(Sr Marie Raphaël)
Hymne : « Dieu s’est préparé une
demeure ». J’ai choisi cette hymne à cause de la première lecture :
la dédicace du Temple de Jérusalem (suite de la lecture d’hier). Salomon n’est
pas dupe : ce n’est pas le temple qui lui permettra d’enfermer Dieu dans
un lieu circonscrit.
À quoi sert le temple ? Avant tout pour les
hommes : c’est une maison de prière. Même si on peut prier Dieu partout,
il est bon d’avoir des lieux réservés à cela : ça aide, ça donne une
dimension plus concrète et physique à la prière. Et le lieu finit par
s’imprégner de ce qui s’y passe. Comme ici, pour nous, maintenant : nous
avons la chance d’avoir une si belle église ! Souvent, les hôtes me disent
qu’ils sentent l’énergie particulière de ce lieu. Pour moi, la psalmodie
elle-même est comme un lieu, un écrin pour la prière. L’acte de psalmodier est
comparable à celui de construire une maison de prière. À l’intérieur de cette
maison, le cri du cœur de l’homme trouve un espace pour s’épancher. En chantant
les psaumes, ce midi, édifions la maison de notre prière.
Résonances
Salomon a hérité de son père David un grand royaume en
paix. Que fait-on pour occuper ses troupes quand on est roi et qu’on n’a plus
de guerre à mener ? Par exemple : construire un temple, mobiliser la
population autour d’un projet commun qui prendra son temps, qui sera grandiose.
Et qui servira l’unité du pays, qui servira le contrôle du roi sur ses sujets,
jusque dans leur vie religieuse. Vraiment, c’est un roi sage que Salomon. Une
sagesse qui est aussi une habilité politique et stratégique. Quand on parcourt,
dans le premier livre des Rois, les chapitres consacrés à la construction du
temple, jusqu’à l’apothéose de sa dédicace, on se rend bien compte que le
temple est pour Salomon un instrument pour étaler aux yeux du monde sa
puissance, sa richesse, son prestige. C’est plus à la gloire de Salomon qu’à la
gloire de Dieu ! Et il est habile quand il va jusqu’à remettre Dieu à sa
place dans le ciel en disant : « Est-ce que vraiment Dieu habiterait
sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te
contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! »
Le temple de Jérusalem restera un signe ambigu tout au
long de l’histoire d’Israël. Les prophètes dénonceront le culte hypocrite qui
s’y joue. Le temple sera détruit au moment de l’exil et les prophètes
montreront combien cela n’empêchera pas Dieu de demeurer présent au milieu de
son peuple. La reconstruction du temple après l’exil mobilisera les énergies,
mais là encore, pas sans ambiguïtés. Puis le temple sera profané par Antiochos
Epiphane à l’époque des Séleucides, ce qui justifiera la guerre sainte menée
par Judas Maccabée. Hérode enfin, reconstruira le troisième temple pour asseoir
son prestige aux yeux des Romains et consolider son contrôle sur la caste des
prêtres… C’est ce temple-là que Jésus a connu. Jésus respecte le temple, il en
fait un lieu de son enseignement et il observe ce qui s’y passe. Surtout, il
redonne à ce lieu sa véritable vocation : « maison de prière ».
Ce qu’il dénonce, à la manière des prophètes, c’est le ritualisme creux, la
commercialisation de la piété, la récupération du sacré à des fins économiques
ou politiques.
Salomon, dans sa prière, rappelle que Dieu a dit du
temple : « C’est ici que sera mon Nom ». Je trouve que c’est la
plus belle définition. Le temple est le lieu où Dieu fait habiter son Nom, sa
présence. Et nous savons que le nom de Dieu est vie, dynamisme, un nom insaisissable,
le verbe « être » toujours en devenir. Or, Jésus est celui qui
incarne parfaitement ce nom : il est « Dieu-avec-nous » en
personne. Plus besoin de temple si nous avons le Christ. Il y a ici bien plus
que Salomon !
Prière
Seigneur, en cette maison de prière, nous invoquons
ton Nom. Accueille l’offrande de notre prière et viens manifester ta présence
au cœur de l’humanité qui se tourne vers toi avec confiance.
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