Jean 1, 1-18 Liturgie de la Parole 25 décembre jour
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Frères et sœurs, bienvenue à cette célébration de Noël, à cette messe du jour. Hier soir nous avons déjà célébré noël dans ce que l’on appelle la messe de la nuit. Notre démarche était un petit peu semblable à celle des bergers qui s’en sont allés, un peu émerveillés par la révélation des anges, vers cet enfant de Bethléem, et nous avons essayé de participer, de communier à leur joie et à leur état d’esprit du moment.
Ce matin c’est la messe du jour. Ce sont d’autres lectures que la liturgie nous propose, et elle nous invite à prendre un peu de recul par rapport à cette naissance de Jésus à Bethléem. Bien sûr, nous gardons l’émerveillement des bergers, mais nous sommes invités aussi à essayer d’entrer un peu plus en profondeur dans la compréhension de ce don extraordinaire, inouï, que Dieu nous fait : le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous, il est devenu l’un d’entre nous pour que nous puissions avoir accès à la lumière de Dieu.
Au début de cette célébration, essayons d’ouvrir nos cœurs et nos esprits à ce don incroyable que Dieu veut nous faire : son amour, sa lumière, son pardon, sa propre vie.
Homélie
Frères et sœurs, dans les années 70, un philosophe allemand du nom de Hans Jonas a écrit un gros livre pour essayer de conscientiser un petit peu les gens de la nécessité de respecter un petit peu la nature et de prendre conscience aussi de leurs responsabilités à l’égard des générations futures. Bon, maintenant c’est un petit peu une tarte à la crème, dirai-je, mais à l’époque c’était extrêmement novateur. Et à l’appui de son plaidoyer, en quelque sorte, pour cette attention à l’environnement et aux générations futures il proposait dans le fond à ses lecteurs une expérience de pensée.
Comment réagiriez-vous, que ressentiriez-vous, disait-il, si subitement quelqu’un s’approchait de vous et vous déposait, sans autre forme de procès, un nouveau-né dans les bras et puis partait vite sans demander son reste ? Ce serait évidemment extrêmement surprenant pour vous, et puis vous vous demanderiez : mais qu’est-ce qui m’arrive, qu’est-ce que c’est ? etc. Peut-être vous essayeriez de rejoindre cet homme, et ce n’est pas possible, vous restez avec cet enfant, pour ainsi dire, sur les bras. Et alors, il y aurait certainement des tas d’émotions et qui en quelque sorte vous viendraient au cœur et à l’esprit. Peut-être de la gêne, peut-être un vrai désarroi, peut-être aussi de la tendresse pour ce bébé, peut-être aussi de la compassion, peut-être un souci : ô mon Dieu, mais qu’est-ce que je vais faire ?
Et en même temps que vous seriez traversés par toutes sortes d’émotions un peu contradictoires, petit à petit émergerait le sentiment que vous avez une certaine responsabilité à l’égard de cet enfant. Il est complètement vulnérable, complètement dépendant si on ne fait rien , il va mourir. Il est peut-être silencieux en train de dormir, il est peut-être en train de pleurer etc., peu importe, mais par sa mimique, il vous dit de façon très, très éloquente : ne m’abandonne pas, ne me laisse pas, prends soin de moi, je voudrais vivre moi aussi.
Alors vous allez sans doute essayer de le confier à un service adéquat, peut-être aller à l’hôpital, ou le confier à un service social, que sais-je ? Mais imaginons que ça ne marche pas, et bien, petit à petit vous vous diriez : eh bien, il faut que je me débrouille, il faut que je prenne cet enfant en charge. Toute autre réaction, sauf circonstances toutes à fait exceptionnelles, serait un manque total d’humanité.
Pourquoi est-ce que je narre ce propos de cette expérience ? Et bien, parce qu’il dit dans le fond : les générations futures, elles sont un peu comme ce petit enfant. Elles sont aussi complètement dépendantes de nous finalement. Si nous ne prenons pas la responsabilité de maintenir un monde qui leur permette de mener une vie décente, elles ne viendront peut-être même pas au jour ou elles mourront comme cet enfant s’il est délaissé.
Et la nature, c’est un petit peu la même chose. Dans le premier âge de l’humanité, elle était menaçante et très puissante et on se sentait tout petit devant elle, mais avec le fameux progrès des sciences, des techniques etc. ce rapport s’est complètement inversé. Maintenant c’est la nature qui est vulnérable, dépendante de l’homme et qui nous demande, si nous savons écouter son message : protège-moi, garde-moi, prends soin de moi.
