jeudi 8 mai 2025

Liturgie de la Parole 3e jeudi du Temps Pascal

Homélie

      Pour l'évangile de Luc, le chemin de Jésus est celui qui monte vers Jérusalem. Dans son œuvre littéraire (Évangile et Actes des Apôtres), et uniquement dans les parties qui lui sont propres, Luc nous décrit plusieurs chemins qui, en descendant, éloignent de Jérusalem. Il y a le chemin qui descend de Jérusalem à Jéricho, mal fréquenté. Il y a le chemin qui prétend conduire à Emmaüs, mal indiqué sur les cartes routières, dont la longueur peut varier entre onze et trente kilomètres. Il y a le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza : il est désert. Ces chemins qui descendent peuvent sembler plus commodes que la rude montée vers Jérusalem. Mais Luc nous dit que ceux qui les empruntent font fausse route. L'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Ceux qui font route vers Emmaüs sont tout tristes. Et le fonctionnaire éthiopien qui descend vers Gaza, après être venu à Jérusalem pour adorer Dieu, lit le prophète Isaïe sans pouvoir le comprendre (pour essayer de rendre le jeu de mots du livre des Actes, on pourrait dire qu'il ne connaît pas ce dont il prend connaissance, qu'il apprend sans comprendre, qu'il saisit sans saisir). Regarde où nous risquons d'aller, tournant le dos à la cité de ta souffrance (Didier Rimaud).
      
      Ce qui étonne, c'est que sur ces chemins qui se perdent (et perdent ceux qui s'y trouvent), il y a quelqu'un qui s'approche. Le chemin de Jéricho traverse le désert de Juda, celui d'Emmaüs ne doit être connu que des fantômes, la route de Gaza est déserte. On croyait n'y rencontrer personne, personne qui puisse y venir au secours de ceux qui s'égarent. Et pourtant, un Samaritain qui était en route s'approcha. Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec eux. L'Esprit dit à Philippe : "Approche, et rejoins ce char."
      
      Luc nous invite à accompagner Jésus sur le bon chemin, à suivre Jésus qui est le Chemin. Il nous y invite avec insistance, malgré les embûches, parce qu'il voudrait nous épargner des détours inutiles et des errances douloureuses. Mais sachez-le bien : s'il vous arrivait de choisir une autre route que celle de l'évangile, Jésus continuerait de faire route avec vous. À la croisée des chemins, il vous indiquerait de loin en loin un raidillon qui rejoint à travers les broussailles le chemin délaissé. Mais jamais il ne vous dira : "Cette fois, c'est à prendre ou à laisser : si tu vas par là, vas-y tout seul." Non, quel que soit votre choix, il prendra le risque avec vous. Et le jour où vous vous arrêterez enfin, il fera semblant d'aller plus loin, comme pour vous dire qu'il est prêt à vous accompagner encore, s'il y a plus loin sur le chemin de l'absurde.
      
      Toutefois, quel que soit l'itinéraire choisi, le but finira toujours par être Jérusalem. Quand nous aurons compris, quand nous aurons reconnu Jésus, à l'instant même, nous nous lèverons et nous ferons route vers Jérusalem.
      
      Les trois textes de Luc que je viens d'évoquer mentionnent la disparition du compagnon de route. Le Samaritain confie le blessé aux soins de l'aubergiste, Jésus disparaît aux regards des disciples d'Emmaüs et l'Esprit emporte Philippe dès qu'il a donné le baptême à l'Éthiopien. On pourrait croire qu'il vaut mieux être en bonne compagnie sur une mauvaise route que tout seul sur le droit chemin. Mais on n'est jamais seul sur le chemin de Jérusalem. Quand on est de nouveau sur le bon chemin, c'est le Chemin lui-même qui est le compagnon, et on presse le pas pour porter la Bonne Nouvelle qui brûle le cœur. Quand on a compris la parole de vérité et qu'on a reçu le baptême en son nom, c'est la Vérité elle-même qui est la compagne, et on poursuit sa route dans la joie. Quand on a retrouvé la vie qu'on avait failli perdre, c'est la Vie elle-même qui est la compagne, la Vie qui surgit du tombeau le troisième jour, après avoir donné à l'aubergiste deux deniers, le salaire de deux journées (cf. Jn 14,6).

Fr François moine de Wavreumont


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