(sœur Marie-Jean)
Introduction
Nous
voici rassemblés en communauté, en Eglise.
En ce
premier mercredi d’Avent, les lectures nous balisent un chemin de circonstance,
car elles nous parlent de salut.
Variations
sur un même thème entre les trois lectures qui nous sont proposées, mais un
thème qui répond à l’attente, au désir, à l’aspiration de notre monde…
Dans
sa prophétie, Isaïe offre une parole qui peut rejoindre les hommes et femmes de
notre temps : disparition du « voile de deuil… du linceul… de la
mort… Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute
la terre il effacera l’humiliation de son peuple »
Le
psaume graduel atteste du même salut : « Si je traverse les ravins de
la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi… »
Et
dans l’évangile, Jésus incarne ce salut lorsqu’il déclare : « Je suis
saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent
auprès de moi, et n’ont rien à manger… »
La
question nous est posée : nous qui sommes bénéficiaires d’un tel salut, comment
le concrétiserons-nous aujourd’hui, dans notre vie personnelle, nos
communautés, notre monde ?
Ecoutons
ce que Dieu veut nous dire…
Dans
l’évangile que nous avons écouté, je suis interpellée par un aspect qui me
semble révélateur.
L’évangéliste
Matthieu écrit : « Jésus arriva près de la mer de Galilée. Il gravit
la montagne et là, il s’assit… »
De là-haut,
il voit les foules de personnes en carence, en attente, en espérance d’un
salut : « boiteux, aveugles, estropiés, muets »
Jésus
les guérit et est pris de compassion envers cette foule…
Ce qui
permet à Jésus d’accéder à un tel sentiment est la prise de distance indiquée
au début de la péricope : « Il gravit la montagne et là, il
s’assit… »
Nous
qui sommes disciples de Jésus, nous désirons lui ressembler, être porteurs de
son regard et de ses gestes de salut.
Jésus
est caractérisé par sa compassion.
Il est
le seul dans l’Evangile à l’éprouver.
Or, la
compassion se distingue de la pitié, de la charité, de la miséricorde ou
de l’empathie.
La
compassion dont Jésus est porteur est un don : on est ému aux
entrailles.
C’est
une voix passive en grec : cette expérience nous est donnée. On ne peut
pas la provoquer.
Comme
dit Lytta Basset, l’expérience est donnée, « mais chacun peut préparer le
terrain »[1].
Cette
expérience est précieuse, car elle nous fait atteindre nos profondeurs, notre
être unique. Elle nous permet de partager à autrui notre moi profond,
l’étincelle de divinité qui demeure au plus profond de nous-même.
Comme
l’exprime encore Lytta Basset, la compassion est « l’accomplissement de
tout l’humain, la brusque éclosion de ce que l’on a de meilleur au fond de
soi ».
Pour
l’atteindre, Jésus a préparé le terrain en gravissant la montagne.
Et
nous ? Quelle distance allons-nous prendre ?
Tel
est le sens du temps d’Avent qui nous est offert en ce début d’année liturgique :
temps de retraite pour les personnes engagées dans les « œuvres
sociales », temps prochain de retraite pour la Communauté des sœurs.
Que
faisons-nous de ce temps privilégié où Dieu se fait désirer ?
Un temps
où Dieu désire se donner au creux du cœur pour nous ouvrir à cette émotion,
cette sortie de nous-mêmes, source de salut pour tous les hommes.
Accueillons
Sa Grâce, à l’œuvre, aujourd’hui…
Temps
de silence
Notre
Père
Oraison
Seigneur,
ta relation au Père te conduit à la compassion, source de guérison et de salut
pour tes contemporains. Aujourd’hui, nous nous tournons vers Toi. Conduis-nous
sur la montagne avec toi, en ce lieu où nous recevrons de Toi ce que tu veux
nous offrir, pour le salut de nos frères et sœurs. Nous te le demandons par
Jésus-Christ, ton Fils ressuscité, qui règnes avec Toi et le Saint-Esprit, un
seul Dieu pour les siècles des siècles.
[1] L. Basset,
Une joie insolite : l’ouverture des entrailles, dans L. Basset dir., S’ouvrir à la compassion,
Paris, Albin Michel, 2009, p. 59-83.
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