2P 2, 9-19
Le texte (traduction de
la Bible de Jérusalem) :
« 9 C'est que
le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux et garder les hommes
impies pour les châtier au jour du Jugement,
10 surtout ceux qui, par convoitise impure,
suivent la chair et méprisent la Seigneurie. Audacieux, arrogants, ils ne
craignent pas de blasphémer les Gloires,
11 alors que les Anges, quoique supérieurs en
force et en puissance, ne portent pas contre elles devant le Seigneur de
jugement calomnieux.
12 Mais eux sont comme des animaux sans
raison, voués par nature à être pris et détruits ; blasphémant ce qu'ils
ignorent, de la même destruction ils seront détruits eux aussi,
13 subissant l'injustice comme salaire de
l'injustice. Ils estiment délices la volupté du jour, hommes souillés et
flétris, ils mettent leur volupté à vous tromper, en faisant bonne chère avec
vous.
14 Ils ont les yeux pleins d'adultère et
insatiables de péché, ils allèchent les âmes mal affermies, ils ont le cœur exercé
à la cupidité, êtres maudits !
15 Après avoir quitté la voie droite, ils se
sont égarés en suivant la voie de Balaam, fils de Bosor, qui chérit un salaire
d'injustice
16 mais qui fut repris de son méfait. Une
monture sans voix, avec une voix humaine, arrêta la démence du prophète.
17 Ce sont des fontaines sans eau et des
nuages poussés par un tourbillon ; l'obscurité des ténèbres leur est réservée.
18 Avec des discours gonflés de vide, ils
allèchent, par les désirs charnels, par les débauches, ceux qui venaient à
peine de fuir les gens qui passent leur vie dans l'égarement.
19 Ils leur promettent la liberté, mais ils
sont eux-mêmes esclaves de la corruption, car on est esclave de ce qui vous
domine »
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la
Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur
moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette
Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et
que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la
béatitude du Royaume. Amen »
Lecture verset par
verset :
Rappelons que la seconde épître de Pierre est destinée à
des judéo-chrétiens en milieu païen.
Le début de l’extrait nous met devant les yeux deux types
d’hommes : ceux qui, hommes droits, sont arrachés à l’épreuve et des
injustes, châtiés au jour du jugement.
(v. 9)
« C'est que le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux et
garder les hommes impies pour les châtier au jour du Jugement »
Ce verset 9 est la conclusion de ce qui précède. St
Pierre y évoquait deux hommes sauvés par Dieu : Noé, « héraut de
justice » et Lot, « le juste ». L’un et l’autre apparaissent
dans la Genèse[1] : « Lot face à
Sodome et Gomorrhe joue le même rôle que Noé face au déluge : il illustre
la volonté de Dieu de sauver de l’épreuve les hommes droits ».
La conclusion de Pierre, quoique traditionnelle, est
rassurante : Dieu est un Dieu sauveur[2]. L’épreuve dont il est
question ne désigne vraisemblablement pas un événement ponctuel, mais la
confrontation au mal et à l’injustice, dont les deux justes, Noé et Lot, furent
préservés.
En lien avec cette épreuve, nous pouvons citer le verset
du Notre-Père : « Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais
délivre-nous du mal » (Mt 6, 13).
Il en va de même pour nous : si nous sommes capables
de rester fidèles, c’est grâce à l’aide de Dieu !
Les versets suivants développent la description de cette deuxième catégorie
d’hommes, celle des injustes, des « faux docteurs ». Et Pierre n’est
pas peu prolixe :
(v. 10a)
« ceux qui, par convoitise impure, suivent la chair et méprisent la
Seigneurie… »
Les premiers
reproches que Pierre leur adresse sont leur soumission à la chair (leur maître
est le sexe) et leur mépris de la « Seigneurie » (c’est-à-dire de
Dieu).
Ainsi, ils
montrent qu’ils ont choisi un autre maître : non Dieu mais le plaisir
charnel.
(v. 10b)
« … audacieux, arrogants, ils ne craignent pas de blasphémer les
Gloires »
Les
reproches ici évoqués sont la suffisance et le mépris.
Les
« Gloires » dont il est fait mention, semblent être « une
catégorie de mauvais anges, d’anges déchus, condamnés par le jugement de
Dieu »[3].
L’attitude
que Pierre dénonce est de se mettre au-dessus des anges, au-dessus de Dieu.
