vendredi 25 février 2022

Liturgie de la Parole, 7e vendredi TO

 (Isabelle)

 Introduction

Nous allons entendre, au cours de cette célébration, un passage de la lettre de Saint Jacques, au chapitre 5 (Jc 5, 9-12), dont j’extrais un verset : « Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Du chapitre 1 (v.2-4), j’avais retenu ceci: « Considérez comme une joie extrême, mes frères, de buter sur toute sorte d’épreuves. Vous le savez, une telle vérification de votre foi produit l’endurance, et l’endurance doit s’accompagner d’une action parfaite, pour que vous soyez parfaits et intègres, sans que rien ne vous manque ».

Une joie extrême, toute sorte d’épreuves, de la patience, de l’endurance, une action parfaite…  Voilà une merveilleuse introduction à l’évangile de Marc du jour (Mc 10, 1-12) qui parle de l’« indissolubilité du mariage » ! Avant de nous plonger dans ce sujet, entrons en prière et chantons notre louange au Seigneur.

 

Méditation (Mc 10, 1-12)

Le mariage et son indissolubilité … J’avais l’âge auquel la plupart d’entre vous s’engageaient dans une vie pour Dieu quand j’ai rencontré Michel. Nous nous sommes mariés. C’était cohérent avec nos sentiments, nos projets et nos convictions de jeunes chrétiens engagés. Avons-nous parlé de notre conception religieuse du mariage ? Peu, si je me souviens bien. C’était il y a bien longtemps !

 

Huit jours après mon mariage, mes parents se séparaient. Deux ans plus tard, au lendemain du mariage de ma belle-sœur, mes beaux-parents se séparaient. A cette époque-là, la mère de mon témoin n’osait pas entrer à l’église à cause de son divorce, et ma tante, connue pour ses rocambolesques histoires d’alcôve, redisait son engagement à mon oncle dans l’église du village à l’occasion de leur Xe anniversaire de mariage. Notre ami prêtre regrettait l’impossibilité de se marier avec la mère de son fils, tandis qu’un couple d’amis d’université introduisait une demande de nullité du sacrement de leur mariage après la naissance de leur 3e enfant. Le gendre de mon amie, lui, franchement athée, acceptait un mariage à l’église même si … et notre curé baptisait le bébé de deux mamans qu’il avait bénies, faute d’avoir pu les marier. Elle n’est pas belle, la vie ? Le sacrement du mariage, son indissolubilité, quel sens cela fait-il aujourd’hui ? Quel sens pour la vie, la vraie vie, des couples ? Pour tous les couples ? Et pour les proches, les enfants, les parents ? L’occasion était trop belle d’une bonne discussion en famille. Je vais vous la rapporter, en vous rassurant : tous m’en ont donné l’autorisation !

 

« C’est quoi le mariage ? Quel sens cela fait-il pour vous ? Et Dieu dans tout ça ? »

 

 Maman, à 85 ans, me parle de mon père, de sa jeunesse, de son amour, de son projet de famille, de sa joie et de sa tendresse pour nous. Elle parle aussi de ses regrets d’une vie qui a tourné autrement qu’elle l’aurait voulu. Elle s’est remariée il y a dix ans et était émue « comme si c’était la première fois ». « Un engagement de vieillesse », dit-elle, « c’est s’inscrire dans une autre perspective du soutien indéfectible à l’autre « jusqu’à la mort ». On a en plus la richesse du passé. Tout cela est fécond ! ».

 

C’est quoi le mariage ? Ma petite-fille Judith, 4 ans,  me répond du tac au tac : « C’est quand on s’échange les bagues pour se dire qu’on s’aime pour toujours et qu’on a confiance ». « Pour toujours ? ». « Oui », ajoute Céleste, « et quand on divorce, c’est bien simple : on enlève son alliance. Mais ne t’inquiète pas, ça ne risque pas d’arriver à mes parents, parce que mon papa ne sait plus enlever la sienne ». « Et Dieu, et Jésus dans tout ça ? ». « … ». Je retiens « confiance et alliance ».

 

Mes fils aînés se souviennent encore d’une déclaration émouvante de Philippe à son frère Simon le jour de son mariage. Une réflexion sur l’importance de l’introduction de filles dans la tribu : une femme choisie par l’un d’eux, « imposée » aux autres, qui continuera son chemin dans la famille et l’ouvrira. « Et Dieu dans tout ça ? ». Ils ne sont guère plus bavards que leurs enfants. Leurs épouses, Marie et Catherine, parlent des valeurs chrétiennes auxquelles elles adhèrent, de leurs séjours à Taizé, et de leur responsabilité de parents pour l’éveil religieux de leurs enfants.

