(Isabelle Halleux)
Aujourd’hui,
c’est fête à Lourdes ! ll y a 31 ans, saint Jean-Paul II instituait la
Journée Mondiale du Malade pour sensibiliser le peuple de Dieu, les
institutions sanitaires catholiques et la société civile à l’attention envers
les malades et envers tous ceux qui prennent soin d’eux. La pandémie a réveillé
chez nous cette attention. Prions aussi pour les accompagnateurs de malades
quels qu’ils soient : médecins, infirmières, aides à domicile, familles,
amis. « En célébrant les apparitions
de Lourdes, lieu choisi par Marie pour manifester sa sollicitude maternelle
envers les malades », disait Benoît XVI, « la liturgie re-propose justement le Magnificat (…) qui n’est pas
le cantique à qui sourit la fortune. Il est le merci de ceux qui connaissent
les drames de la vie et mettent leur confiance dans l’œuvre rédemptrice de Dieu
» (Benoît XVI, 11/2/2010). Nous y penserons particulièrement dans nos
intentions et en chantant ce cantique ce soir.
Il
est souvent question de manger, ces temps-ci, dans les lectures ! Nous en sommes
au chapitre 3 de la Genèse, là où Adam et Eve mangent la pomme. Enfin… ils ne
s’appelaient pas encore ni Adam ni Eve, et la pomme n’était pas une pomme. Mais
vous voyez ce dont je parle. Peut-être y a-t-il une autre leçon à retenir de
cet épisode : celle de la pédagogie de Dieu – j’y reviendrai tout à
l’heure.
L’Evangile
du jour titre « Les gens mangèrent et furent rassasiés ». Les pains
se donnent, se partagent. Les petits poissons aussi. Le miracle de la
fraternité et de la communauté sans doute, avec une allusion au rite et, déjà, à
la dernière cène.
Commençons
donc par les primi piatti, mettons-nous en prière avec le chant des psaumes.
Méditation
Soeur
Marie Raphaël terminait sa réflexion sur Genèse 2 en disant : « Dieu nous donne la liberté de le découvrir
par nous-mêmes (le : le message du récit des origines). Il fait nous confiance. Il en appelle à
notre intelligence. La suite du récit montrera que c’est un vrai
défi ! ». En effet ! Je ne vais pas m’attarder sur les
faits, que vous connaissez bien mais, comme annoncé, mais sur la pédagogie déployée
par Dieu.
Dans le
texte (Gn 2, 9-24) que nous venons d’entendre, Dieu engage la conversation avec
l’homme : « Où es-tu ? ».
Il aurait pu dire : « Ca va pas la tête ? Qu’est-ce que
j’avais dit ? » Ou « Mais comment as-tu pu tomber si
bas ? » Mais non : pas de reproche. Une simple question : « Où es-tu ? ».
« J’ai
entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me
suis caché. », répond l’homme. J’ai eu peur de toi, je te
crains – nous savons que le mot crainte exprime la conscience que Dieu existe.
J’ai pris peur parce que je suis nu, parce que cet aspect de moi, je ne peux
pas le gérer et je le sais. Et je me suis caché. En hébreu, le verbe « se
cacher » est le même celui pour « chérir, aimer ». L’homme retourne
à son point intérieur, il reconnaît sa faiblesse et en même temps son amour
pour Dieu qu’il connaît et qu’il chérit. Par
une simple question, Dieu l’a rendu vivant.
Dieu
continue à l’interroger : « Qui
donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais
interdit de manger ? ». Qui donc t’a dit ? Qui t’a fait
prendre conscience que tu étais nu ? Cette question éveille la conscience de l’homme ; cela lui permet d’aller
encore un peu plus loin : découvrir
la présence en lui-même pour se positionner, définir sa place et l’occuper.
Et
là, bam ! L’homme répond : « La
femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre. » Avouez
que c’est dur, pour Dieu : la femme que TU m’as donnée... Serait-ce un
reproche ? Ne vous y trompez pas : l’hébreu dit « c’est IL
qui m’a donné du fruit » et non pas « c’est ELLE qui m’a donné du
fruit »[1].
Le masculin est utilisé pour dire le don, la tendresse, l’abondance. Soyons donc
positifs et pensons que l’homme était de bonne foi, qu’il avait confiance en
elle. Et qu’elle lui donnait le fruit par tendresse, par amour. A peine créés,
déjà un bon petit couple…
Le
Seigneur dit à la femme : « Qu’as-tu
fait là ? ». Il interroge
la femme, simplement. Elle répond : « Le serpent m’a trompée, et
j’ai mangé. ». Au- delà de son amour pour l’homme, la femme reconnaît
l’influence du serpent. J’ai mangé, je mange et je mangerai encore… le temps
hébreu qu’on n’a pas en français… Elle porte un regard critique sur son propre
comportement et peut entrer ainsi dans un processus de repentir - la « Techouva » disent les juifs.
Dans sa pédagogie, Dieu ne s’adresse pas au serpent. Il ne
donne pas la voix à celui qui rompt l’harmonie des valeurs, notamment à celui
qui donne des pulsions de mort. On pourrait en parler…
S’ensuit
une série de « transformations » pour tout le monde : serpent,
homme, femme et terre comprise. Cela peut sembler un peu difficile à accepter
venant de Dieu, mais ne serait-ce pas simplement la perte de la transfiguration,
par l'Amour de Dieu, de notre quotidien banal ? Avant la transgression,
cet Amour transfigurait tout. Maintenant, l’homme et la femme reçoivent ces
transformations en miroir : souffrance dans la sexualité, dur
labeur pour chacun et mort, un miroir indispensable pour leur permettre d’être présents à eux-mêmes mais aussi l’un à
l’autre.
Vous avez compris que la pédagogie de
Dieu, c’est de nous interpeler doucement et de nous donner, en confiance, la
liberté de re-découvrir les choses par nous-mêmes. Le premier expérimentateur
de la méthode, c’est l’homme, « l’être vivant » qui a été modelé par
Lui, et avec l’homme « l’aide qui
lui correspondra » : la femme. Le Seigneur est alors satisfait :
« Voilà que l’homme est devenu comme
l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! » (Gn 3,
22).
A la fin
de notre épisode, l’homme appela « sa » femme « Eve, la
vivante ». Il faudra attendre Genèse 4 (Gn 4, 25), Abel et Caïn, la
« consommation du mal » pour
qu’on découvre que lui s’appelle Adam. Adam, l’homme, l’humanité tout entière.
A suivre …
Notre Père
Avec
Jésus, redisons les mots qu’il a utilisés pour parler à son Père…
Prière finale
Seigneur,
tu as mis Adam et Eve en situation de
cueillir le fruit de l’arbre de vie, d’en manger et d’en vivre éternellement.
De la terre où nous vivons, aide-nous à créer ton Royaume en assumant nos
difficultés, nos souffrances, nos infidélités. Aide-nous à vivre la liberté que
tu nous as donnée et à discerner le bien du mal pour mieux accomplir nos
destinées. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint Esprit, maintenant et pour toujours.
[1] On
peut discuter sur la traduction de homme-femme, ish-ishisha, il-elle – cfr.
Isabelle Cohen, akadem.org
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