1 Jn 3, 1-3
Le
texte (traduction : Traduction Œcuménique de la Bible) :
« 1 Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés
enfants de Dieu; et nous le sommes! Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître:
il n'a pas découvert Dieu.
2 Mes
bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons
n'a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsqu'il paraîtra, nous lui
serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est.
3 Et
quiconque fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui est pur »
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la
Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur
moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette
Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et
que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la
béatitude du Royaume. Amen »
Lecture verset par
verset :
Si nous sommes un peu
familiers de la littérature johannique (le 4e évangile, les 3
épîtres et l’Apocalypse), nous connaissons ce procédé littéraire de cercles
concentriques : des mots qui se répètent et font progresser la pensée de
Jean au fil des versets et des chapitres[1].
Le début du chapitre 3
en est une belle illustration : l’expression « lorsqu’il
paraîtra » est attestée à la fin du chapitre 2 (v. 28) et au début du
suivant (v. 2). Nous y reviendrons ci-dessous.
(v. 1) « Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés
enfants de Dieu… »
Ces premiers mots traduisent l’émerveillement de
Jean face à l’amour de Dieu. Cela fait écho au 4e évangile, où Jean
déclarait : « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu'il a donné son
Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait
la vie éternelle » (3, 16). Cette contemplation de l’amour de Dieu est
fondamentale dans l’expérience de Jean. De cette conviction découlent deux
facettes de la Révélation. D’une part, l’affirmation de l’Incarnation :
Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ. De l’autre, ses conséquences pour l’être
humain : tel est le propos du début de notre chapitre 3.
« … que nous soyons appelés enfants de Dieu;
et nous le sommes ! »
De ce
Dieu nommé « Père », nous sommes « enfants ». Une filiation qui
résulte de la relation qui unit Dieu et Jésus. Maintes fois dans l’Evangile,
Jésus situe Dieu comme son « Père, Celui qui l’a envoyé »[2].
Cette
relation singulière fut essentielle pour Jésus : se savoir aimé du Père[3]
a façonné sa vie, l’a enracinée, lui a offert fécondité et déploiement. Cette
relation, Dieu nous en fait cadeau.
L’insistance
de Jean « et nous le sommes » nous convie à la même conscience, à la même
expérience. Cet amour du Père nous est aussi destiné…
« Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous
connaître: il n'a pas découvert Dieu »
A cette circulation d’amour entre le Père, le Fils
et nous, Jean oppose « le monde ». Mais il faut bien comprendre de
quel monde il s’agit. Le 4e évangile emploie le terme dans plusieurs
sens. Citons un verset qui juxtapose deux sens différents. Jean y
déclare : « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le
monde ne l'a pas reconnu ». Les deux premiers emplois situent le Verbe,
Jésus-Christ, par rapport au monde : le monde est objet de l’amour de Dieu
et, ici, de sa création (« le monde fut par lui »). Mais une autre
acception apparaît ensuite : « le monde ne l’a pas reconnu ». Ce
deuxième sens est celui de notre verset de la 1e épître : si le
monde est par lui-même bon et objet de l’amour de Dieu, il doit se situer par
rapport à son créateur et à l’Envoyé de Dieu, Jésus-Christ. Le monde, comme
tout homme, est libre et est invité à poser librement un acte de foi. Ainsi, le
monde représente ceux qui refusent Dieu, ceux qui se ferment à la révélation.
Mais il faut se garder de croire que certains sont prédestinés à croire tandis
que d’autres non. La liberté de l’homme, la liberté de chacun reste entière[4].
Ce verset laisse transparaître les circonstances
rédactionnelles de la 1e épître : la communauté chrétienne est
certes au cœur du monde mais elle ne souscrit pas aux options du monde, à son
refus de Dieu, à son non-accueil.
La foi entretient
d’ailleurs un lien étroit avec la filiation. Comme on peut le lire dans le
prologue du 4e évangile : « Mais à ceux qui l'ont
reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants
de Dieu » (Jn 1, 12).
(v. 2) « Mes bien-aimés, dès à présent nous
sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été
manifesté… »
Tandis que le premier verset était conjugué au
présent, ce deuxième pointe le doigt vers le futur.
D’un côté, l’affirmation de la filiation de Dieu au
présent (« nous sommes enfants de Dieu »). De l’autre, une identité
« pas encore manifestée ».
« … Nous savons que, lorsqu'il paraîtra, nous
lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est »
Cet avenir est lié à la manifestation de Dieu
(« lorsqu'il paraîtra »). Tout en n’étant pas situable sur une ligne
du temps, ce temps-là s’identifiera à la vision de Dieu : « nous lui
serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est ». Par la
contemplation de Dieu, advient une parenté, une similitude : « nous lui
serons semblables ».
Cela est vrai au futur, comme le dit Jean, mais
c’est déjà effectif ici-bas, lorsque nous nous arrêtons, que nous Le
considérons, que nous L’envisageons… Dieu nous révèle ce qu’Il est et Il nous
transforme. Tel est son rêve : nous rendre semblables à Lui…
Nous pouvons nous poser la question : le
voulons-nous assez ?
(v. 3) « Et quiconque fonde sur lui une telle
espérance se rend pur comme lui est pur »
Il ne s’agit pas d’une pureté rituelle, comme celle
des coupes et des plats (Mc 7), mais une pureté qui permet la rencontre avec
Dieu. Elle a à voir avec le regard[5],
la lumière : elle place résolument du côté de Dieu. Cette pureté ne
s’obtient pas par la force des poignets, mais elle se reçoit, elle se demande à
Celui qui seul peut nous l’accorder…
La perspective peut alors s’ouvrir à l’infini. Elle
ne se tourne pas vers le passé, si lourd ou éprouvé soit-il, mais elle oriente
vers l’avant, elle est une espérance. Elle nous fait désirer l’inespéré : la
vision de Dieu[6]…
Prière :
Père, tu n’es que don. Tu as envoyé ton Fils et tu fais de
nous tes Enfants. Nous te rendons grâces. Accorde-nous de nous laisser habiter
par cet Amour dans nos profondeurs, pour qu’il rayonne autour de nous et
transfigure notre monde.
Amen
par sr Marie-Jean
[1] Sur
le ton de l’humour, j’ajouterai que je ne pense effectivement pas que mon saint
patron radote…
[2] Parmi d’autres, Jésus
déclare dans sa prière du chapitre 17 « que tous soient un comme
toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi,
afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (v. 21).
[3]
« Le Père aime le Fils et il a tout remis en sa main »
(Jn 3, 35) ; « C'est que le Père aime le Fils et lui montre tout ce
qu'il fait… » (5, 20) ; « … le monde saura que j'aime mon Père
et que j'agis conformément à ce que le Père m'a prescrit » (14, 31).
[4] Les signes de Jésus sont
autant d’invitations à la foi. Cfr 10, 42 « Et là, ils furent nombreux à croire en lui ».
[5]
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5, 8).
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