mercredi 24 décembre 2025

2 Samuel 7,1-5.8b-12.14a.16 Liturgie de la parole 24 décembre 25 (12h)

Homélie

Il y a manifestement chez Dieu, ou en tout cas chez son prophète, puisque c'est Nathan qui parle en son nom, il y a manifestement des réticences à l'idée de ce temple que David, le roi, projetait de construire.  On peut comprendre ces réticences exprimées par le prophète : Est-ce que Israël en construisant comme cela un temple pour son Dieu, qui serait d'ailleurs une sorte de chapelle royale, une annexe au palais en définitive, c’est bien de cela dont il est question, est ce que Israël ne va pas imiter d'une façon excessive les peuples païens des alentours ?
Est-ce que ce ne sera pas aussi l'occasion pour le roi de mettre, pour ainsi dire, la main sur la religion yahviste et de prétendre de cette façon-là, sous couvert d’honorer la divinité, de mettre en réalité leur main sur lui et de l'instrumentaliser.
Nathan, manifestement, a en tête, en autre modèle, c'est celui de l'Arche d'Alliance. L’Arche d’Alliance au départ, c’est un simple autel portatif en fait, que les tribus d'Israël leurs pérégrinations, notamment dans le désert, et bien portaient , transportaient. Le Dieu de l'Arche d'Alliance est un Dieu en marche, un Dieu itinérant, un Dieu pèlerin pour ainsi dire. Il ne se fixe pas dans un endroit mais parcourt, pour ainsi dire, le monde et en tout cas de grandes contrées. C'est en quelque sorte le Dieu de la promesse. C'est ce Dieu-là qui réclame des adorateurs comme Abraham qui lui-même d'ailleurs, il était sans cesse nomade
Et l'épître aux Hébreux dit à propos d’Abraham, quand il entendit l’appel de Dieu, « quitte ton pays quitte ta parenté, la maison de ton père pour le lieu que je t’indiquerai » (Genèse 12), l'Épître aux Hébreux dit Abraham partit sans savoir où il allait. (Hébreux 11,8). C'est toujours le jour que Dieu lui indiquait la route à suivre et les endroits où il devait séjourner. 
Et finalement quand on y réfléchit bien, est-ce que est-ce que Noël ce n'est pas un ce Dieu là aussi ? Finalement, cette crèche est manifestement un abri de fortune si vous voulez. Mais c'est là que le Christ, dans cet environnement improbable, dans cette maison qu'il en est absolument pas une, c'est là que finalement Dieu se fait homme. 
Saint-Jean, en parlant de l’Incarnation, dira : le Verbe a planté sa tente parmi nous (Jean 1,14) ça bien ce que ça veut dire, la tente, c’est quelque chose que l’on peut déplacer un petit peu selon les nécessités et selon les besoins. Est-ce que nous ne voyons pas d'ailleurs Jésus dans l’Évangile, qui est évidemment le vrai temple, être cesse en mouvement parcourir inlassablement la Galilée, les passages fréquents en Samarie, la Judée, etc.
Quelle est, quelle est la raison profonde, finalement, de cette errance perpétuelle de Jésus et de ses disciples ? Et on sait bien que on sait très bien que quand les gens veulent mettre la main sur Jésus, hein, le garder près de lui et il s'échappe toujours. Pensez à la multiplication des pains au bord du lac. Les gens veulent, à la limite, s’emparer de lui, finalement pour en faire leur roi et Jésus parvient à s’échapper (Jean 6,14-15). La même chose après cette soirée de guérisons à Capharnaüm, les gens le cherchent partout.  Mais Jésus demande à ses disciples d’aller ailleurs, parce que dit-il, je dois aller annoncer la parole là aussi (Marc 1,35-38).
Frères et sœurs, nous le savons les vrais temples de Dieu,  ce sont les êtres humains, notamment bien entendu la dynastie davidique ici, qui va, bien entendu, aboutir au Christ, 
c'est de lui dont il est question, tout le monde s’en rend compte.
Mais c'est pas seulement la fraternité, la maison de David selon la chair, ce sera par après, bien  entendu, des hommes et des femmes qui se reconnaissent comme disciples du Christ.
Ce sont des filiations spirituelles, à partir de ce moment-là, d de petits groupes, des communautés, l'Église tout entière. 
