(Isabelle)
Nous
allons entendre, au cours de cette célébration, un passage de la lettre de
Saint Jacques, au chapitre 5 (Jc 5, 9-12), dont j’extrais un verset : « Frères, prenez pour modèles d’endurance et
de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Du
chapitre 1 (v.2-4), j’avais retenu ceci: « Considérez comme une joie extrême, mes frères, de buter sur toute sorte
d’épreuves. Vous le savez, une telle vérification de votre foi produit l’endurance,
et l’endurance doit s’accompagner d’une action parfaite, pour que vous soyez
parfaits et intègres, sans que rien ne vous manque ».
Une joie extrême, toute sorte d’épreuves, de la patience, de l’endurance, une action parfaite… Voilà une merveilleuse introduction à l’évangile de Marc du jour (Mc 10, 1-12) qui parle de l’« indissolubilité du mariage » ! Avant de nous plonger dans ce sujet, entrons en prière et chantons notre louange au Seigneur.
Méditation (Mc 10, 1-12)
Le
mariage et son indissolubilité … J’avais l’âge auquel la plupart d’entre vous s’engageaient
dans une vie pour Dieu quand j’ai rencontré Michel. Nous nous sommes mariés.
C’était cohérent avec nos sentiments, nos projets et nos convictions de jeunes
chrétiens engagés. Avons-nous parlé de notre conception religieuse du
mariage ? Peu, si je me souviens bien. C’était il y a bien longtemps !
Huit
jours après mon mariage, mes parents se séparaient. Deux ans plus tard, au
lendemain du mariage de ma belle-sœur, mes beaux-parents se séparaient. A cette
époque-là, la mère de mon témoin n’osait pas entrer à l’église à cause de son
divorce, et ma tante, connue pour ses rocambolesques histoires d’alcôve, redisait
son engagement à mon oncle dans l’église du village à l’occasion de leur Xe anniversaire
de mariage. Notre ami prêtre regrettait l’impossibilité de se marier avec la
mère de son fils, tandis qu’un couple d’amis d’université introduisait une
demande de nullité du sacrement de leur
mariage après la naissance de leur 3e enfant. Le gendre de mon amie,
lui, franchement athée, acceptait un mariage à l’église même si … et notre curé
baptisait le bébé de deux mamans qu’il avait bénies, faute d’avoir pu les
marier. Elle n’est pas belle, la vie ? Le sacrement du mariage, son
indissolubilité, quel sens cela fait-il aujourd’hui ? Quel sens pour la
vie, la vraie vie, des couples ? Pour tous les couples ? Et pour les proches,
les enfants, les parents ? L’occasion était trop belle d’une bonne discussion
en famille. Je vais vous la rapporter, en vous rassurant : tous m’en ont donné
l’autorisation !
« C’est quoi le mariage ? Quel sens
cela fait-il pour vous ? Et Dieu dans tout ça ? »
Maman,
à 85 ans, me parle de mon père, de sa jeunesse, de son amour, de son projet de
famille, de sa joie et de sa tendresse pour nous. Elle parle aussi de ses
regrets d’une vie qui a tourné autrement qu’elle l’aurait voulu. Elle s’est
remariée il y a dix ans et était émue « comme si c’était la première
fois ». « Un engagement de vieillesse », dit-elle, « c’est s’inscrire
dans une autre perspective du soutien indéfectible à l’autre « jusqu’à la
mort ». On a en plus la richesse du passé. Tout cela est fécond ! ».
C’est
quoi le mariage ? Ma petite-fille Judith, 4 ans, me répond du tac au tac : « C’est quand
on s’échange les bagues pour se dire qu’on s’aime pour toujours et qu’on a
confiance ». « Pour toujours ? ». « Oui », ajoute
Céleste, « et quand on divorce, c’est bien simple : on enlève son
alliance. Mais ne t’inquiète pas, ça ne risque pas d’arriver à mes parents,
parce que mon papa ne sait plus enlever la sienne ». « Et Dieu, et Jésus
dans tout ça ? ». « … ». Je retiens « confiance et alliance ».
Mes fils
aînés se souviennent encore d’une déclaration émouvante de Philippe à son frère
Simon le jour de son mariage. Une réflexion sur l’importance de l’introduction
de filles dans la tribu : une femme choisie par l’un d’eux,
« imposée » aux autres, qui continuera
son chemin dans la famille et l’ouvrira. « Et Dieu dans tout
ça ? ». Ils ne sont guère plus bavards que leurs enfants. Leurs
épouses, Marie et Catherine, parlent des valeurs chrétiennes auxquelles elles
adhèrent, de leurs séjours à Taizé, et de leur responsabilité de parents pour l’éveil religieux de leurs enfants.
Pierre,
mon 3e, hausse les épaules - il est encore « un cœur à
prendre ». Il attend, dit-il, « de la générosité et un vrai
engagement mutuel ». Il dit : « L’église, pour beaucoup, c’est
d’abord un beau décor ... Pour le sacrement, je ne sais pas, il me faudra
faire du chemin ». Vincent, mon plus jeune fils, lui, rit : « Le
mariage, il faut vraiment le vouloir ! ». Pas qu’il n’en veuille pas mais
depuis 2 ans, il doit reporter la célébration pour cause de COVID. Florence est
depuis devenue son épouse légitime et la petite Aria, 6 mois, illumine leur
vie. Il ajoute : « Quand le jour viendra, ce sera une façon de
consacrer ce que nous vivons chaque jour ». Consacrer l’existant !
J’ai posé
la question aussi bien entendu à mon mari, en insistant sur le caractère
religieux du mariage, et il m’a répondu : « C’est bien simple, c’est
faire ménage à trois. 1 + 2 : Dieu
et (toi et moi). C’est Dieu qui entre d’abord dans notre humanité,
dans ce que nous vivons et, pour une fois, nous
lui répondons ensemble ». Double solitude et communion de personnes[1]. Oriana, notre fille de
cœur, ajoute : « Ce lien à Dieu aide à laisser l’autre advenir
pleinement, à mourir à certaines choses,
à nous soutenir dans les joies et les difficultés ». Quand j’ai fait remarquer que
nous n’en avions pas vraiment connu des difficultés, Michel m’a assuré que
c’était normal, « puisque que nos
liens à Dieu sont bien huilés ».
Céleste
m’a raconté que, quand ses parents ont une grosse dispute, « ils regardent
ensemble leurs alliances, ils se rappellent pourquoi ils l’ont, ils se calment
et ils se pardonnent ». « Parce que tu comprends, Mamisa, ils s’aiment comme le Seigneur les aime et
c’est ça qui est bien ». Du Céleste ! Elle a 7 ans !
Je
pense que ma tribu a abordé, l’air de rien, les 4 piliers du mariage religieux :
liberté, indissolubilité, fidélité, fécondité. Ils en ont parlé avec un langage
et un vécu d’aujourd’hui, et une conception peut-être moins étriquée que
certaines sources catholiques. Le mariage, demande confiance, générosité, don
mutuel … et échange des alliances. C’est consacrer l’existant, continuer son
chemin, ouvrir la famille, faire germer l’amour, célébrer le quotidien. C’est expérimenter
l’amour divin, faire un ménage à 3, entretenir ce don, ce lien au Seigneur qui,
fidèle, soutient toujours. C’est transmettre sa foi, en témoigner.
Je me
tourne maintenant vers vous dans la foulée de mon enquête familiale : Quels que
soient vos parcours d’amour et d’amitié, quelle que soit votre histoire, quelle
que soit votre vocation, votre engagement au Seigneur n’est-il pas du type
« libre, indissoluble, fidèle et fécond » ? Que l’on reçoive un sacrement
ou que l’on fasse vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, conversion des mœurs,
stabilité, n’est-ce pas par le don sincère de soi-même, ancré dans la communion des personnes avec
lesquelles on vit, que l’on advient, que l’on devient « une personne
accomplie » au sens divin ? Réfléchissons-y, chacun, chacune, dans
notre cœur, en toute humilité.
Introduction au Notre Père
Jésus,
toi qui nous as montré ce que pouvait être le lien au Père et le don d’amour
jusqu’à la mort, avec toi qui nous rejoins chaque jour dans notre humanité,
nous redisons la prière que tu nous as apprise.
Oraison
Dieu Notre
Père, que nous soyons seul.e, en couple, en famille, en communauté, aide-nous à
garder nos relations à Toi fortes et solides. Puissions-nous vivre nos
engagements en confiance et aimer nos proches dans un profond respect de ce
qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils deviennent. Aide-nous à ne pas
dénaturer nos engagements, même si nous sommes soumis à des épreuves
difficiles, si la vie commune se révèle un échec, si nous vivons une relation
dans l’impasse. Puissions-nous toujours nous rappeler que le premier à
entretenir les liens d’amour, sans condition, sans dissolution, c’est Toi. Nous
te le demandons par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui règne avec Toi et le
Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Amen.
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