vendredi 21 février 2014

Pourquoi me persécutes-tu?



Ac 9, 1-9


Le texte (traduction : Bible de Jérusalem) :
« 1 Cependant Saul, ne respirant toujours que menaces et carnage à l'égard des disciples du Seigneur, alla trouver le grand prêtre
 2 et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il y trouvait quelques adeptes de la Voie, hommes ou femmes, il les amenât enchaînés à Jérusalem.
 3 Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l'enveloppa de sa clarté.
 4 Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : " Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? " -
 5 " Qui es-tu, Seigneur ? " demanda-t-il. Et lui : " Je suis Jésus que tu persécutes.
 6 Mais relève-toi, entre dans la ville, et l'on te dira ce que tu dois faire. "
 7 Ses compagnons de route s'étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient bien la voix, mais sans voir personne.
 8 Saul se releva de terre, mais, quoiqu'il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. On le conduisit par la main pour le faire entrer à Damas.
 9 Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien »

Prière (suggérée par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la béatitude du Royaume. Amen »

Lecture verset par verset :
Un personnage est apparu dernièrement dans les derniers chapitres que nous avons lus des Actes : il s’appelle Saul. Il était présent lors de la lapidation d’Etienne (« Saul, lui, approuvait ce meurtre » : 8, 1). Il se caractérise par son animosité contre les chrétiens et participe à leur persécution (« Quant à Saul, il ravageait l'Église ; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison » : 8, 3).
Le chapitre 9 dont nous commençons la lecture poursuit cette lutte de Saul. Mais Jésus, qu’un tel tempérament n’empêche pas d’intervenir, va faire irruption dans sa vie…

(v. 1-2) « Cependant Saul, ne respirant toujours que menaces et carnage à l'égard des disciples du Seigneur… »
L’agressivité de Saul atteint son paroxysme. Le verbe « respirant » traduit littéralement le grec empneô : il vit de cela, il ne respire que cela…
Bien plus, il ne se contente pas d’agir de son initiative propre, mais il trouve un appui dans les autorités religieuses de l’époque. Dans la violence qu’il exerce envers les chrétiens, Saul pose un acte de foi :

« il alla trouver le grand prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il y trouvait quelques adeptes de la Voie, hommes ou femmes, il les amenât enchaînés à Jérusalem »
« adeptes de la Voie » : littéralement « certains étant de / appartenant à la Voie »
C’est l’appellation que les acteurs des Actes reprendront à leur compte pour désigner la « suivance » de Jésus[1]. Ce nom fait écho à la déclaration de Jésus : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie… » (Jn 14, 6).
Ce n’est que plus tard que le nom de « chrétien », dérivé de « Christ », apparaîtra : « C'est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de ‘chrétiens’ » (Ac 11, 26).

Dans cette atmosphère de violence et d’emprisonnement, Quelqu’un se fait connaître :

(v. 3-4) « Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l'enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : ‘Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ?’ »
Un phénomène tout à fait imprévisible se produit : l’irruption d’une lumière.
Remarquons que cette lumière « enveloppe » : elle n’est pas une torche policière rivée sur les yeux du coupable… mais elle « enveloppe », cela suggère une certaine douceur. Elle n’en est pas moins radicale, puisqu’elle jette Saul à terre…
Contrairement à la tradition picturale, le texte des Actes ne dit pas que Saul est tombé de son cheval. La chute n’en est pas moins réelle…
Une voix se fait entendre : « Saoul, Saoul… »
La répétition du nom exprime une insistance, comme tant d’appels dans la Bible[2]. Mais ce double appel s’adresse aussi, selon la tradition juive, à l’entièreté de la personne.
La forme « Saoul » est la translittération de l’hébreu ; la forme « Saul » correspond au grec « Saulos ».
Un beau contraste est exprimé dans ces deux versets : « une voix du ciel... Saul tombant à terre ». Le ciel invite la terre à un accueil, à une collaboration, à une vocation…

