vendredi 16 janvier 2015

Pour la joie



1 Jn 1, 1-4


Le texte (traduction : Bible de Jérusalem) :
« 1 Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ;
 2 - car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue -
 3 ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.
 4 Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète »

Prière (suggérée par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »

Lecture verset par verset :
Les Lettres de Jean sont très différentes du livre des Actes des Apôtres. Nous le découvrirons au fil de notre lecture. Mais, plutôt que d’énumérer ce qui les distingue, pointons en guise de préambule ce qui les unit. Ce qui apparente les deux acteurs principaux du livre des Actes – Pierre puis Paul – et l’auteur de cette première Lettre – Jean – est plus fondamental encore : la certitude de l’amour du Christ, l’éblouissement suite à leur expérience respective. Pierre, compagnon de Jésus « qui a bu et mangé avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 41) ; Paul, terrassé sur le chemin de Damas et bénéficiaire d’une rencontre qui bouleverse sa vie (Ac 9 ; 22 ; 26) ; Jean, qui livre un témoignage « véridique » (Jn 21, 24) et transmet à la communauté chrétienne le fruit de sa méditation.

(v. 1-3a) « Ce qui était dès le commencement… »
Ces premiers mots offrent des harmoniques avec d’autres textes de l’Ecriture. Ce « commencement » apparaît déjà au seuil du premier livre de la Bible, la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… » (Gn 1, 1). A ce commencement qu’est la création, le prologue du quatrième évangile, attribué au même auteur que la lettre, fait écho : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1, 1). Nous découvrons un fil rouge qui unit tous ces textes et une foi qui leur est implicite : cette vérité, qui remonte aux temps reculés, entretient un lien étroit avec Dieu, le Dieu créateur et son Verbe, sa Parole.
A l’époque de la rédaction de la Lettre, de nouvelles doctrines se répandaient. Le message dont Jean va se faire le porte-parole n’est pas de celle-là : il est enraciné dans une solidité, une véracité, car il a Dieu pour origine.

« … ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue - ce que nous avons vu et entendu… »
Ces versets frappent par la multiplicité des verbes sensoriels : entendre, voir de ses yeux, contempler, toucher de ses mains,…
Ces verbes dits « sensoriels » n’impliquent pas les seuls sens extérieurs : le verbe « contempler » le suggère. Mais il n’est pas le seul. Pour saisir la dimension intérieure des sens, nous pouvons citer Augustin : « … il est une lumière, une voix, un parfum, une nourriture, une étreinte que j’aime, quand j’aime mon Dieu. C’est la lumière, la voix, le parfum, l’étreinte de l’homme intérieur qui est en moi, là où resplendit pour une âme une lumière que ne limite aucune étendue, où se déroulent des mélodies que n’emporte pas le temps, où s’exhalent des parfums qui ne se dissipent pas au souffle du vent, où l’on goûte un aliment que nulle voracité ne fait disparaître et des étreintes que nulle satiété ne desserre. Voilà ce que j’aime, quand j’aime mon Dieu… ».

Remarquons la forme plurielle des verbes employés. Si Jean est le témoin oculaire de cette expérience, il ne se renferme pas sur son caractère singulier. Au contraire, il en déploie la perspective et engage son lecteur à entrer dans ce vécu.
Ainsi, nous ne sommes pas relégués hors de cette annonce : nous sommes invités à y entrer, à faire confiance, à accorder foi à ces paroles.

Le cœur de ces premiers versets est une proclamation : « la Vie s’est manifestée ». La référence au prologue du quatrième évangile est limpide : « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes… » (Jn 1, 4).
C’est une Bonne Nouvelle !
Cette vie à laquelle tout être humain aspire a été manifestée. Elle est apparue en celui qui était « tourné vers le Père », celui que le prologue de l’évangile appelait le Verbe « tourné vers Dieu » (Jn 1, 1), « tourné vers le sein du Père » (Jn 1, 18). Dans ces deux prologues johanniques, il s’agit de Jésus-Christ, lui qui est apparu, en qui s’est incarnée cette vie. Ce n’est donc pas la vie biologique, mais une vie pleine, féconde, celle que Dieu seul peut déployer en nous…

« … nous vous l'annonçons afin que vous aussi soyez en communion avec nous… »
Cette expérience de Jean qui ne lui reste pas personnelle, singulière ou exclusive, il la destine au partage, il l’ouvre à la communion avec ceux qui le lisent, ceux qui le veulent. L’auteur de la lettre invite ses lecteurs à partager cette expérience.
Bien plus, Jean ne restreint pas la communion avec lui-même ou son école[1], mais il en déploie encore l’horizon :
« … Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ »
En ce verset, Jean invite à la communion, entre humains et avec Dieu. Par la communion avec les hommes et femmes de notre temps, nous pouvons sentir, éprouver, faire l’expérience de la communion avec Dieu…

(v. 4) « Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète »
Ce dernier verset inscrit le but, l’objectif du propos de Jean : celui de la joie.
Et cette joie n’est pas superficielle. Elle est dite « complète » (littéralement « ayant été rendue complète » sous-entendu par Dieu). Ce n’est pas une joie humaine, mais toute divine : celle, paradoxale, des Béatitudes (Mt 5, 3-12) ; celle de Jean-Baptiste (« Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse » : Jn 3, 30) ; la joie du matin de Pâques précédée du Vendredi Saint (Jn 20). Cette joie, Dieu la destine à chacun(e) de nous…


Prière :
Christ, Verbe de Dieu, Tu as accordé à ton apôtre Jean la joie d’une expérience, d’un compagnonnage, la grâce de recueillir de toi « tout ce que tu as entendu de ton Père » (Jn 15, 15).
Ce témoignage nous est aujourd’hui confié. Cette Vie qui lui fut manifestée, il en témoigne et nous rend porteurs d’un message de salut, de communion, de joie.
Puissions-nous, dans le sillage de ton apôtre, être des témoins de cette Parole qui brûle nos cœurs ! Joie parfaite…
Amen

 par soeur Marie-Jean


[1] Les spécialistes ont coutume de dire que l’auteur du corpus johannique est une école plutôt qu’un auteur isolé : c’est l’école johannique.

Aucun commentaire: