1 Jn 1, 1-4
Le
texte (traduction : Bible de Jérusalem) :
« 1 Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous
avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché
du Verbe de vie ;
2 - car la Vie s'est manifestée : nous l'avons
vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui
était tournée vers le Père et qui nous est apparue -
3 ce que
nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en
communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son
Fils Jésus Christ.
4 Tout ceci,
nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète »
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la
Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur
moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette
Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et
que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la
béatitude du Royaume. Amen »
Lecture verset par
verset :
Les Lettres de
Jean sont très différentes du livre des Actes des Apôtres. Nous le
découvrirons au fil de notre lecture. Mais, plutôt que d’énumérer ce qui les
distingue, pointons en guise de préambule ce qui les unit. Ce qui apparente les
deux acteurs principaux du livre des Actes – Pierre puis Paul – et
l’auteur de cette première Lettre – Jean – est plus fondamental
encore : la certitude de l’amour du Christ, l’éblouissement suite à leur
expérience respective. Pierre, compagnon de Jésus « qui a bu et mangé avec
lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 41) ; Paul,
terrassé sur le chemin de Damas et bénéficiaire d’une rencontre qui bouleverse
sa vie (Ac 9 ; 22 ; 26) ; Jean, qui livre un témoignage « véridique » (Jn 21, 24) et transmet à la communauté chrétienne le fruit de sa
méditation.
(v. 1-3a) « Ce qui était dès le commencement… »
Ces premiers mots offrent des harmoniques avec
d’autres textes de l’Ecriture. Ce « commencement » apparaît déjà au
seuil du premier livre de la Bible, la Genèse : « Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre… » (Gn 1, 1). A ce
commencement qu’est la création, le prologue du quatrième évangile, attribué au
même auteur que la lettre, fait écho : « Au commencement était le
Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1, 1). Nous
découvrons un fil rouge qui unit tous ces textes et une foi qui leur est implicite :
cette vérité, qui remonte aux temps reculés, entretient un lien étroit avec
Dieu, le Dieu créateur et son Verbe, sa Parole.
A l’époque de la
rédaction de la Lettre, de nouvelles doctrines se répandaient. Le message dont
Jean va se faire le porte-parole n’est pas de celle-là : il est enraciné
dans une solidité, une véracité, car il a Dieu pour origine.
« … ce que nous avons entendu, ce que nous
avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché
du Verbe de vie ; car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en
rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était
tournée vers le Père et qui nous est apparue - ce que nous avons vu et
entendu… »
Ces versets frappent par la multiplicité des verbes
sensoriels : entendre, voir de ses yeux, contempler, toucher de ses
mains,…
Ces verbes dits « sensoriels »
n’impliquent pas les seuls sens extérieurs : le verbe
« contempler » le suggère. Mais il n’est pas le seul. Pour saisir la
dimension intérieure des sens, nous pouvons citer Augustin : « … il
est une lumière, une voix, un parfum, une nourriture, une étreinte que j’aime,
quand j’aime mon Dieu. C’est la lumière, la voix, le parfum, l’étreinte de
l’homme intérieur qui est en moi, là où resplendit pour une âme une lumière que
ne limite aucune étendue, où se déroulent des mélodies que n’emporte pas le
temps, où s’exhalent des parfums qui ne se dissipent pas au souffle du vent, où
l’on goûte un aliment que nulle voracité ne fait disparaître et des étreintes
que nulle satiété ne desserre. Voilà ce que j’aime, quand j’aime mon
Dieu… ».
Remarquons la forme plurielle des verbes employés.
Si Jean est le témoin oculaire de cette expérience, il ne se renferme pas sur
son caractère singulier. Au contraire, il en déploie la perspective et engage
son lecteur à entrer dans ce vécu.
Ainsi, nous ne sommes pas relégués hors de cette
annonce : nous sommes invités à y entrer, à faire confiance, à accorder
foi à ces paroles.
Le cœur de ces premiers
versets est une proclamation : « la Vie s’est
manifestée ». La référence au prologue du quatrième évangile est
limpide : « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la
lumière des hommes… » (Jn 1, 4).
C’est une Bonne Nouvelle !
Cette vie à laquelle tout être humain aspire a été
manifestée. Elle est apparue en celui qui était « tourné vers le
Père », celui que le prologue de l’évangile appelait le Verbe
« tourné vers Dieu » (Jn 1, 1), « tourné vers le sein du
Père » (Jn 1, 18). Dans ces deux prologues johanniques, il s’agit de Jésus-Christ,
lui qui est apparu, en qui s’est incarnée cette vie. Ce n’est donc pas la vie
biologique, mais une vie pleine, féconde, celle que Dieu seul peut déployer en
nous…
« … nous vous l'annonçons afin que vous aussi
soyez en communion avec nous… »
Cette expérience de Jean qui ne lui reste pas
personnelle, singulière ou exclusive, il la destine au partage, il l’ouvre à la
communion avec ceux qui le lisent, ceux qui le veulent. L’auteur de la lettre
invite ses lecteurs à partager cette expérience.
Bien plus, Jean ne restreint pas la communion avec
lui-même ou son école[1],
mais il en déploie encore l’horizon :
« … Quant à notre communion, elle est avec le
Père et avec son Fils Jésus Christ »
En ce verset, Jean invite à la communion, entre humains et avec Dieu. Par
la communion avec les hommes et femmes de notre temps, nous pouvons sentir,
éprouver, faire l’expérience de la communion avec Dieu…
(v. 4) « Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que
notre joie soit complète »
Ce dernier verset inscrit le but, l’objectif du
propos de Jean : celui de la joie.
Et cette joie n’est pas superficielle. Elle est
dite « complète » (littéralement « ayant été rendue
complète » sous-entendu par Dieu). Ce n’est pas une joie humaine, mais
toute divine : celle, paradoxale, des Béatitudes (Mt 5, 3-12) ; celle
de Jean-Baptiste (« Il faut que lui grandisse et que moi je
décroisse » : Jn 3, 30) ; la joie du matin de Pâques précédée du
Vendredi Saint (Jn 20). Cette joie,
Dieu la destine à chacun(e) de nous…
Prière :
Christ, Verbe de Dieu, Tu as accordé à ton apôtre Jean la
joie d’une expérience, d’un compagnonnage, la grâce de recueillir de toi
« tout ce que tu as entendu de ton Père » (Jn 15, 15).
Ce témoignage nous est aujourd’hui confié. Cette Vie qui
lui fut manifestée, il en témoigne et nous rend porteurs d’un message de salut,
de communion, de joie.
Puissions-nous, dans le sillage de ton apôtre, être des
témoins de cette Parole qui brûle nos cœurs ! Joie parfaite…
Amen
par soeur Marie-Jean
[1] Les spécialistes ont
coutume de dire que l’auteur du corpus johannique est une école plutôt qu’un
auteur isolé : c’est l’école johannique.
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