Précisément, quelle Église voulons-nous ? Est-ce que c'est une Église formalisée par des mouvements majestueux, de grandes basiliques, etc. imposante, qui donne une certaine image de Dieu, il faut bien le dire. Ou bien finalement des lieux plus humbles, si vous voulez, qui soient aussi plus à la mesure de ce que nous sommes vraiment, des accueils simples où nous sentons recueillis, accueillis, où nous sentons, finalement, davantage peut-être chez nous.
Je vais vous raconter une anecdote. Quand j'étais jeune prêtre, j'avais terminé mon service militaire, et voilà que celui qui était encore l'abbé Léonard m’appelle et me dit : Voilà, on avait construit un collège pour les prêtres. De quoi accueillir des prêtres étrangers ou belges qui continuaient leurs études à Louvain la Neuve, en théologie, en philo, ailleurs. Et voilà, on venait de terminer ce bâtiment, il était prêt à accueillir, ses premiers occupants. Et l’abbé Léonard m’a demandé : est-ce que tu veux bien être , ce que tu veux bien, le premier régent de cette communauté. J’étais un peu saisi de ce qui me tombait dessus, etc. et je lui dit : Oui, c'est pas de problème.
Et ça a été au début une aventure on était une vingtaine, des Africains, des Sud-américains, des Belges, et cetera. Il y avait notamment parmi nous des compagnons de la première, quelqu'un que vous connaissez bien, c'était Guy Baleas, qui était encore que diacre au début de cette aventure et qui été ordonné prêtre par après. Et alors ce qui est un petit peu cocasse c'est que le bâtiment n'était pas encore complètement terminé. C'est souvent le cas. Il fallait déjà entrer dedans puisque l'année académique commençait. Et notamment il n’y avait pas de chapelle. Les chambres étaient prêtes etc. les salles de séjour, beaucoup de problèmes pour régler les chaudières, je vous passe les détails. Mais il n’y avait pas encore de chapelle. C’était un petit peu gênant pour un collège de prêtres.  Et alors on célébrait les Eucharisties, si vous voulez un petit peu sur le pouce, si je puis dire, dans les salles de séjour, dans les salles à manger finalement, et après on avait des agapes, un peu comme les chrétiens des premiers siècles. Et alors c’était dans un inconfort presque total, j’ai envie de dire, et ce qui était curieux, tout le monde était au rendez-vous et il y avait beaucoup de ferveur dans ces Eucharisties célébrées dans un lieu aussi improbable, tout le monde en gardait par après un excellent souvenir de cette période du début, si vous voulez, nous célébrions avec les moyens du bord, mais la grâce passait. Et après la chapelle a fini par être terminée et tout le monde se disait : oh ça va. Et puis on a vu petit à petit la piété dans la communauté diminuer etc. un absentéisme dans les célébrations, c’était vraiment étrange. Exactement l’inverse de ce qu’on aurait cru finalement. Mais c’est pas si rare que ça. On entend parfois, vous savez quand dans une paroisse ou l’autre l’église brûle ou alors que l’église en peut plus être occupée. Et on se dit : vraiment, quel drame pour la communauté etc. Et souvent, paradoxalement, la communauté se met à se réunir dans des maisons, ou alors des lieux de fortune et parfois, de façon étonnante, la piété la ferveur, augmente. Et parfois quand on réintègre les bâtiments, rénovés souvent à grands frais, et bien, cette proximité qu’on ressentait avec Dieu, avec les autres, s’évapore et c’est de nouveau une certaine tiédeur qui envahit, pour ainsi dire, les uns et les autres. Méfions-nous parfois par ce qui apparaît comme de bonnes idées mais qui sont un peu, dans l’Église, de fausses bonnes idées. On croit que ah, ça va apporter, ça va être mieux. Mais n’oublions pas que nous sommes disciples d’un Dieu qui disait : « autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes pensées, fils des hommes sont élevées au-dessus des vôtres » (Isaïe 55,9). Et certes Dieu envoie sa Parole parmi nous et il espère, bien entendu, en recueillir beaucoup de fruits, et lui seul sait en définitive par quels moyens, par quels méandres, sa Parole va toucher les cœurs et porter le fruit qu’elle mérite.

Père Jean-Michel Counet, Hurtebise 24 décembre matin 2025 


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