mardi 29 mars 2022

Liturgie de la Parole, 4e mardi du Carême

 (Isabelle)

Introduction

Ezéchiel, dans la première lecture du jour (Ez 47, 1-9.12), parle de l’eau qui guérit et donne la vie : « J’ai vu l’eau qui jaillissait du Temple », dit le prophète, « tous ceux qu’elle touchait furent sauvés ».

Il se passe quelque chose de semblable à la piscine de Bethzatha : un homme attend que le bouillonnement de l’eau le sauve (Jn 5, 1-16). « Veux-tu être guéri ? » demande Jésus à l’infirme. Celui-ci ne répond que pour déplorer ne pas pouvoir entrer le premier dans la piscine, dont on raconte que le « premier jet » de la source qui jaillit par intermittence guérit, car il est envoyé par Dieu[1]. L’infirme pense ne pas pouvoir « avoir sa chance ». Il attend depuis très longtemps. Jésus l’invite à se lever sans attendre et à se mettre en marche. Ce qu’il fait.

Chrétiens, nous savons les possibilités offertes par Dieu à chacun; il reste à prendre notre fardeau et à nous mettre en marche, à la suite du Christ.

Entrons humblement en prière et chantons les psaumes.

Méditation

Début mars, j’ai été interpellée par deux articles de presse qui m’ont invitée à méditer l’évangile du jour sous un angle nouveau – nouveau pour moi en tout cas : Jésus opère des guérisons le jour du sabbat !

Quels étaient ces 2 articles de presse ? Le 5 mars, dans 7 sur 7 : « Le premier ministre israélien Naftali Bennett s'est envolé samedi pour Moscou où il a rencontré le président russe Vladimir Poutine pendant environ trois heures  (…) M. Bennett est un juif religieux qui ne conduit pas d'affaires officielles le samedi, jour de repos hebdomadaire juif, sauf dans des circonstances extraordinaires ». Nous savons hélas quelles sont ces circonstances extraordinaires !

Le 13 mars, dans l’Express: « Dès les premiers bruits de bottes russes, Israël a fait de l'immigration des Juifs d'Ukraine une priorité absolue. Chaque jour, des centaines de réfugiés ukrainiens arrivent (en Israël) par avions spéciaux et sortent acclamés par des Israéliens, avec chants patriotiques et distribution de gâteaux. Le "retour à la maison" des frères ukrainiens se fête dignement. (…) C’est une bénédiction pour l'Etat hébreu ».  Vous comprenez de quoi N. Bennett et  V. Poutine ont parlé. Cela valait la peine de déroger à la loi de Moïse ! Vies en danger, sauvetage, fête, joie pour ceux qui les accueillent.  

On ne peut pas dire que les actions de Jésus les jours de sabbat produisaient le même effet … Les rabbins, les grands prêtres, les juifs, pris à témoin, se disent choqués par la transgression des interdits : Jésus soigne (c’est proscrit) des malades chroniques (il n’y a pas d’urgence) et voilà qu’il demande à l’homme de porter son brancard (encore un proscrit du sabbat), dans un lieu païen fourmillant d’indigents, d’impurs donc. Pourquoi le Christ déroge-t-il ainsi à la loi de Moïse, le jour où l’on se repose pour célébrer les merveilles de Dieu, le jour où l’on commémore la délivrance de l’esclavage d’Egypte ? Est-ce de la provocation ? Ou bien ?

Le sabbat, selon le livre de l’Exode, est le jour de repos de Dieu, un jour de repos en Dieu. Le Deutéronome (Dt 5, 15) lui apporte une autre dimension : c’est le jour de la commémoration de la force déployée par Dieu pour sortir son peuple d’Egypte. André Wénin, dans un commentaire sur le Décalogue[2], dit : « La puissance de Dieu se fait service de la liberté et de la vie ». La liberté invite à l’alliance. L’exode à la re-naissance, à la vie.

Si Jésus guérit le jour du sabbat, ce n’est donc sans doute ni par hasard ni par provocation : il agit et ramène le sabbat à l’intention originelle, dont la bénédiction et la guérison sont les caractéristiques centrales. « Il (Jésus) accomplit la consigne du sabbat en la renforçant et en la confirmant : le sabbat se concentre sur la délivrance de tout ce qui pourrait empêcher l’homme qui veut atteindre la liberté (…) »[3]. L’histoire de notre infirme est une histoire de délivrance, de salut.  « Quel jour de la semaine, autre que le sabbat, les auteurs néotestamentaires auraient-ils pu choisir pour caractériser le comportement de Jésus comme un comportement délivrant (libérateur) – ou comme le dit Jn 7, 23 : pour "la guérison de l’homme tout entier" »[4].

Nous approchons de Pâques et nous sentons chaque jour, à travers les lectures, la tension monter autour de Jésus. « Tout dans l’activité de Jésus », écrit Daniel Marguerat[5], « transpire l’urgence de se décider pour cette échéance proche : les paraboles, la hâte de guérir, même le jour du Sabbat, l’exhortation à brûler les paroles de politesse pour annoncer plus vite le Royaume ». Le salut est là, à notre porte, à notre portée. L’avènement du Royaume est imminent. La conversion est urgente ! Alors, oui, bien sûr, Jésus avait toutes les bonnes raisons de déroger à la loi de Moïse et de lui redonner son sens premier ! Les circonstances sont tout sauf ordinaires ! « Lève-toi et marche ».

Comme Israël accueille aujourd’hui avec joie le "retour à la maison" des frères ukrainiens, négocié un jour de sabbat, accueillons dans le royaume ceux qui re-naissent de cette bénédiction que Jésus nous offre chaque jour que Dieu fait, et accueillons ceux qui se reposent en Lui.

Notre Père

La liturgie ne nous a pas donné ce jour le verset suivant de l’évangile de Jean (Jn 5, 17) : « Non seulement Jésus ne respectait pas le sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père ». Cela l’a conduit à la mort. Nous le savons. Nous reconnaissons que Jésus est fils de Dieu, et avec lui, nous prions : « Notre Père »

Oraison

Dieu notre Père, tu as envoyé ton fils pour nous offrir la guérison et le salut, pour nous délivrer de tout ce qui pourrait nous empêcher d’atteindre la liberté. Jésus nous a rappelé la pleine dimension du jour où nous pouvons nous reposer en Toi. Donne-nous de nous saisir sans attendre de l’occasion de nous convertir et de te célébrer dans la joie et la confiance. Nous te le demandons, par Jésus, qui vit et règne avec toi et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.



[1] L. DEVILLERS, op, Une piscine peut en cacher une autre. A propos de Jean 5, 1-9, Revue Biblique, 1999, Vol. 106/2, pp. 175-205.

[2] A. Wénin, Le Décalogue. Approche contextuelle, théologie et anthropologie, in C. Focant (ed.), La loi dans l'un et l'autre Testament, Cerf, pp. 9-43.

[3] H. AUSLOOS, Jésus et l’idolâtrerie du sabbat, Revue des Sciences Religieuses, Vol. 85/1, 2011, pp. 27-43.

[4] H. AUSLOOS, ibid.

[5] D. MARGUERAT, in Paul, interprète de Jésus, Le Monde de la Bible, 2003, n° 150, p. 22.

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