samedi 19 novembre 2022

Liturgie de la Parole, 33e samedi TO

 (Isabelle Halleux)

 Introduction

 Aujourd’hui, nous fêtons Sainte Mechtilde, bénédictine allemande du XIIIe siècle, proche de Sainte Gertrude que nous avons fêtée en ce début de semaine. Mechtilde était reconnue par ses soeurs de Helfta pour « son humilité, sa ferveur et son amabilité qui la faisait rechercher de toutes avec empressement » [1] ! Elle avait une voix magnifique. « Plus d’une fois, elle eut pour son chant mieux que les applaudissements des hommes : ceux de l’Epoux divin à qui seul elle voulait les consacrer. [2] » J’adore cette manière de le dire : « La langue du Moyen Âge a la fraîcheur d’une jeune branche de noisetiers et la luminosité de la craie.[3] »

 Une caractéristique première de Mechtilde, c’était donc le chant et la louange divine.  « Le bien le plus grand et le plus utile auquel l’homme puisse employer sa bouche », disait-elle,  « est la louange de Dieu, et la conversation avec Dieu dans la prière. L’œuvre la plus louable pour les yeux, c’est de répandre des larmes d’amour et la constante lecture de l’Ecriture sainte ; pour les oreilles, c’est d’écouter avec plaisir la parole de Dieu (…) ; pour les mains, ce qui sera le plus fructueux sera de les élever dans une prière pure et d’écrire. Ce qu’il y a de meilleur pour le cœur, c’est d’aimer ardemment et de désirer Dieu de tout son cœur, et de méditer sur lui avec douceur.2 »

 Désir de Dieu, méditation, aimer de tout son corps, de tout son cœur, et louer le Seigneur : voilà le lien avec nos lectures du jour (Ap 11, 4-12) et (Lc 20, 27-40) ! Comme Sainte Mechtilde, mettons tous nos sens en éveil pour notre Seigneur. Louons-le avec les psaumes.

 

Méditation

Voici donc ramené à notre méditation l’évangile du dimanche 6 novembre (Lc 20, 27-40). Cet évangile « tombait bien » : nous sortions d’un samedi en silence, ayant abordé la question de la mort avec le prélude de la 5e suite de Bach et le psaume 87, et nous venions de découvrir la 6e suite, avec la louange au Seigneur par les psaumes 148 (et 8), chantant notre joie de la résurrection. Nous nous sentions tirés du shéol, confiants, heureux, portés par la grâce du Dieu des vivants (Lc 20, 38).

Je vous avoue que, ce dimanche matin-là, j’avais envie de rester sur cela : les bienfaits de la musique, de la lectio, le silence et les partages en petits groupes. Qu’allait donc nous enseigner la lecture patristique pour nous porter davantage au petit matin ? Qu’allait raconter le prêtre sur cet évangile déjà bien médité, partagé, « vécu » ? Eh bien, j’ai été comblée ! J’ai aimé ces relectures du message du Christ, prié par d’autres. Et cela m’a rassurée un peu sur ce que je pouvais encore vous dire aujourd’hui : il y a toujours de l’inattendu et du neuf dans la lectio, et il y a des ponts à faire !

Luc nous dit (Lc 20, 37-38) : « Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il est le Dieu des vivants. Tous en effet vivent pour lui. »

Si Dieu se présente à Moïse comme le Dieu de ses Pères, c’est pour lui dire/lui faire dire que l’alliance avec les Hébreux existe et est vivante pour toujours, que les patriarches sont toujours vivants pour lui, Dieu. Nous pourrions dire aujourd’hui, nous chrétiens, que l’alliance personnelle que Dieu fait avec chacun d’entre nous, par Jésus ressuscité, traverse la mort. « Il nous suscite à la vie, pour un temps sur cette terre, pour toujours dans l'éternité du ciel », disait le Pasteur Joël Hervé Boudja dans son homélie du même 6 novembre[4].

 « Tous en effet vivent pour lui ». Pour lui le Dieu des vivants. C’est la relation à Dieu qui nous rend vivants, qui fonde notre existence par-delà la mort. C’est le désir de Dieu qui oriente le désir des vivants au-delà de la mort. Telle était la conviction de Paul : « Aucun de nous ne vit pour soi-même et aucun de nous ne meurt pour soi-même, si nous vivons nous vivons pour le Seigneur et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. » (Rom.14, 7-8).

Tous vivent pour lui ; pour lui, tous vivent. Pour Dieu, tous sont vivants. Comme Abraham, Isaac, Jacob, chacun et chacune de ceux qui les ont suivi, chacun et chacune d’entre nous, pour toujours. « Et il a tout avantage à ce que nous soyons vivants pour le louer, parce que c’est la louange qui rassemble le ciel et la terre », disait sr Marie Raphaël lors de la retraite.

« La mort ne peut te rendre grâce ni le séjour des morts te louer. Ils n’espèrent plus ta fidélité, ceux qui descendent dans la fosse. Le vivant, le vivant, lui, te loue comme moi, aujourd’hui. Seigneur, viens me sauver. Et nous jouerons sur nos cithares tous les jours de notre vie, auprès de la maison du Seigneur. » (Cantique d’ézéchias (Is 38, 18-19) - AT 23). [5]

Je crois que Sainte Mechtilde nous fait un clin d’œil de là-haut !


 Notre Père

Redisons à notre Père les mots que Jésus nous a appris…

 

Prière finale

« Père très saint, les cieux et la terre, et toutes les créatures n’ont qu’une voix pour célébrer tes louanges et ta gloire ; qu’il nous soit permis de nous unir à ce magnifique concert et de t’offrir cette prière[6]. »  

Nous te le demandons, par Jésus-Christ ton Fils, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.



[1] Préface du Livre de la Grâce spéciale : Révélations de Ste Mechtilde, Trad. Solesmes, 1878.

[2] ibid. cit.

[3] Christian Bobin (1997), Autoportrait au radiateur, 29 juillet

[5] voir aussi, par exemple : Ps 6, 6 ; Ba 2, 17 ; Si 17, 27

[6] Prière de Sainte Mechtilde, dans Le livre de la Grâce Spéciale.

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