samedi 11 février 2023

Liturgie de la Parole, 5e samedi TO

(Isabelle Halleux)

 Introduction

Aujourd’hui, c’est fête à Lourdes ! ll y a 31 ans, saint Jean-Paul II instituait la Journée Mondiale du Malade pour sensibiliser le peuple de Dieu, les institutions sanitaires catholiques et la société civile à l’attention envers les malades et envers tous ceux qui prennent soin d’eux. La pandémie a réveillé chez nous cette attention. Prions aussi pour les accompagnateurs de malades quels qu’ils soient : médecins, infirmières, aides à domicile, familles, amis. « En célébrant les apparitions de Lourdes, lieu choisi par Marie pour manifester sa sollicitude maternelle envers les malades », disait Benoît XVI, « la liturgie re-propose justement le Magnificat (…) qui n’est pas le cantique à qui sourit la fortune. Il est le merci de ceux qui connaissent les drames de la vie et mettent leur confiance dans l’œuvre rédemptrice de Dieu » (Benoît XVI, 11/2/2010). Nous y penserons particulièrement dans nos intentions et en chantant ce cantique ce soir.

Il est souvent question de manger, ces temps-ci, dans les lectures ! Nous en sommes au chapitre 3 de la Genèse, là où Adam et Eve mangent la pomme. Enfin… ils ne s’appelaient pas encore ni Adam ni Eve, et la pomme n’était pas une pomme. Mais vous voyez ce dont je parle. Peut-être y a-t-il une autre leçon à retenir de cet épisode : celle de la pédagogie de Dieu – j’y reviendrai tout à l’heure.

L’Evangile du jour titre « Les gens mangèrent et furent rassasiés ». Les pains se donnent, se partagent. Les petits poissons aussi. Le miracle de la fraternité et de la communauté sans doute, avec une allusion au rite et, déjà, à la dernière cène.

Commençons donc par les primi piatti, mettons-nous en prière avec le chant des psaumes.

 

Méditation

Soeur Marie Raphaël terminait sa réflexion sur Genèse 2 en disant : « Dieu nous donne la liberté de le découvrir par nous-mêmes (le : le message du récit des origines). Il fait nous confiance. Il en appelle à notre intelligence. La suite du récit montrera que c’est un vrai défi ! ». En effet ! Je ne vais pas m’attarder sur les faits, que vous connaissez bien mais, comme annoncé, mais sur la pédagogie déployée par Dieu.

Dans le texte (Gn 2, 9-24) que nous venons d’entendre, Dieu engage la conversation avec l’homme : « Où es-tu ? ». Il aurait pu dire : « Ca va pas la tête ? Qu’est-ce que j’avais dit ? » Ou « Mais comment as-tu pu tomber si bas ? » Mais non : pas de reproche. Une simple question : « Où es-tu ? ».

 « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. », répond l’homme. J’ai eu peur de toi, je te crains – nous savons que le mot crainte exprime la conscience que Dieu existe. J’ai pris peur parce que je suis nu, parce que cet aspect de moi, je ne peux pas le gérer et je le sais. Et je me suis caché. En hébreu, le verbe « se cacher » est le même celui pour « chérir, aimer ». L’homme retourne à son point intérieur, il reconnaît sa faiblesse et en même temps son amour pour Dieu qu’il connaît et qu’il chérit. Par une simple question, Dieu l’a rendu vivant.

Dieu continue à l’interroger : « Qui donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger ? ». Qui donc t’a dit ? Qui t’a fait prendre conscience que tu étais nu ? Cette question éveille la conscience de l’homme ; cela lui permet d’aller encore un peu plus loin : découvrir la présence en lui-même pour se positionner, définir sa place et l’occuper.

Et là, bam ! L’homme répond : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre. » Avouez que c’est dur, pour Dieu : la femme que ­TU m’as donnée... Serait-ce un reproche ? Ne vous y trompez pas : l’hébreu dit « c’est IL qui m’a donné du fruit » et non pas « c’est ELLE qui m’a donné du fruit »[1]. Le masculin est utilisé pour dire le don, la tendresse, l’abondance. Soyons donc positifs et pensons que l’homme était de bonne foi, qu’il avait confiance en elle. Et qu’elle lui donnait le fruit par tendresse, par amour. A peine créés, déjà un bon petit couple…

Le Seigneur dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? ». Il interroge la femme, simplement. Elle répond : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. ». Au- delà de son amour pour l’homme, la femme reconnaît l’influence du serpent. J’ai mangé, je mange et je mangerai encore… le temps hébreu qu’on n’a pas en français… Elle porte un regard critique sur son propre comportement et peut entrer ainsi dans un processus de repentir -  la «  Techouva » disent les juifs.

Dans sa pédagogie, Dieu ne s’adresse pas au serpent. Il ne donne pas la voix à celui qui rompt l’harmonie des valeurs, notamment à celui qui donne des pulsions de mort. On pourrait en parler…

S’ensuit une série de « transformations » pour tout le monde : serpent, homme, femme et terre comprise. Cela peut sembler un peu difficile à accepter venant de Dieu, mais ne serait-ce pas simplement la perte de la transfiguration, par l'Amour de Dieu, de notre quotidien banal ? Avant la transgression, cet Amour transfigurait tout. Maintenant, l’homme et la femme reçoivent ces transformations en miroir : souffrance dans la sexualité, dur labeur pour chacun et mort, un miroir indispensable pour leur permettre d’être présents à eux-mêmes mais aussi l’un à l’autre.

Vous avez compris que la pédagogie de Dieu, c’est de nous interpeler doucement et de nous donner, en confiance, la liberté de re-découvrir les choses par nous-mêmes. Le premier expérimentateur de la méthode, c’est l’homme, « l’être vivant » qui a été modelé par Lui, et  avec l’homme « l’aide qui lui correspondra » : la femme. Le Seigneur est alors satisfait : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! » (Gn 3, 22).

A la fin de notre épisode, l’homme appela « sa » femme « Eve, la vivante ». Il faudra attendre Genèse 4 (Gn 4, 25), Abel et Caïn, la « consommation du mal »  pour qu’on découvre que lui s’appelle Adam. Adam, l’homme, l’humanité tout entière. A suivre …

 

Notre Père

Avec Jésus, redisons les mots qu’il a utilisés pour parler à son Père…

 

Prière finale

Seigneur, tu as mis Adam  et Eve en situation de cueillir le fruit de l’arbre de vie, d’en manger et d’en vivre éternellement. De la terre où nous vivons, aide-nous à créer ton Royaume en assumant nos difficultés, nos souffrances, nos infidélités. Aide-nous à vivre la liberté que tu nous as donnée et à discerner le bien du mal pour mieux accomplir nos destinées. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, maintenant et pour toujours.



[1] On peut discuter sur la traduction de homme-femme, ish-ishisha, il-elle – cfr. Isabelle Cohen, akadem.org

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