mardi 2 mars 2021

Liturgie de la Parole, 2e mardi de Carême

 (sœur Marie-Raphaël)

Ouverture

Quand Matthieu écrit son évangile, dans les années 80, le temple de Jérusalem est détruit depuis une dizaine d’années et le mouvement pharisien a engagé une renaissance autour de la Torah enseignée dans les synagogues. C’est une belle renaissance, qui se groupe autour de « rabbis » de renom, dont rabbi Yohanan ben Zakkai à Yavné. Dans l’église de Matthieu, en revanche, il y a des tensions qui s’installent entre les chrétiens issus du judaïsme, qui restent très attachés à la Loi, et les chrétiens issus du paganisme, qui ressentent l’importance d’une ouverture. Les premiers seraient tentés de retourner vers le judaïsme, les autres seraient plutôt tentés d’abandonner toute la Loi. Tel est le contexte dans lequel le Jésus de Matthieu nous dit : « je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ». Tel est le contexte qui peut expliquer pourquoi Jésus, chez Matthieu, est parfois si dur vis-à-vis du groupe des Pharisiens. Matthieu lui-même est très proche de la mouvance pharisienne : c’est pour cela aussi qu’il est parfois si dur. Nous entendrons aujourd’hui le début du chapitre 23 de Mt, ce chapitre qui contient des paroles virulentes contre les « pharisiens hypocrites ». Nous essaierons de comprendre un peu la réponse qu’il propose.

Résonnances

De l’évangile que nous venons d’entendre, je voudrais méditer sur un verset : « ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens… ». Ce verset éveille en moi l’écho d’une parole de Jésus, au chapitre 11 de cet évangile de Mt : « « Mon joug est bon et mon fardeau léger ». Voilà le contraste. Mais en quoi le joug proposé par Jésus est-il bon et léger ? Si je remonte encore plus haut dans l’évangile, et si je lis le discours sur la montagne, je vois que Jésus tente de nous expliquer en quoi il est venu non pas abolir la Loi, mais l’accomplir. Or, les exemples qu’il donne semblent suggérer qu’il n’est pas venu adoucir les exigences de la Loi, mais bien plutôt les radicaliser. Non seulement, il ne fait pas tuer, mais il ne faut pas même se mettre en colère, non seulement il ne faut pas commettre d’adultère, mais il ne faut même pas avoir un regard de convoitise, non seulement il ne faut pas haïr son ennemi, mais il faut l’aimer, prier pour lui !

La grande différence entre Jésus et les pharisiens est sans doute celle-ci : face à la Loi, Jésus donne une parole personnelle, une parole d’autorité (« on vous a dit, moi je vous dis ».) Sa façon d’enseigner ne nous dit pas ce que nous devons faire ou ne pas faire, mais comment nous devons nous situer face à la volonté de Dieu. Devant la Loi, il ne veut pas que nous soyons comme des enfants à qui on dit : « tu peux, tu ne peux pas », mais comme des adultes qui discernent par eux-mêmes. Et pour cela, il nous donne des critères. Notamment le critère qui consiste à mettre une hiérarchie dans les multiples commandements, pour savoir discerner leur priorité. Et l’absolue priorité, c’est le premier commandement, assorti du second qui lui est égal : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comme dit Daniel Marguerat : Jésus met tout en perspective de l’impératif de l’amour : ce n’est pas la Loi qui doit faire la loi, mais l’amour !

Dans cette perspective, la Loi n’est pas un but en soi, mais un moyen, pour rejoindre la volonté de Dieu. Or, quand on est adultes face à la Loi, on est forcément plus exigeant vis-à-vis de soi-même. La loi n’est plus un réservoir d’interdits, mais un point de départ vers un amour qui « surpasse » la justice des scribes et des Pharisiens, qui dépasse le plafond des interdits pour inventer un amour toujours plus semblable à celui de Dieu pour nous. Et ce joug est bon parce que Jésus le porte avec nous, ce fardeau est léger parce que c’est celui de la liberté.

Prière

Seigneur Jésus, notre unique « rabbi », tu nous enseignes les voies du Royaume : imprime sur nos cœurs ta loi d’amour. Tu nous apprends à vivre sous le regard du Père, « tous frères » : béni sois-tu ! Entraîne-nous, toi, le fils aîné, sur les chemins de la fraternité.

Aucun commentaire: