(sœur Bernadette)
Introduction : Après la joyeuse naissance de l'enfant Jésus et le chant de louange des anges : „Gloire à Dieu au plus haut des cieux“ (Luc 2,14) nous assistons à un tollé inconsolable fait de pleurs et de gémissements sur les enfants assassinés. (Mt 2,18) "Le sort des enfants morts préfigure déjà celui de Jésus."[1] "Quel monde dans lequel les enfants deviennent victimes de la violence".[2] C'est pourquoi "il est important d’avoir un tel jour sous les yeux et de se souvenir de ces innocents sacrifiés pour des raisons inexcusables au mépris du sens profond de Noël, car l'Incarnation de Dieu est le signe tangible du respect, de l'estime et de l'amour pour chaque créature".[3]
Lecture : 1 Jean 1,5-2,2 // Ps 123 (124) // Mt 2,13-18
Méditation : Dans ce qui suit, je voudrais vous présenter une
lithographie de 1955 de Marc Chagall (1887-1985) envoyée comme carte de vœux de
Noël et Nouvel An par l’épouse du peintre à son amie Diana.
A
gauche le rouge domine, c’est la couleur de l’amour, signe de sécurité, de
chaleur et de protection.
En arrière-fond,
la bâtisse évoque les bâtiments du shtetti, le village juif traditionnelle de
l’Europe de l’Est. Chagall d’origine russe est issu d’une famille juive très
pratiquante.
Le personnage masculin coiffé d’un couvre-chef appelé
kippa rappelle saint Joseph, l’humble charpentier qui s’incline
respectueusement devant l’enfant et sa maman. Sa taille est plus petite et simple. Ses bras et ses
mains montrent un geste d'adoration. Il semble complètement absorbé - peut-être
dans ses pensées ou dans sa prière. Ou peut-être, se rappelle t-il la parole de
l’ange, lui, il a compris cette parole.
Au cœur
de l’image, une maman avec son enfant focalise nos regards. Marc Chagall admire
beaucoup sa mère et il accorde une dimension sacrée à la femme dans ses œuvres.
Souvent il la représente avec une physionomie allongée - comme ici. Je
l’appelle Marie – ainsi le visage de Marie n’est pas rayonnant de joie, sans
doute comme tout cœur de maman est-elle consciente de l’importance d’engendrer
la vie. Peut-être même a-t-elle le pressentiment d’épreuves futures. Elle est
dehors, devant la maison, elle ne cache pas son enfant, même si elle se fait
des soucis compréhensibles aussi face aux événements annoncés par l’ange à
saint Joseph/ ou peut-être, est-elle déjà en pensées chez Siméon. Marie n’étreint pas son enfant, elle n’entrave
pas sa liberté de mouvement ou mieux, avec ses grandes mains protectrices elle
offre plutôt Jésus au monde, offrande évoquée aussi par son corps en retrait. Elle
incarne la mère par excellence qui accueille son enfant, l’accompagnera
jusqu’au Golgotha, spectatrice douloureuse du sacrifice de celui qu’elle a
enfanté dans la fidélité à la parole donnée « Qu’il soit fait selon ta
volonté ».
Le
petit bonhomme exprime la pureté de l’enfance. La couleur est douce. Il semble,
qu’il va marcher avec ses bras ouverts vers l’extérieur de l’image, plutôt vers
nous, vers le monde.
Chagall ne serait pas Chagall s’il ne représentait pas
des animaux : ici un âne et une colombe. Parfois, son amour des animaux les a représentés
avec des mains, des pieds, voire un visage car il était convaincu qu’il faut
naître, vivre et mourir en harmonie avec eux sous le regard de Dieu. L’âne de
la nativité appartient au folklore populaire, incarne le service fidèle aux
hommes, la simplicité – ici l’âne s’agenouille devant Marie et l’enfant. Ce
doux animal a porté la Vierge et il portera bientôt Jésus à Jérusalem. La
colombe évoque la paix et rappelle le message de paix aux hommes de bonne
volonté, Une paix fragile comme le fils de Dieu reposant dans une mangeoire,
fragile et sans défense. Un message de paix bien compris par les humbles
bergers comme les mages par la rencontre inoubliable de l’enfant Dieu.
Le
jaune domine la grande partie de droite. On y voit un petit visage aux cheveux
longs - un ange ? Lui, qui a annoncé la paix aux hommes de bonne volonté. Lui,
qui a conseillé à Joseph de s'enfuir. Ainsi la colombe est l’écho de la parole
de l’ange.
En
arrière-fond on voit un arbre à la couleur criarde caractéristique du style de
Chagall qui aime l’usage flamboyant des couleurs. C’est intéressant qu'il y ait
un arbre extérieur et un arbre intérieur. L'extérieur ressemble à un cyprès -
plutôt habituel en Égypte ou en Israël. La couleur violette évoque en nous la
couleur liturgique dans sa signification typique de l'Avent et du Carême.
Couleur du silence et de la réflexion. A l’intérieur du cyprès apparaît un petit
conifère plus petit, encore en pleine verdure, serait-ce un sapin ? Reliant la
scène à notre époque. Le vert peut aussi représenter l'espérance - même dans la
souffrance, il y a de l'espérance. Une partie de la couleur de l'arbre tombe
comme une ombre sur les cheveux de Marie : comme le prophétisera Syméon dans
l'Évangile du lendemain : „ton âme sera traversée d’un glaive“ (Luc 2,35) Le
cyprès lui-même a également une branche presque "morte". On se
rappelle spontanément le bois de la croix. En fin de compte, la "crèche
[...] est sculptée dans le même bois que la croix. L'ombre du Golgotha plane
déjà sur ces événements au cours desquels des enfants innocents sont
tués".2 Mais ce n'est pas la
puissance du mal qui a le dernier mot, mais celle de l'amour. "Ceci est
présagé dans la préservation de l'enfant mais plutôt et définitivement le matin
de Pâques".2
[1] www.erzabtei-beuron.de –
28.12.2020
[2] Uniprediger – www.uni-greifswald.de
– Uni_Gottesdienst_Semesterero_ffnung_160404_MH.pdf
[3] m.steyler.eu
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