(Sœur Samuel)
La pierre rejetée - par le Père Jean Lévêque ocd
Comme beaucoup de paraboles de Jésus, la parabole des vignerons homicides peut se lire successivement à deux niveaux : - au niveau du destin de Jésus lui-même, - au niveau actuel de notre vie chrétienne.
Au moment où Jésus la prononçait, les Juifs ne s'y sont pas trompés : Jésus voulait décrire ses relations avec son propre peuple. La vigne, c'est le peuple de l'Alliance. Dieu, qui l'a plantée, l'a confiée d'abord au roi, puis à d'autres chefs au retour de l'exil. Il attendait de sa vigne Israël des fruits de sainteté, et de temps à autre il a envoyé ses serviteurs les prophètes pour recueillir les fruits en son nom ... Mais on a battu, lapidé, tué les prophètes. Alors Dieu a envoyé son propre Fils, celui qu'il a fait héritier de toutes choses, et Jésus annonce ce qui va lui arriver : on le tuera hors de la vigne sur la colline du Golgotha.
Mauvais calcul, prévient Jésus : vous voulez tuer l'héritier pour avoir l'héritage, mais Dieu ne renoncera pas à son plan de salut : - l'héritage passera aux Gentils, qui seront le peuple de la nouvelle alliance ; - d'autres vignerons, ses propres Apôtres, prendront en main le peuple fidèle.
Mauvais calcul, vous voulez bâtir sans moi et vous me rejetez, comme matériau sans valeur, c'est pourtant sur moi que reposera pour toujours l'œuvre du salut !
Cette erreur tragique guette encore notre monde. Même des hommes qui ont rencontré le Christ voudraient vendanger sans lui dans leur propre vie et dans la vie des autres. Même dans l'Eglise on laisse parfois se distendre la référence à l'Envoyé de Dieu. Ou bien l'on dévalue la personne même de Jésus Christ, en effaçant sa divinité, au point que Jésus n'est plus qu'un modèle de droiture, un rêveur de génie.
Et Jésus, Fils de Dieu venu sauver des hommes, attend, oublié, méprisé, comme une pierre de rebut, non loin de la grande Babel où de nouveau les hommes se disputent.
Mais nous-mêmes qui
sommes responsables de la vigne du
Carmel, que
pourrions-nous offrir si aujourd'hui le Seigneur venait
chercher des fruits ? La question
que chacun/e d'entre nous entend
dans cet Évangile
concerne l'authenticité de sa vie,
de son service
de Dieu et
de sa prière ; c'est une
question amicale que le Sauveur nous pose sur
la fécondité de notre existence
sur terre : "Si aujourd'hui, ce soir, je viens
chercher les fruits de ma
vigne, tes fruits de foi, et d'espérance courageuse, les fruits
de ta charité, que vas-tu me donner
? Qu'est-ce qui remplit tes mains, qu'est-ce qui habite ton cœur ?"
Frères et sœurs, que
cette Eucharistie, comme toutes celles
qu'il nous est donné de
vivre, soit pour nous à
la fois célébration de la fidélité de Dieu,
rencontre de Jésus l'Envoyé, et offrande
filiale de nos derniers fruits.
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