Cette histoire peut vous paraître un peu farfelue, mais dans le fond, est-ce que ce n’est pas ça qui se joue à Noël ? est-ce que ce n’est pas le tour que nous joue Dieu ? Le tour qu’il joue à l’humanité de lui confier un petit enfant, où Dieu a mis tout son amour, son Fils bien-aimé ? Dieu a vidé, pour ainsi dire, sa puissance, sa force, sa gloire, pour venir parmi nous, pour être présent dans le monde à travers ce petit enfant complètement dépendant et vulnérable. C’est quelque chose de tout à fait inouï.
François d’Assise ne cessait de s’émerveiller devant ce mystère de la naissance de Dieu parmi nous, de la naissance de jésus. C’est lui qui d’ailleurs, vous le savez, est l’inventeur des crèches. Et François disait : si Dieu se fait homme, je comprends qu’il va prêcher, qu’il va faire des miracles, je comprends même qu’il va passer par la croix etc. Ça je peux le comprendre. Mais qu’il se fasse homme, l’un d’entre nous sous la forme d’un tout petit enfant, ça c’est quelque chose dont je ne ferai jamais le tour et dont je m’émerveillerai toujours. C’est en quelque sorte une folie de Dieu, une folie d’amour.
Mais, tout en étant une folie aux yeux des hommes, est-ce que cette démarche de Dieu n’est pas en même temps, empreinte d’une grande sagesse. Car après tout, il cherche vraiment à nouer une alliance avec toute l’humanité, pas seulement avec le peuple Juif, mais à travers l’humanité tout entière et est-ce qu’un petit enfant n’est pas, en quelque sorte, l’instrument le plus adéquat ? Qui a peur d’un enfant ? Qui craint un enfant ? Personne, à part peut-être les tyrans sanguinaires comme Hérode, qui craignent pour leur pouvoir et qui vont chercher à le faire mourir.
Et puis un enfant, un tout petit, peut aussi obtenir des adultes qui l’entourent des choses étonnantes ! Qui ne se lèverait pas, ne serait-ce que quatre, cinq fois au cours d’une nuit pour aller réconforter un enfant qui pleure, un enfant malade, un enfant qui a peur du noir, que sais-je ? On est capable de faire pour un tout petit des choses qu’on ne ferait pour personne d’autre.
Et donc Dieu espère à travers le sourire et cette demande muette d’amour, d’affection, de soins qu’émet l’enfant de Bethléem, il espère forcer, mais très doucement, très tendrement, la porte de notre cœur pour s’y établir et pour y faire vraiment sa demeure.
Alors, frères et sœurs, j’ai envie de dire : et bien, la balle est dans notre camp, qu’est-ce que nous faisons ? Nous sommes venus, nous avons fêté Noël en famille, sans doute hier, ou avec des amis, nous sommes venus à la célébration de Noël aujourd’hui, tout cela est très beau. Mais Dieu, dans le fond, nous pose la question : Est-ce que tu veux bien prendre soin de ma présence fragile et vulnérable dans le monde ? Est-ce que tu veux bien, avec les moyens qui sont les tiens, la prendre en charge pour qu’elle puisse grandir, pour qu’elle puisse s’authentifier, pour qu’elle puisse se répandre à travers le monde entier, pour qu’elle puisse sauver le monde, pour qu’elle puisse te sauver toi ?
Frères et sœurs nous sommes placés devant un choix, le choix, soit de la lumière, soit des ténèbres. Nous savons bien que la lumière brille dans les ténèbres, mais les ténèbres existent malheureusement. Certains prennent ce chemin-là, ferment les yeux, ferment leur cœur à cette invitation à l’amour et à la communion que Dieu leur lance. Frères et sœurs, ne soyons pas évidemment de ceux-là, soyons de ceux qui acceptent cette responsabilité d’être porteurs de cette présence de Dieu dans le monde. Prenons la responsabilité de la faire grandir, de la servir, d’en être les témoins. Accueillons cette lumière qui se dégage de l’enfant de la crèche, devenons réellement des enfants de lumière. Devenons, un peu comme Jean-Baptiste, des témoins de cette Lumière, avec un grand L, qui veut éclairer tout homme qui vient dans le monde.
Père Jean-Michel Counet, Hurtebise le 25 décembre 25
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