(soeur Marie-Jean)
Introduction
Nous
voici rassemblés en communauté, en Eglise.
« Le
Seigneur ouvre les yeux des aveugles », chante le psalmiste.
Ce
chant de louange s’adapte parfaitement au dénouement de l’aventure du livre de
Tobie.
Rappelons
que le livre repose sur deux énigmes, liées à une double prière adressée au
Seigneur : d’une part, la cécité de Tobith le père et, d’autre part, la
supplication de Sarra qui a vu mourir ses 7 maris avant leur première union.
La
lecture de ce jour nous offre une happy end : après le mariage de Tobie et
de Sarra, l’intervention de l’archange garde le jeune époux sain et sauf ;
quant aux deux mariés, ils retournent à la maison paternelle, où Tobith reçoit
la guérison de ses yeux et peut contempler son fils : « Je te revois, mon
enfant, toi, la lumière de mes yeux ! »
A
côté de ces réjouissances, l’Evangile nous plonge dans une atmosphère de
controverses.
En
ce jour, la liturgie, fondée sur la lecture continue, nous associe des textes
difficilement conciliables…
Et
pourtant, quels qu’ils soient, nous pouvons y découvrir une Parole de Dieu pour
nous, aujourd’hui.
En
entrant dans la Chapelle, maison de Dieu, faisons comme Tobie, qui « entra
dans la maison, tout joyeux et bénissant Dieu à pleine voix ».
Bénissons-Le,
au nom de tous les hommes et femmes de notre temps, et redisons-Lui notre
confiance : « Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob, qui met son
espoir dans le Seigneur son Dieu ! ».
La
courte péricope que nous venons de recevoir est un peu hermétique à première
vue.
D’abord,
nous faut-il nous replacer dans le contexte de la joute rabbinique, qui se
plaisait à confronter les textes des Ecritures Saintes, surtout s’ils semblent
se contredire…
Jésus
enseigne dans le Temple et propose à ses auditeurs deux versets.
D’abord,
« Comment les scribes peuvent-ils dire que le Messie est le fils de David
? »
Ensuite,
« David lui-même a dit, inspiré par l’Esprit Saint : Le Seigneur a dit à
mon Seigneur : ‘Siège à ma droite…’ »
Donc,
d’un côté : un Messie fils de David.
De
l’autre, un Messie qui serait son Seigneur et donc, impossible qu’il soit son
Fils.
· la filiation davidique du Messie est bien attestée, certes, concernant le Ps 109, par contre, il n’est pas acquis qu’il s’adresse au Messie, mais au roi : Dieu l’invite à siéger à sa droite et donc, à partager son pouvoir.
Confronter
deux textes contradictoires est habituel dans la méthode rabbinique : il vise
à prouver que ces deux textes doivent être simultanément tenus pour vrai[1].
En
effet, la question de Jésus « David lui-même le nomme Seigneur. D’où vient
alors qu’il est son fils ? » laisse entendre un conflit entre les deux versets.
Mais
au fond, les deux textes sont-ils tellement en opposition ?
Si
on pense que oui, alors il faut supposer que Jésus favorise la deuxième
affirmation et supprime la première.
Ou
mieux, Jésus souligne l’insuffisance de la première conception.
Certes,
le Messie est fils de David, mais il est aussi supérieur à David, en tant que
Seigneur.
Passage
du « comment » (« Comment les scribes peuvent-ils dire… ? »)
au « d’où » (« D’où vient alors qu’il est son fils ? »)
Transition
entre une lecture humaine et une lecture inspirée par l’Esprit Saint.
Comme
il a questionné la foule qui l’entoure, Jésus nous interpelle :
« D’où
est-il ce Messie ? »
Autrement
dit, reconnais-tu son origine divine ?
Qui
est-Il pour toi ?
En
nous dépeignant les traits du visage du Messie (à la fois descendant de David
et supérieur à lui), Jésus nous invite à une confession de foi.
Une
vraie confession de foi, car l’expression « la foule nombreuse
l’écoutait avec plaisir » ne signifie pas qu’elle se laisse interpeller
par la parole de Jésus.
On
a plutôt l’impression d’une satisfaction que Jésus ait « cloué le
bec » des scribes.
Cette
Parole de Jésus nous rejoindra-t-elle pour nous engager à confesser notre foi
dans le Messie ? Pour le découvrir en nos vies ?
Tel
est le point où les trois textes du jour convergent : ils nous invitent à
la reconnaissance et à la louange de Dieu.
Entrons
dans cette louange, à la suite du psalmiste : « Je veux louer le
Seigneur tant que je vis, chanter mes hymnes pour mon Dieu tant que je dure » !
Notre
Père :
Avec
Jésus, redisons la prière qu’Il nous a enseignée…
Oraison
Jour
après jour, ta Parole nous questionne, nous interpelle, nous met en route.
Comme tu le fis pour les foules, tu nous invites à nous prononcer, à
reconnaître en toi le Messie qui dépasse toute classification, à te recevoir
dans ta nouveauté qui s’offre aujourd’hui. Accorde-nous de t’accueillir et de
t’inviter en nos vies, là où nous sommes. Nous te le demandons par
Jésus-Christ, ton Fils Ressuscité, qui règne avec Toi et le Saint-Esprit, un
seul Dieu pour les siècles des siècles.
[1] Confronter deux textes a priori
contradictoires relève d’un genre littéraire bien attesté, « l’aporie » : C.
Focant, L’Evangile selon Marc,
Paris, Cerf, 2004, p. 466-469.
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