(sœur Marie-Raphaël)
Ouverture
Première fratrie, premier fratricide…
L’auteur biblique poursuit sa réflexion sur l’origine
du mal, de la violence, de la mort. Il coule sa réflexion dans un récit :
un récit chargé d’énigmes, qui a le don de nous renvoyer un miroir de notre
propre cheminement. Si nous avions été à la place de Caïn, qu’aurions-nous
fait ? Quand les Pharisiens viennent demander à Jésus un signe venant du
ciel, alors que Jésus vient de réaliser devant eux le signe des pains partagés
à une foule de 4000 personnes… Jésus soupire profondément. Il voudrait tant que
les Pharisiens comprennent ! Quel signe pourrait les convaincre s’ils
refusent de regarder ? En fait, ce n’est pas pour se laisser convaincre
qu’ils demandent un signe, c’est pour le mettre, lui, à l’épreuve. Ne soyons
pas comme eux, à vouloir mettre Jésus à l’épreuve de nos preuves. Ouvrons nos
yeux, ouvrons nos cœurs !
Résonances
Isabelle nous a parlé, samedi, de la pédagogie de Dieu
à l’égard d’Adam et Ève. Aujourd’hui, ça continue avec Caïn. Il y a une épreuve
et Dieu ne semble pas pouvoir empêcher qu’il y ait une épreuve. Mais il met en
garde devant le danger, il essaie de nous prémunir. Peine perdue… Caïn n’écoute
pas le conseil de Dieu qui l’invite à prendre du recul par rapport à son
émotion. Caïn passe à l’acte et tue son frère. Dieu revient vers lui. À Adam,
Dieu avait demandé « où es-tu ? ». À Caïn, Dieu demande :
« où est ton frère ? » La réponse de Caïn est abrupte, comme
s’il renvoyait la faute à Dieu : « je ne sais pas, suis-je le gardien
de mon frère ? »
Que signifie être frère, être gardien ?
Au chapitre 2, quand Dieu avait planté le jardin en Eden, il y avait mis
l’homme pour « le garder et le cultiver ». Garder et cultiver
(ou servir) : voilà les deux verbes de la mission de l’homme au jardin de
la création. On pourrait les traduire par deux concepts modernes : respect
et responsabilité. Caïn a pris pour lui l’un des deux verbes :
cultiver : il est devenu cultivateur, laissant à son frère le soin d’être
berger, de garder le petit bétail. Caïn n’a pas pris le verbe
« garder », et sa réponse à Dieu est donc logique : je ne suis
pas « gardien ». Mais peut-on délaisser l’un des deux verbes sans
courir le risque de les perdre tous les deux ?
Qu’est-ce que garder ? C’est le verbe du berger,
qui prend soin, qui conduit le troupeau, qui surveille. Un verbe de vigilance.
C’est aussi le verbe du veilleur, du guetteur qui se tient sur les remparts de
la ville. Dans le verbe « garder » il y a donc l’idée de
« regarder » attentivement. Il y a aussi l’idée de respecter, de
protéger. Garder, c’est regarder. Si Caïn avait regardé son frère, il
ne l’aurait pas tué ! Mais son frère n’existait pas à ses yeux, son
frère était insignifiant pour lui, et il ne pouvait donc pas supporter que son
frère existe aux yeux de Dieu. Dès lors, la terre crie, et même la relation à
la terre est maudite pour Caïn. Il n’a pas gardé, il ne peut plus cultiver…Car
la relation à la terre et la relation au frère sont inextricablement liées.
N’est-ce pas ce que le pape François a voulu nous dire en publiant ses deux
encycliques ? Laudato si et Fratelli tutti ! Toute la
suite du livre de la Genèse nous parlera de la lente reconstruction de la
fraternité. N’est-ce pas le reflet de notre vie à tous ?
Prière
Père, tu nous aimes chacun d’un amour unique :
apprends-nous, sous ton regard, à êtres frères, sœurs les uns pour les autres,
à être gardiens les uns pour les autres, dans le respect et la responsabilité.
Tu nous confies les uns aux autres : pardonne-nous nos manquements à la
fraternité. Apprends-nous à garder et cultiver la terre de notre maison
commune, afin que chacun y trouve sa juste place et contribue à sa manière à la
rendre plus belle. Ainsi, tu pourras agréer l’offrande de nos vies et nous y
trouverons notre joie.
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