mercredi 22 mars 2023

Liturgie de la Parole, 4e mercredi de Carême

(Isabelle Halleux)

 Introduction

Je n’ai pas demandé à Céleste où on en est en nombre de jours, mais nous continuons à préparer notre cœur, et nous en sommes à ce moment du carême où notre effort de conversion se tourne de plus en plus vers la contemplation du Seigneur, sur la manière dont Jésus reçoit la vie, la donne, nous la transmet et nous invite à sa suite.

Dans l’évangile de Jean (Jn 5, 17-30), c’est Jésus qui nous parle et nous montre le lien, la relation forte entre lui et son Père : « Amen, amen, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu'il voit faire par le Père ». « Car le Père aime le Fils ». « Comme le Père, le Fils fait vivre ». « Je ne cherche pas à faire ma volonté mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». « Celui qui écoute ma parole et croit au Père qui m'a envoyé obtient la vie éternelle ».

A un autre chapitre de l’évangile de Jean (Jn 11, 25a-26), dont un verset nous sera proposé en acclamation, Jésus dit : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. »  Il est donc question de vie éternelle !

Isaïe, lui, parle au nom du Seigneur. Dieu dit au peuple qu’il libère des babyloniens : « Au temps favorable, je t’ai exaucé, je t’ai secouru. Je t’ai façonné, établi, pour que tu sois l’alliance du peuple ». « Lui les guidera, les conduira vers les eaux vives. » (Is 49, 8-15). Cela nous fait bien entendu penser à Jésus, même si le contexte est différent.

Avec Isaïe et avec Jean, acclamons notre Dieu, crions de joie, exultons : « Gloire à toi, Seigneur, honneur, puissance et majesté ! » Et ­chantons les psaumes…

 


Méditation

En entendant ce texte d’évangile parlant de vie éternelle et de jugement, m’est venue à l’esprit une magnifique fresque que j’ai vue au monastère de Sucevița, au Nord de la Moldavie roumaine, à la frontière de l’Ukraine. Peinte à la fin du XVIe siècle sur le mur extérieur de l’église du monastère consacrée à la Résurrection, elle fait de l’ordre de 6 mètres de haut et autant en largeur ; elle  est très bien conservée. La fresque représente l’ « échelle sainte » ou « échelle des vertus » [1]  de saint Jean Climaque.

Des moines gravissent une échelle vers Dieu qui les accueille avec les saints, dans son paradis blanc. Un cortège d’anges ouvre les portes du paradis. Mais à chaque échelon, des moines peuvent chuter, faute d’humilité, et sont tirés vers l’enfer, dans le chaos. Une scène de jugement dernier… pour moines et moniales ! Mais pour tout homme aussi !

Cette échelle est un itinéraire d’ascension vers Dieu proposé par ce Père du Désert[2] contemporain de St Benoît, un itinéraire centré sur la croissance spirituelle personnelle et la transformation intérieure progressive par la pratique de la vertu. « Comme dans la règle de Saint Benoît »[3], me direz-vous ! Oui et non : une idée d’échelle des vertus, certes, mais en trente étapes, avec un chemin totalement linéaire et surtout moins communautaire ! Une culture assez orientale du monachisme…

Le lien avec notre évangile ? La vie éternelle, le jugement, mais surtout ce verset qui m’a interpellée : « L’heure vient – et c’est maintenant - où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix (la voix du fils de Dieu) alors ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour être ressuscités et être jugés. » L’heure vient, et c’est maintenant. Ce n’est pas dans un avenir plus ou moins lointain. La vie éternelle, la résurrection, c’est ce que vient apporter le Christ, juge juste institué par le Père, tourné vers le modèle qu’est son Père. C’est un point déterminant pour nous, chrétiens : le jugement du Christ crée une situation nouvelle, tournée vers le modèle de miséricorde et d’amour qu’est le Père. Par la mort et la résurrection de Jésus, la vie éternelle est une réalité pour chacun.e d’entre nous: « Dieu nous a donné la vie éternelle et cette vie est en son Fils. Celui qui a le Fils a la vie » (1 Jean 5, 11).

Et la résurrection, elle est pour tous : tous sont ressuscités ! Certains « ressuscitent de vie »[4] et d’autres, ceux qui se sont écartés du chemin de Dieu « ressuscitent de jugement »[5] Un jugement qui est appel à la conversion - ici, et maintenant -, un appel à entendre. Une invitation qui donne à chacun la vie, aussi ici et maintenant, comme on peut le lire ailleurs dans Saint Jean (Jn 3, 16) : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ».  Jésus est la résurrection et la vie. Il est le chemin qui mène à la vie éternelle, à la résurrection, à la présence de Dieu.

Alors, en est-il fini de ces petits moines qui tombent en enfer ??? En tout cas, étonnamment, cette partie « chaos » s’efface de la fresque avec le temps, comme pour laisser notre attention se focaliser sur le chemin et le lieu de la vie éternelle où le Père nous accueille. Avec les anges qui chantent… N’est-ce pas cela, notre chemin de chrétiens, notre chemin de carême ?

 

Notre Père 

Avec Jésus, redisons les paroles à son Père, à Notre Père.

 

Prière finale

Seigneur, tu nous appelles encore et toujours à contempler ta gloire et à concentrer toute notre attention sur ton Fils. Tu lui as donné la vie. Il a donné sa sienne. Nous sommes tous sauvés par lui et nous sortons tous de nos tombeaux, ressuscités.

Ce don d’éternité, c’est à nous d’y être attentifs, de le transmettre, par nos vies, par notre relation aux autres, par notre relation à toi. Affermis-nous dans notre démarche de carême, pour te contempler, pour nous laisser contempler par toi. Seigneur, notre Dieu, nous te le demandons par Jésus, le Christ, notre chemin, notre vie, uni à toi et au St Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.



[1] La métaphore de l’échelle est inspirée du songe de Jacob (Genèse 28, 11-19)

[3] RSB, Chapitre VII

[4] Ce que le français traduit du grec par « ressusciter et vivre »

[5] Ce que le français traduit du grec par « ressusciter et être jugés »

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