mercredi 21 mai 2025

Liturgie de la Parole 5e mercredi du Temps Pascal

Ouverture

La liturgie de cette deuxième moitié du TP nous fait cheminer lentement à travers les « discours d’adieu » de Jésus. Hier, la fin du chapitre 14, aujourd’hui, le début du chp 15 (que nous avons également entendu dimanche) : la métaphore de la vigne, inépuisable ! Entre le passage d’hier et celui d’aujourd’hui, un demi-verset qui a été omis par la liturgie, et qui pourtant pourrait fournir une clé précieuse : « levez-vous, partons d’ici ». Littéralement : « ressuscitez, sortons d’ici (allons ailleurs) ». Le contraste : le chapitre 14 parlait du départ de Jésus, du détachement, et ici il va être question de demeurer, de rester. Entre les deux, une invitation à ne pas faire du sur-place, mais à ressusciter, à se réveiller, à sortir…

Résonances.

Le mot le plus fréquent de ce passage de l’évangile est « rester », demeurer (7 x, et même 10 X si on lit la suite jusqu’au verset 10). Le deuxième mot est le mot « fruit » (6 x). L’image de la vigne est très « féconde » pour nous faire comprendre ce que Jésus veut dire ici. Nous nous concentrerons sur le « fruit ».
Nous entrons dans le mois de mai : un moment crucial pour la formation des fruits. Un moment où les fruits se forment. Il y a tant de dangers qui menacent leur croissance ! Les pluies, la grêle, la neige, le gel, le vent… Et en plus, Jésus nous parle du vigneron qui taille… Ne prend-il pas le risque de perdre tout ? Le fruit est le résultat de tout un concours de circonstances favorables. Nous savons à quel point c’est aléatoire…
Dans le premier récit de la création, Dieu fait sortir de terre, le troisième jour, les plantes, les végétaux, les arbres. Et le texte insiste pour dire que chaque espèce porte sa semence, que les arbres portent les fruits qui portent leur semence. Dieu inscrit dans sa création la capacité à se perpétuer. Et la nature nous l’enseigne : il y a toujours beaucoup plus de fruits, beaucoup plus de semences, que d’arbres. Pour pouvoir survivre, la nature produit en surabondance, tenant compte du fait que la fragilité de la semence l’expose à tant de dangers.
Mais ensuite, ce n’est pas aux arbres que Dieu dit : « portez du fruit », car cela va de soi. Il le dit aux êtres vivants, poissons et oiseaux, et plus encore aux humains : « Dieu les bénit et leur dit : « portez du fruit et multipliez-vous… » (généralement on traduit : « soyez féconds ») (Gn 1,28). Comme si cela n’allait pas de soi : c’est un commandement de Dieu.
Dieu n’achève pas lui-même sa création. Il donne à ses créatures la capacité de la poursuivre, de multiplier sa bénédiction. Le fruit, au sens propre, est donné comme nourriture. Le fruit au sens figuré est demandé en réponse. Le fruit que l’homme va porter est la fine pointe de la création…
C’est un peu ce que je retrouve dans l’évangile d’aujourd’hui, quand Jésus conclut en disant : « c’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit ».
La « gloire » : c’est-à-dire ce à travers quoi le Père est pleinement révélé. Le fruit que nous portons dit quelque chose du Père… c’est fou !
Quand on regarde de près l’image de la vigne, qu’est-ce que le fruit ? Il vient au bout du sarment. Le sarment, c’est les disciples (nous). Le sarment ne peut pas porter du fruit s’il n’est pas attaché au cep. Le vigneron taille les sarments pour qu’ils portent encore plus de fruit. Le vigneron trouve sa « gloire » (sa joie, sa fierté, le but de son travail) dans les fruits. Pour cela, le vigneron a besoin des sarments. Sans les sarments, il n’obtient pas de fruit.
La phrase « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », peut donc aussi se renverser, et se dire : sans les sarments, le Père ne peut pas récolter les fruits qu’il espère. Il y a donc une dépendance réciproque, une circularité. Les sarments ont besoin du cep, qui a besoin du vigneron, qui se réjouit de récolter les fruits qui sont la fine pointe des sarments… telle est l’alliance que Dieu nous propose.
Mais qu’est-ce que le fruit ? Le fruit n’est pas l’arbre. Il est le don de l’arbre, le surcroît la surprise (« sur-prise »). Il n’est pas fait pour rester sur l’arbre, il est fait pour être donné, pour se donner en nourriture.
Pour moi, personnellement, je le vis comme ceci : je fais tout mon travail, tout ce que je peux pour prendre soin de mon arbre, de mon pied de vigne ou de mon figuier. Je fais tout mon possible pour travailler à la bonne tenue de la maison d’accueil qui m’est confiée. Mais le fruit, c’est la surprise qui vient de surcroît, c’est le travail mystérieux qui se joue dans le cœur des hôtes, et où je ne suis pour rien. C’est quand, parfois, un hôte me dit : « ce séjour m’a fait beaucoup de bien, j’ai retrouvé la paix intérieure… j’ai rencontré Dieu ». Moi, je sais bien que je n’y suis pour rien. Mais c’est ma plus grande joie ! Le fruit, c’est le surcroît. Et Dieu vit que cela était bon !

Prière

Loué sois-tu, Dieu très bon, qui as fait de nous ton peuple en nous unissant au corps du Christ comme les sarments à la vigne. Fais-nous passer à une vie nouvelle, fais-nous demeurer dans sa Parole, fais-nous porter du fruit pour ta gloire et pour ta joie.

Sr Marie Raphaël écrit le 1er mai 2024


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