 

Pierre, mon 3e, hausse les épaules - il est encore « un cœur à prendre ». Il attend, dit-il, « de la générosité et un vrai engagement mutuel ». Il dit : « L’église, pour beaucoup, c’est d’abord un beau décor ... Pour le sacrement, je ne sais pas, il me faudra faire du chemin ». Vincent, mon plus jeune fils, lui, rit : « Le mariage, il faut vraiment le vouloir ! ». Pas qu’il n’en veuille pas mais depuis 2 ans, il doit reporter la célébration pour cause de COVID. Florence est depuis devenue son épouse légitime et la petite Aria, 6 mois, illumine leur vie. Il ajoute : « Quand le jour viendra, ce sera une façon de consacrer ce que nous vivons chaque jour ». Consacrer l’existant !

 

J’ai posé la question aussi bien entendu à mon mari, en insistant sur le caractère religieux du mariage, et il m’a répondu : «  C’est bien simple, c’est faire ménage à trois. 1 + 2 : Dieu et  (toi et moi). C’est Dieu qui entre d’abord dans notre humanité, dans ce que nous vivons et, pour une fois, nous lui répondons ensemble ». Double solitude et communion de personnes[1]. Oriana, notre fille de cœur, ajoute : « Ce lien à Dieu aide à laisser l’autre advenir pleinement, à mourir à certaines choses, à nous soutenir dans les joies et les difficultés ». Quand j’ai fait remarquer que nous n’en avions pas vraiment connu des difficultés, Michel m’a assuré que c’était normal, « puisque que nos liens à Dieu sont bien huilés ».

 

Céleste m’a raconté que, quand ses parents ont une grosse dispute, « ils regardent ensemble leurs alliances, ils se rappellent pourquoi ils l’ont, ils se calment et ils se pardonnent ». « Parce que tu comprends, Mamisa, ils s’aiment comme le Seigneur les aime et c’est ça qui est bien ». Du Céleste ! Elle a 7 ans !

 

Je pense que ma tribu a abordé, l’air de rien, les 4 piliers du mariage religieux : liberté, indissolubilité, fidélité, fécondité. Ils en ont parlé avec un langage et un vécu d’aujourd’hui, et une conception peut-être moins étriquée que certaines sources catholiques. Le mariage, demande confiance, générosité, don mutuel … et échange des alliances. C’est consacrer l’existant, continuer son chemin, ouvrir la famille, faire germer l’amour, célébrer le quotidien. C’est expérimenter l’amour divin, faire un ménage à 3, entretenir ce don, ce lien au Seigneur qui, fidèle, soutient toujours. C’est transmettre sa foi, en témoigner.

 

Je me tourne maintenant vers vous dans la foulée de mon enquête familiale : Quels que soient vos parcours d’amour et d’amitié, quelle que soit votre histoire, quelle que soit votre vocation, votre engagement au Seigneur n’est-il pas du type «  libre, indissoluble, fidèle et fécond » ? Que l’on reçoive un sacrement ou que l’on fasse vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, conversion des mœurs, stabilité, n’est-ce pas par le don sincère de soi-même,  ancré dans la communion des personnes avec lesquelles on vit, que l’on advient, que l’on devient « une personne accomplie » au sens divin ? Réfléchissons-y, chacun, chacune, dans notre cœur, en toute humilité.

 

Introduction au Notre Père

Jésus, toi qui nous as montré ce que pouvait être le lien au Père et le don d’amour jusqu’à la mort, avec toi qui nous rejoins chaque jour dans notre humanité, nous redisons la prière que tu nous as apprise.

 

Oraison

Dieu Notre Père, que nous soyons seul.e, en couple, en famille, en communauté, aide-nous à garder nos relations à Toi fortes et solides. Puissions-nous vivre nos engagements en confiance et aimer nos proches dans un profond respect de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils deviennent. Aide-nous à ne pas dénaturer nos engagements, même si nous sommes soumis à des épreuves difficiles, si la vie commune se révèle un échec, si nous vivons une relation dans l’impasse. Puissions-nous toujours nous rappeler que le premier à entretenir les liens d’amour, sans condition, sans dissolution, c’est Toi. Nous te le demandons par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui règne avec Toi et le Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Amen.



[1] Relire « La théologie du corps » de St Jean-Paul II

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