(Sœur Marie-Raphaël)
Le récit de la conversion de saint Paul est raconté
trois fois dans les Actes ! C’est dire son importance. C’est dire aussi
l’importance de faire le récit des choses importantes. Et en fonction des circonstances,
le récit se transforme parfois un peu… tout en restant fidèle à la ligne
essentielle.
La pasteure Priscille Djomhoué, que nous avons
rencontrée samedi dernier, nous a dit que les Actes des Apôtres sont le
portrait de notre temps. Elle nous a invité aussi à faire des textes bibliques
une « lecture contextuelle », c’est-à-dire, si j’ai bien compris, une
lecture qui va nous transformer… Entrons dans la prière des psaumes en
demandant à l’Esprit saint de nous guider intérieurement.
Résonances
Un jeune homme à la tête bien faite, frais émoulu de
l’université – c’est-à-dire de l’école de Gamaliel – un jeune juif au cœur
ardent, fier descendant de la lignée de Benjamin, portant le nom du premier roi
d’Israël, Saül. Un jeune homme qui piétine de pouvoir enfin s’investir dans une
vie active au service de Dieu… Il était peut-être à Jérusalem au moment où un
autre jeune homme – à peine plus âgé que lui – a été jugé par le Sanhédrin,
puis mis à mort par les Romains. Bon débarras, car ce rabbi galiléen, sorti de
Nazareth – autrement dit, de nulle part – propageait une lecture de la Torah
assez dangereuse et commençait à exercer une influence néfaste sur les petites
gens, les pauvres, les opprimés, les pécheurs publics, les femmes !
D’aucuns voyaient en lui le Messie. Il est mort crucifié. Comment peut-on
croire en un messie crucifié ? N’y a-t-il pas de plus grand
scandale ?
Une trentaine d’années et des dizaines de milliers de
kilomètres plus tard, Paul se retrouve de nouveau à Jérusalem. C’est la
dernière fois. Il a apporté le fruit de la collecte et rencontré les
responsables de l’église. Mais il est mal vu, il a des adversaires qui ont
décidé de le faire mourir. On trouve un prétexte, une foule se rassemble, cela
tourne à l’émeute au point que l’autorité romaine intervient. Paul évite de
justesse le lynchage. Les Romains l’arrachent à la vindicte de la foule et lui
donnent une tribune inespérée. Du haut de l’escalier qui mène à la forteresse,
il s’adresse à la foule en araméen. Un grand silence se fait. Alors, il
raconte…
Il raconte d’où il vient, dans quelle terre il
s’enracine : celle d’un judaïsme fervent et d’un grand zèle pour la Loi.
Il raconte l’événement qui a radicalement réorienté sa perception des choses.
Dans la lettre aux Galates, il dit : « Dieu a révélé en moi
son Fils… » (c’est le mot apocalypse). Il raconte aussi les
conséquences de cet événement, car si le Seigneur a fait irruption dans sa vie,
c’est pour une mission bien précise. Oui, Dieu a de la suite dans les idées.
Paul est conscient d’avoir été « mis à part dès le sein de sa mère »
(Galates 1) pour une mission particulière. Dans le récit de Actes 9, Dieu dit à
Ananie : « Paul est l’instrument de mon choix (instrument de choix)…
pour faire parvenir mon nom auprès des nations païennes »…
Oui, Dieu a de la suite dans les idées. Il a discerné
en Paul l’homme qui, par sa culture et grâce à son tempérament, serait le
premier à trouver les mots pour dire et transmettre la folie du message. La
folie, le scandale, la pierre d’achoppement – l’idée d’un messie crucifié – est
devenue la pierre d’angle de toute la théologie de Paul. Paul le comprend
d’autant mieux qu’il l’éprouve dans sa propre chair. Il parle d’une
« écharde », une douleur lancinante qui l’accompagne partout et dont
Dieu lui a dit un jour : « ma grâce te suffit, ma puissance
s’accomplit dans la faiblesse ». L’écharde en question, je me dis que
c’est peut-être, pour Paul, le fait de n’avoir pas réussi à convaincre ceux qui
lui sont le plus proches, ceux qui sont des fervents comme lui, des ardents
défenseurs de la cause de Dieu, les Juifs, les Pharisiens. Mais cet échec est
dans sa vie une ouverture qui le mènera jusqu’à Rome, jusqu’aux confins de la
terre. Jusqu’à son dernier souffle, Paul évangélisera. Et le livre des Actes
est un livre dont la fin est ouverte. Sans doute parce que, comme nous le
disait Priscille Djomhoué, les Actes, c’est aujourd’hui, nous sommes en plein
dedans !
En nous invitant à faire une « lecture
contextuelle », Priscille Djomhoué nous suggérait de nous demander comment
ce texte, en fin de compte, nous transforme, nous, dans le contexte
d’aujourd’hui. La question rebondit. Avec Paul, nous avons vu que Dieu a de la
suite dans les idées. Il a, dès le départ, une idée derrière la tête :
Paul sera l’apôtre des nations. À partir de là, tout s’emboîte. Et pour
moi ? Si je relis ma vie, je peux peut-être repérer un événement
déclencheur, à partir duquel toute ma vie a été réorientée. Il y un avant et un
après. Un avant où je vois comment Dieu avait préparé le terrain. Un après qui
se prolonge maintenant, où je m’efforce de rester fidèle à cette orientation
première, tout en intégrant les nouvelles expériences accumulées au fil du
temps. Savoir que Dieu a une idée, un fil rouge, une mission pour moi, et que
tout concourt, finalement, à me faire avancer dans cette fidélité… cela donne
un sens à la routine des jours ordinaires. Prions le Seigneur de nous rappeler
régulièrement à cette fidélité, de réorienter nos pas selon sa volonté.
Prière
Ta grâce nous suffit, Seigneur, car ta puissance
s’accomplit dans notre faiblesse. Rappelle-nous la grâce de ton appel,
enracine-nous dans ta fidélité, fais de nous des amoureux de ta Parole, des
ardents messagers de ta joie.
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