(Isabelle)
Au
moment des fêtes d’automne, l’évangile nous interpelle sur le Royaume de Dieu. Nous
l’avons entendu les derniers jours ; nous écouterons ce matin encore une parabole,
que Jésus adresse cette fois, à ses disciples, et qui questionne : la parabole
du gérant malhonnête, de l’intendant trompeur, du gestionnaire inique que le
maître commence par licencier et qu’il finit par louer.
Mais prenons
d’abord le temps d’entrer en communion, de nous rappeler que nous sommes porteurs
de la grâce et de la miséricorde du Christ, pour tous et toutes. Entrons en
prière par le chant des psaumes.
Méditation :
Il y a
de quoi bondir en entendant cette parabole : un intendant malhonnête, une
dénonciation, un licenciement immédiat, une magouille pour assurer ses vieux
jours, avec des faux en écriture. Et voilà que le maître trouve ce malin digne
d’admiration ! A n’y rien comprendre !
J’ai
cherché ce que d’autres en disaient, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que
les huit premiers versets de Luc 16 n’ont pas fait couler beaucoup d’encre. Ils
étaient déjà encombrants pour les Pères de l’Eglise à qui on demandait
« Qui est l’intendant ?», « Qui est le maître ?». St Jérôme
lui-même n’en a parlé qu’à la demande expresse d’amis. Et Cyrille d’Alexandrie,
pour tempérer les ardeurs de certains qui se perdaient en conjecture, nous dit que
« toutes les parties de la parabole ne se prêtent pas à une explication
détaillée ». Je considère cela comme une invitation à relire …
Je suis étonnée par la formulation du
texte : le style n’est pas polémique, il n’y a pas de violence, pas de
blessure décrite, pas de prise de position, pas d’invitation à l’indignation.
Est-ce une invitation au calme, à la réflexion, à la prise de recul ?
Un intendant, dans une période
difficile, se demande ce qu’il va faire. Il se dit que pour continuer
d’exister, vu ses capacités limitées, il doit aller vers les autres. Et plutôt
que de développer une nouvelle filouterie
ou une nouvelle arnaque (en avait-il d’ailleurs fait ? - l’Evangile
ne le dit pas), il fait le pari que ceux
qu’il rencontrera l’accueilleront, auront de la compassion pour lui.
« Il se dit en lui-même »
... En dedans de
lui-même. Il ouvre son espace intérieur. Voilà une invitation qui retentit à
chaque page de l’Evangile ! Et nous savons qu’on y fait des rencontres, au
profond de nous-mêmes.
Il se dit en lui-même « Que vais-je faire ? ».
Et il trouve : il va vers les autres. Il entre en relation avec eux, leur
fait confiance pour l’avenir. Il commence par leur remettre une partie de leurs
dettes – celles sur lesquelles il a prise. L’air de rien, il leur donne un
avenir plus serein. Avec adresse et intelligence. Faire avec adresse et
intelligence, c’est cela, la définition de l’habileté.
On est bien loin de l’attitude de
l’homme riche évoqué dans Luc 12, 16-21. Rappelez-vous : Il se disait
aussi « Que vais-je faire ? » parce qu’il avait trop de récoltes,
et il décidait de construire des greniers plus grands pour jouir après de
l’existence ... Et Dieu lui dit : « Tu es fou ?! »
Changer
de richesse ! Basculer de l’avoir qui isole à l’être qui rapproche. C’est
ce renversement-là, bien sûr, cette habileté que loue le maître dans notre
parabole ! C’est cette capacité
humaine qui fait entrer en soi-même, au plus intime, pour changer de
perspective, en s’en remettant aux autres et au tout Autre. C’est changer de manière de vivre, rebondir
sur ses erreurs et ses errances, pour transformer ses comportements égocentrés
en comportements ouverts sur les autres.
N’est-ce
pas là notre ultime vocation, l'engagement des engagements, l'habileté des
habiletés ? Tout le génie de
l'Évangile n’est-il pas là ?
« Qu’allons-nous
faire » ? Réfléchissons-y « en dedans de nous-mêmes ».
Jésus, pour nous accueillir dans ton Royaume, tu nous as appris à nous tourner ensemble, avec les autres, vers le Père. Répands sur nous ton Esprit, que nous puissions avec Toi, reprendre cette prière que Tu nous as enseignée.
Oraison
de conclusion :
Seigneur,
donne-nous d’être chaque jour des fils et des filles de ce monde, des fils et
filles de lumière : au-dedans de nous, avec Toi, et dans ces liens, dans
ces attachements qui nous relient les uns aux autres. Conduis-nous sur le
chemin de la bienveillance, de l’humanité dans laquelle le bien existe, de
multiples façons, même si ce n’est que partiellement. Donne-nous de nous
réjouir de Toi et des autres pour mieux accueillir ton royaume et œuvrer à son
avènement.
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