(sœur Marie Raphaël)
Ouverture
Nous fêtons aujourd’hui deux grands saints
évangélisateurs, patrons de l’Europe, dont l’intérêt est d’avoir perçu la
nécessité de l’inculturation de l’Evangile dans les cultures locales. Ce qui
les amenés non seulement à traduire l’évangile et les livres liturgiques en
langue slave, mais aussi à créer un alphabet adapté à cette langue, afin de
donner toutes ses chances à la transmission. Dans l’évangile, nous entendrons
que les disciples sont envoyés deux par deux. C’est ce qui s’est passé pour
Cyrille et Méthode, ces deux frères originaires de Thessalonique au 9ème
siècle, qui furent envoyés en mission, par Byzance, vers les peuples slaves.
Avec eux, prions pour l’Europe et pour les relations entre les deux poumons de
l’Eglise, l’Orient et l’Occident. Prions aussi pour la Russie.
Résonances
Nous venons d’entendre le début du discours de mission
en Lc 10. Jésus encourage ses disciples à se laisser accueillir dans les
maisons, à manger et boire ce que l’on offrira. Mais si on lit la suite de ce
passage, on voit ce que Jésus recommande quand on n’est pas
accueilli : secouer la poussière de ses pieds et partir. Autrement
dit : « n’insistez pas, ne cherchez pas à convaincre à tout prix, ne
perdez pas de temps… La Parole de Dieu fait son chemin dans les cœurs et le
reste ne vous appartient pas ». C’est un peu ce qui s’est passé pour Paul
et ses compagnons dans la synagogue d’Antioche de Pisidie (première
lecture : Ac 13, 46-49). Après un premier accueil qui fut bon, ils ont
ensuite été refoulés. Ils se sont tournés vers d’autres… Et ce passage se
termine par les mots : « la Parole du Seigneur se répandait dans
toute la région ».
Les Actes suggèrent plusieurs fois cette idée selon
laquelle la Parole du Seigneur se fraie un chemin par elle-même :
parole vivante qui agit directement dans les cœurs. Et en même temps, pour
pouvoir se répandre, elle a besoin de missionnaires qui la portent. La Parole
de Dieu se fait humble : elle ne tombe pas du ciel comme un coup de
tonnerre : elle passe par la bouche des hommes, par le langage des hommes,
au risque d’être mal comprise, déformée. Et en même temps elle dépasse le
travail des missionnaires, elle va plus vite, elle se fraie un chemin direct
vers les cœurs.
Cyrille et Méthode ont fait l’expérience de
cela ! Il y a la Parole et la parole. La Parole de Dieu, son message, la
bonne nouvelle qui parle au cœur. Et la parole humaine, limitée, véhicule
indispensable et pourtant toujours insuffisant. Le contenu et le contenant. La
forme et la matière. Cyrille et Méthode ont été serviteurs efficaces de cette
Parole. Ils ont compris que, même si le contenu ne change pas, le contenant
doit s’adapter aux circonstances. Ils ont traduit la Parole pour la rendre
accessible et lui permettre de franchir les frontières. Et puis ils ont eu le
génie, l’audace, de la transcrire jusqu’à créer pour cela un alphabet adapté.
Ce qui nous paraît évident aujourd’hui ne l’était pas de leur temps : ils
ont rencontré beaucoup de résistances, non pas de la part des peuples slaves,
mais de la part des évêques latins, attachés à Rome et au latin. Pourquoi ?
Souci de préserver l’unité en se faisant gardiens de l’uniformité ? Peur
de perdre le contrôle sur la doctrine ? Mais c’est justement l’uniformité
qui finit par étouffer la Parole, alors que l’ouverture à la diversité est au
service de la véritable unité. Dire les choses dans une autre langue, ce n’est
pas les appauvrir, mais les enrichir. Le défi de la traduction, c’est de
constater qu’il y a des concepts intraduisibles d’une langue à l’autre, et que
du coup, en cherchant à les traduire quand même, on augmente en quelque sorte
le concept de départ en lui donnant une nouvelle couleur. Quelle audace de la
part de Dieu d’oser se livrer ainsi aux mots humains ! Selon l’Islam,
Allah ne s’exprime que dans la langue du Coran, l’arabe. Quand le Verbe se fait
chair, au contraire, il prend le risque de se laisser dire dans toutes les
langues… Rendons grâce à Dieu pour cette confiance qu’il nous fait !
Prière
Parole vivante, sagesse du Très-Haut, tu traduis
l’ineffable avec nos simples mots. Tu es la réponse aux cris des malheureux, la
voix qui réveille les hommes et fait lever les yeux. Tu envoies tes apôtres
brandir les mots de feu qui chasseront les ténèbres sous le grand jour de
Dieu ! Nous te bénissons, ô Jésus-Christ, qui vis avec le Père et l’Esprit
saint pour les siècles des siècles.
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