« … pourquoi me persécutes-tu ? »
Celui qui s’adresse à Saul s’identifie aux persécutés.
Tel est notre Dieu, qui n’est pas insensible à ce que vivent ses enfants, à ce qu’ils souffrent, à ce qu’on leur inflige…
Mais cette qualité de compassion et d’identification ne le conduit pas à condamner sans appel le persécuteur. Dieu reste solidaire du persécuteur. Ainsi, Saul est rejoint dans sa violence… et est questionné dans ses intentions : « pourquoi ? »

(v. 5-6) « ‘Qui es-tu, Seigneur ?’ demanda-t-il. Et lui : ‘Je suis Jésus que tu persécutes. Mais relève-toi, entre dans la ville, et l'on te dira ce que tu dois faire’ »
Saul perçoit l’origine supérieure de cette voix et la questionne : « Qui es-tu, Seigneur ? ».
La déclaration « Je suis Jésus que tu persécutes » n’est pas accusatrice. Elle ne vise pas à anéantir Saul, mais elle le met debout : « relève-toi » (forme d’anistèmi). C’est un verbe de résurrection…
Cela rappelle toutes les invitations de Dieu dans le Premier Testament, par la voix de ses prophètes : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant - oracle du Seigneur YHWH - et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? » (Ez 18, 23).
Le persécuteur est dépouillé de ses armes. Il est invité à se laisser guider…
Et Dieu engage les hommes comme collaborateurs de son œuvre. S’Il a accompli la première étape de la création, les êtres humains sont appelés à être co-créateurs.
Dieu créateur d’un « nouveau » Saul et ses compagnons de voyage, co-créateurs.

(v. 7) « Ses compagnons de route s'étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient bien la voix, mais sans voir personne »
Lorsque Dieu se donne à connaître, il rejoint la personne dans son individualité. Chaque appel, chaque vocation est une expérience personnelle. Dans ce récit de vocation, seul Saul est bénéficiaire[3].

(v. 8-9) « Saul se releva de terre, mais, quoiqu'il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. On le conduisit par la main pour le faire entrer à Damas. Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien »
« se relever » (forme d’egeirô) est le deuxième verbe qui exprime la Résurrection.
Les violences perpétrées par Saul ne sont pas le point final de sa carrière. Il est appelé à se relever, à se convertir…
Pour ce faire, trois jours lui sont offerts : trois jours de « désert », de privation de nourriture et de boisson, trois jours de pénitence.
Trois jours symboles de la Passion de Celui qu’il reconnaîtra comme son Seigneur…


Prière :
Cette vocation de Saul nous fait signe dans nos parcours d’hommes et de femmes, parfois bien loin de Toi. Dans sa violence et ses persécutions, tu appelles Saul par son nom, tu lui ouvres un chemin de vie et tu l’invites : « relève-toi ».
Comme tu le fis pour Saul, tu rejoins chacun(e) de nous sur son chemin aujourd’hui et tu lui offres une Espérance.
Pour que Ton appel nous trouve disponibles, Seigneur, envoie ton Esprit !
Amen
sr Marie-Jean


[1] Ac 18, 25 : « Il avait été instruit de la Voie du Seigneur, et, dans la ferveur de son âme, il prêchait et enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus » ; 18, 26 : « Priscille et Aquilas, qui l'avaient entendu, le prirent avec eux et lui exposèrent plus exactement la Voie » ; et dans la bouche de Paul, en 22, 4 : « J'ai persécuté à mort cette Voie, chargeant de chaînes et jetant en prison hommes et femmes ».
[2] Par exemple, Abraham : « Mais l'Ange de YHWH l'appela du ciel et dit : Abraham ! Abraham ! Il répondit : Me voici ! » (Gn 22, 11) ; Moïse : « YHWH vit qu'il faisait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson. Moïse, Moïse, dit-il, et il répondit : Me voici » (Ex 3, 4) ;…
[3] Cette vocation de Saul est aussi racontée dans les chapitres 22 et 26 des Actes des Apôtres.

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