demandent-ils au prêtre, entre tous, de partager le pain ?

Que devons-nous voir dans le miracle du pain ? « Le don ou plutôt le donneur ? Ce miracle est un signe qui pointe au-delà de lui-même. Il nous conduit à une personne qui, de tout son être, est abondance et don. Il nous conduit à celui en qui nous rencontrons Dieu lui-même. Et qui n'est donc pas seulement un roi du pain ou un prophète d'un monde meilleur, mais qui est le pain de l'humanité elle-même. »[2]

Je crois que Jésus était là aussi, dans le wagon à bestiaux, parmi les prisonniers affamés. Une fois de plus, il a accompli le partage du pain et a apporté la paix dans cette communauté de souffrances. 

« Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit »[3]

Notre Père :

Confiants en toi, nous prions comme tu nous l'as enseigné.

Prière de conclusion :

Prions avec les mots de Sainte Bernadette Soubirous :

Jésus seul pour But, Jésus seul pour Maître, Jésus seul pour Modèle, Jésus seul pour Guide, Jésus seul pour la Joie, Jésus seul pour la Richesse, Jésus seul pour Ami ! Alors, allons, mon âme, courage. Un jour encore, à la suite de Jésus et de Marie, gravissant le Calvaire, et puis, avec Jésus et Marie, le Bonheur, l’Allégresse, l’Éternité ![4]



[1] Paul Hauke OSB, Christen im Krieg

[2] Eberhardt Schwarz_ https://predigten.evangelisch.de

[3] Psaume 144,15-16

[4] Carnet de notes intimes, Bernadette Soubirous

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