(Rosy)
Les
deux textes qui nous sont offerts aujourd’hui sont la suite immédiate de ceux
de hier : le récit du déluge et la prédication de Jésus en Marc. Il me
fallait donc choisir… entre les oiseaux et les arbres…
Pourtant,
dans ces deux récits apparemment très éloignés l’un de l’autre, apparaît un
thème commun interpellant : celui que j’appellerais la politique des
petits pas, de la progression par échecs et erreurs, de la reconnaissance des
limites… Mais, si cela est assorti de patience, persévérance, fidélité, alors,
au bout, il y a la renaissance, la vie.
Peut-être
cette clé peut-elle accompagner notre écoute de ces beaux textes.
Mais
chantons d’abord les psaumes.
Sur
notre route, nombreux sont les semi-échecs, les semi-réussites, les limites qui
font que nous devons nous y reprendre encore et encore.
Voilà
qui est clairement souligné dans le passage du récit du déluge que nous venons
d’entendre.
Si
vous permettez que j’entre dans l’esprit du mythe, le premier à s’être trompé,
c’est le Créateur lui-même ! Sa création était « bonne »,
la création de l’humain était « très bonne ». Et voilà que
tout a déraillé au point que Dieu a – quasi – détruit toute son œuvre. Et qu’il
s’en repend : « Jamais plus je ne maudirai le sol… jamais plus je
ne frapperai tous les vivants. » Ouvrant ainsi la voie à la
re-naissance et à la progression de l’humanité.
Restons
dans le récit du déluge et arrêtons-nous à la mission donnée aux oiseaux. On ne
sait pas combien le corbeau fit d’aller et retour ; les traductions de
cette expression varient beaucoup mais celle de notre texte liturgique implique
qu’il fit preuve de beaucoup de patience, de persévérance, de fidélité. Quant à
la colombe, nous lisons que Noé l’envoya par trois fois et qu’elle ne disparut
qu’après avoir accompli sa mission.
Car le
but de tant d’efforts et de patience,– et on pourrait reprendre tout le récit
du déluge – est bien la Vie, le salut. Au bout des échecs et des limites, il y
a bien le renouveau.
Cela
fut clairement exprimé dans l’expression « Le moment de Noé » du pape François
dans l’ouvrage « Un temps pour changer » publié en 2020. Il désignait ainsi la
crise du Covid vue par beaucoup comme
une étape pour l’humanité, un moment de rupture avec le monde d’avant.
Cette
formule me paraît particulièrement opportune en ces temps où chacun s’interroge
sur « le monde d’après ».
Que
nous considérions les crises traversées par l’humanité, ou tous les obstacles
que nous rencontrons, toutes les ornières au bord de nos routes, il y a la
promesse d’un monde nouveau que nous redit le Seigneur.
Ainsi, bien sûr, dans la péricope évangélique. Qu’est-ce qui fait le propre de cette guérison ?
Je
relèverai trois points :
- D’abord,
il y a beaucoup plus de gestes que de paroles, et Jésus fait beaucoup plus que
ce qu’on attend de lui. Aucune demande, aucune référence à la foi, aucun ordre.
- 2e point, il conduit l’homme à l’écart, il le guide lui-même par la main, prenant en quelques sortes le relais des gens qui l’ont amené. Ils sont seuls, à l’écart : aucun témoin ! Ce qui est peut-être un cas unique. Et puis, il y a cette question, unique elle aussi : « Aperçois-tu quelque chose ? ». Jésus connait chacun, il sait qu’il ne peut pas encore dire à cet homme « Ta foi t’a sauvé ». Il sait qu’il y a encore en lui bien des obstacles, bien des doutes. Alors, il patiente, il pose une question. Pas une question de reproche comme celles qui ont déferlé hier : rappelons-nous : « Pourquoi discutez-vous ? Vous ne saisissez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Vous avez le cœur endurci ? Vous ne vous rappelez pas ? » Non, une question pour que l’homme regarde ! « Aperçois-tu quelque chose ? ». L’homme leva les yeux, dit notre traduction, il ouvrit les yeux, dit l’ancienne traduction liturgique, il regarda disent la plupart des autres bibles. Donc, avant la question de Jésus, l’homme de voyait pas, mais il ne regardait pas non plus ! Et maintenant, il voit, mais de façon tronquée, étrange. Le symbole des arbres est magnifique mais nous entrainerait trop loin. Observons plutôt la réaction de Jésus : ni déception, ni reproche, ni conseil du style « tu peux le faire, tu vas y arriver ! » Non, sa réaction est de donner encore, de reproposer un geste - l’imposition des mains - qui amènera la transformation à son but. La perfection de la guérison est répétée trois fois : « il se mit à voir normalement, il se trouva guéri, il distinguait tout avec netteté ».
Cet aboutissement dans une certaine perfection est d’ailleurs bien présent dans le récit du déluge : non seulement la colombe revient, mais elle revient avec un rameau d’olivier, et ce rameau est tout frais.
Je
voudrais enfin souligner un mouvement présent dans les deux récits. Il y a d’abord
une situation de retrait : Moïse seul avec sa famille sur l’immensité
inondée, l’aveugle seul avec ses amis dans la foule, puis amené à l’écart par
Jésus. Après la transformation, on passe du retrait au retour au quotidien.
Moïse et sa famille vont reprendre leur travaux : « Noé,
homme de la terre, fut le premier à planter la vigne » nous
apprend le chapitre suivant.
Et
l’ancien aveugle est encore plus clairement envoyé chez lui : « Jésus le
renvoya dans sa maison en disant : « Ne rentre même pas dans le village. »
Nous savons que le Seigneur nous y accompagne. Qu’il ouvre nos yeux devant les déluges de notre temps et veille sur nous
Notre
Père
Dieu
notre Père, tu veilles sur tes enfants et les combles de tes dons. Tous ensemble, nous nous tournons vers toi.
Nous
te prions, toi, le Dieu fidèle : tu vois nos faiblesses, nos hésitations, nos
doutes, tous nos aveuglements. Mais tu ne renieras jamais ton alliance, telle
que tu l’as redite tout au long de l’histoire de ton peuple. Donne-nous de
croire en ta promesse et d’accueillir tes dons chaque jour.
Nous
te le demandons, à toi qui vis avec Jésus ton fils et l’Esprit Saint,
aujourd’hui et pour toujours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire