mercredi 9 mars 2022

Liturgie de la Parole, 1er mercredi de carême

(sœur Marie Raphaël)

Ouverture

Notre Dieu a de la suite dans les idées. Jonas a pu le vérifier. Il avait d’abord essayé de se dérober à l’appel de Dieu. Mais la tempête, puis le grand poisson, l’avaient ramené à son point de départ. De nouveau, Dieu lui adresse la parole. Notre Dieu est un Dieu qui ne cesse de nous donner, de se donner une nouvelle chance. De nouveau… Car il ne veut pas s’avouer vaincu, il ne se laisse pas vaincre en générosité. De nouveau : c’est une des clés qui permet d’entrer dans le secret de Dieu !

Résonances

« Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère ? » Tout le secret du petit livre de Jonas tient dans ces mots : « qui sait ? »

Les gens de Ninive ne savent pas, mais ils font l’hypothèse, ils n’ont rien à perdre, ils misent tout sur cette hypothèse.

Jonas, lui, sait. Il l’avouera dans les versets qui suivent. Il savait. Et c’était même pour cela qu’il avait tant résisté à l’ordre divin : « Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment ». Jonas, prophète malgré lui, voulait bien se faire le porte-parole de la justice de Dieu, mais pas de sa miséricorde. Pourquoi Jonas se met-il en colère ? On dirait qu’il voudrait protéger Dieu de Dieu. Cela ne convient pas, un Dieu qui fait marche arrière ! Il mesure la folie dans laquelle Dieu se laisse entraîner s’il cède à sa miséricorde. Il mesure la révolution qui est ici en jeu. Un Dieu qui se repent : où va-t-on ?

Et si cette marche arrière, cette apparente régression, était précisément la « botte secrète » de Dieu ? Sa tactique inattendue qui lui permet de sortir de l’impasse et de sauver à la fois sa justice et sa miséricorde ?[1] Le livre de Jonas, si petit soit-il, vaut son pesant d’or dans l’ensemble de la révélation biblique. Il nous parle d’un Dieu qui ne rêve que d’une chose : faire justice en pardonnant, nous révéler l’excès de son amour.

Et il y a ici bien plus que Jonas. Jésus n’est pas seulement prophète de la miséricorde divine, il est en personne cette miséricorde, la mise en œuvre de l’excès de l’amour du Père. Jésus est la botte secrète du Père.

Jonas avait raison : cela ne convient pas. Un Dieu qui donne sa vie et meurt pour nous / par nous. Quel gâchis. Et pourtant, Jésus l’a fait. Devant ce gâchis, nous pouvons rester extérieurs, observer de loin, comme Jonas, et nous mettre en colère parce que Dieu est trop bon. Nous pouvons aussi nous mettre en route comme la reine de Saba et nous incliner devant la sagesse d’un Dieu qui nous aime à la folie.

Prière.

Dieu, tu nous aimes à la folie. Ta justice atteint sa plénitude dans l’excès de ta miséricorde. Béni sois-tu ! Apprends-nous à te suivre sur ce chemin de salut, convertis nos cœurs afin qu’ils reconnaissent ton passage dans nos vies. Bénis et protège tous ceux qui, aujourd’hui, dans notre monde en guerre, opposent au mal la résistance d’un cœur droit, d’un authentique repentir, d’une solidarité persévérante, tous ceux qui refusent d’entrer dans la spirale du mensonge et de la violence, suivant ainsi, peut-être sans le savoir, les traces de ton Fils bien-aimé.



[1] Pour l’expression « botte secrète » et l’explication de cette intuition, voir l’article de Jean-Pierre Sonnet, « Justice et miséricorde. Les attributs de Dieu dans la dynamique narrative du Pentateuque », dans Nouvelle Revue Théologique 138/1, 2016.

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