mardi 9 mai 2023

Liturgie de la Parole, 5e mardi du Temps pascal

(Isabelle Halleux)

 Introduction

Je me réjouis de ce dont l’évangile nous parle ce midi : il nous parle de paix, la paix de Dieu. Mais comme aujourd’hui, c’est le jour de la fête de l’Europe, celui où nous nous rappelons de la déclaration Schumann en 1950, « l’acte fondateur de la construction européenne», je vous propose un extrait de l’adresse d’Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne, aux jeunes qu’elle rencontrait il y a quelques mois[1] à Taizé. Elle y parle de paix.

« La génération de mes parents a hérité d'un continent divisé et détruit par la guerre. C'était la génération de Frère Roger, le fondateur de la communauté de Taizé[2]. C’est cette génération qui a jeté les bases de l'Union Européenne. De la dévastation et de la poussière, ils.elles ont construit la promesse d'un continent pacifié et unifié, où la guerre entre voisins deviendrait totalement impossible. Ils ont planté les graines qui ont fleuri dans les mains des générations suivantes, qui ont fait tomber le rideau de fer et réuni les deux moitiés de notre continent. (…), qui nous ont donné la liberté de pouvoir nous déplacer, étudier, travailler sans frontière en Europe. »

  Ma génération[3] a hérité d'un immense trésor des générations précédentes : une union de 415 millions de personnes, une démocratie de démocraties, en paix et prospère à l'intérieur de ses frontières. Notre union peut paraître imparfaite. Mais l'Europe est d'abord, et pour la plupart, une aspiration et en tant que telle, elle n'est jamais achevée, jamais réalisée une fois pour toutes. « (…) 

 « Il est de la responsabilité de chaque génération de faire avancer l'Europe et  (…) de manière solidaire) (…) de toujours la rendre meilleure. Chaque génération a une mission à remplir, façonnée par nos valeurs, par nos talents, par nos aspirations. Quand j'ai entamé mon parcours de présidente de la commission européenne, la première question que je me suis posée était : « Quelle est la mission de MA génération » ? Quelle sorte de continent ma génération va-t-elle vous laisser, à vous, la prochaine génération ? Que faisons-nous des talents que nous avons reçus ? » (…)

 « Notre Union est née d'un long chemin vers la paix. Elle a été créée pour que, plus jamais, des pays européens ne se fassent la guerre entre eux. Et jusqu'à présent, cela a été le plus grand projet de paix réussi dans l'histoire de l'humanité. La guerre entre nos 27 états membres est tout simplement impensable. Notre union a tellement bien réussi que beaucoup d'entre nous ont commencé à considérer la paix comme acquise[4]. »

 « En temps normal, nous avons des tas de discussions, les compromis sont difficiles - c'est la démocratie ! C'est un peu lent, mais nous nous écoutons les uns les autres, et chaque voix compte. Chaque état membre compte. Ce que j'aime en Union Européenne, pas seulement pendant la pandémie, mais maintenant avec la guerre de la Russie contre l'Ukraine, c'est que, quand on a un problème sérieux, on se serre les coudes ! Et c'est une bonne chose ! »

 A un jeune qui lui posait la question de savoir ce qu’ils pourraient faire, comme jeunes chrétiens, pour contribuer à un monde plus uni et faire face aux défis globaux, Ursula von der Leyen rappelait les bénéfices du programme Erasmus comme expérience d’ouverture et de rencontre. Elle ajoutait : « Continuez ce que vous vivez cette semaine ici à Taizé ! Défendez vos valeurs. Donnez l'exemple. Chérissez l'évangile et les talents qui vous ont été donnés. Et, partant de votre foi, ouvrez-vous aux autres religions (…) Vous trouverez beaucoup de valeurs communes. Ecoute et humilité : je crois que cela nous fera avancer. »

 Ecoute et humilité. Sur ces paroles très « bénédictines », entrons en prière en chantant les psaumes.

 Méditation (Jn 14, 27-31a)

« Je vous laisse la paix. Je vous donne ma paix. »  (Jn 14, 27)

« Donne-nous Seigneur la paix. Non pas celle qui vient du monde, mais la paix qui vient de Toi. » (Chant de Raymond Fau, 1989)

 Après la prière du Notre Père, quand le prêtre nous invite à nous donner mutuellement « la paix du Christ » et à faire un geste pour marquer cet échange, c’est un moment de grande de joie. On se sourit, on s’embrasse, on serre la main du voisin, on se retourne, on cherche un visage connu là-bas, derrière, pareil devant, on se salue. Personnellement, je regrette toujours que le moment soit trop court parce qu’il y a encore celui-là ou celle-là avec qui échanger[5].

Et pourtant… à chaque fois, il y a au moins l’un ou l’autre regard que je cherche à éviter, une personne que je veux, ou que je dois zapper ! Et à chaque fois, cela m’agace, ou cela m’attriste -cela dépend des jours. Je dois faire « avec ». Avec, encore une fois le goût amer d’une tension existante, d’une incompréhension non résolue. Avec la douleur d’une réconciliation manquée.  Avec la rage ou les larmes qui montent. Je dois faire « avec » : avec un combat intérieur à mener vite, là, tout de suite, pour dépasser cela et entrer vraiment en communion.

C’est à ce moment-là que je me souviens de ce verset de l’évangile de Jean. « Je vous LAISSE LA paix. Je vous DONNE MA paix ». Cette paix que l’on est invité à échanger, c’est celle que nous avons reçue de Jésus en héritage, celle qu’il a expérimentée par/dans sa relation spirituelle à son Père. C’est notre « paix intérieure », celle qui vient de notre confiance en Dieu, de notre foi, de notre prière. Elle peut toujours se vivre et se donner, même si la situation extérieure est difficile. Ce n’est pas la paix du monde. C’est la paix qui vient de Dieu. Alors, je retrouve la sérénité nécessaire pour entrer vraiment en communion et recevoir le Corps du Christ.

Que la paix du Christ soit avec nous ! Qu’elle nous accompagne tout au long de cette journée, tout au long de nos journées. Amen.

Prière finale

Seigneur, fais de nous des instruments de TA paix. Soutiens notre volonté d’être uni.es en toi par la confiance et la prière.  Fais de nous des instruments de la paix du monde. Soutiens notre volonté d’être uni.es dans le respect et la diversité. Aide-nous à toujours chercher et emprunter des chemins de réconciliation en commençant autour de nous, dans nos communautés, en accueillant l’autre tel qu’il est, tel qu’elle est, dans ce qu’il vit, ce qu’elle vit. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, qui règne avec toi et le Saint Esprit pour les siècles des siècles. Amen.

[1] 27/8/2023 – Vidéo publiée sur la chaine Youtube de Taizé : https://www.youtube.com/watch?v=vrb5A7vFt2g; surtitrage en français : https://www.youtube.com/watch?v=v9JpjsyQupk

[2] C’est aussi la génération de celles qui ont bâti le monastère d’Hurtebise

[3] C’est aussi la nôtre !

[4] Le conflit entre la Russie et l’Ukraine nous rappelle que la paix et la réconciliation sont un effort permanent dans lequel les politiques ont des responsabilités à assumer

[5] Sauf quand c’est le Père Fernand Schreber qui célèbre l’eucharistie : il se déplace jusqu’au fond de l’église, prend le temps d’adresser à chacun.e un regard, un geste, une parole.

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