(v. 11)
« alors que les Anges, quoique supérieurs en force et en puissance, ne
portent pas contre elles devant le Seigneur de jugement calomnieux »
Dans la même
ligne que le verset précédent, Pierre dénonce les agissements des faux docteurs
: ils prononcent des jugements, ce qui est l’apanage de Dieu et, peut-être
aussi, nient l’existence des anges.
(v. 12)
« Mais eux sont comme des animaux sans raison, voués par nature à être
pris et détruits ; blasphémant ce qu'ils ignorent, de la même destruction ils
seront détruits eux aussi »
En ce
verset, Pierre les compare aux animaux qui n’ont pas de raison, soumis à leur
instinct.
Bien plus,
leur destruction est annoncée : destinés à être chassés et tués par les
hommes, ils n’accéderont pas à la vie éternelle, mais à l’anéantissement.
(v. 13a)
« subissant l'injustice comme salaire de l'injustice… »
Comme une
sorte de conclusion, le mal commis sera leur salaire.
(v. 13b-14)
« Ils estiment délices la volupté du jour, hommes souillés et flétris, ils
mettent leur volupté à vous tromper, en faisant bonne chère avec vous. Ils ont
les yeux pleins d'adultère et insatiables de péché, ils allèchent les âmes mal
affermies, ils ont le cœur exercé à la cupidité, êtres maudits ! »
La polémique
contre les faux docteurs se poursuit : l’attaque vise le goût du plaisir,
surtout sexuel, et la convoitise de l’argent.
En appelant
leurs repas « volupté du jour », ils s’opposent aux mœurs orientales
où le repas principal se prenait le soir. Faire bonne chère en plein jour
manifeste une liberté provocatrice par rapport aux lois communes…
Ajoutons que
ces hérétiques entraînent avec eux des membres de la communauté, destinataires
de cette lettre (« en faisant bonne chère avec vous »), qu’ils se
plaisent à tromper.
Au verset
14, l’Apôtre renforce la double critique : la dépravation sexuelle et la
cupidité.
L’expression
« âmes mal affermies » désigne des personnes fragiles
spirituellement, peu sûres de leur foi, probablement des nouveaux convertis.
(v. 15-16)
« Après avoir quitté la voie droite, ils se sont égarés en suivant la voie
de Balaam, fils de Bosor, qui chérit un salaire d'injustice, mais qui fut
repris de son méfait. Une monture sans voix, avec une voix humaine, arrêta la
démence du prophète »
Pour
concrétiser l’accusation de cupidité, Pierre cite un personnage du Premier
Testament : Balaam, fils de Bosor ou de Béor. C’est un prophète qui, dans
le livre des Nombres, fut mandaté par
Balak, le roi de Moab, pour maudire Israël. Il existe plusieurs traditions,
plus ou moins élogieuses de Balaam, mais l’interprétation juive en a fait le
type de l’adversaire d’Israël, cupide et idolâtre.
Quant à son
ânesse, elle souligne la bêtise du prophète, puisqu’adoptant une voix humaine,
c’est elle qui ouvre les yeux du prophète.
(v. 17)
« Ce sont des fontaines sans eau et des nuages poussés par un tourbillon ;
l'obscurité des ténèbres leur est réservée »
A présent,
c’est le reproche de la stérilité, comme une « fontaine sans eau » et
de l’improductivité, comme « un nuage poussé par un tourbillon », dont
on espère la pluie, mais qui déçoit également.
(v. 18-19)
« Avec des discours gonflés de vide, ils allèchent, par les désirs
charnels, par les débauches, ceux qui venaient à peine de fuir les gens qui
passent leur vie dans l'égarement. Ils leur promettent la liberté, mais ils
sont eux-mêmes esclaves de la corruption, car on est esclave de ce qui vous
domine »
Enfin, ces
derniers versets stigmatisent la vacuité des discours des faux docteurs. Pierre
les fustige d’autant plus qu’ils réussissent à enrôler certains croyants,
probablement des néophytes. Il y a tromperie car on leur promet « la
liberté », entendons la liberté sexuelle et, sous couvert de liberté, on
les asservit… Selon la deuxième
épître de Pierre, cette liberté révèle plutôt un « asservissement aux
forces instinctives mortifères »[4].
Dans son
épître, Pierre nous propose un double portrait : deux types d’hommes
contrastés, d’un côté, ceux que Dieu peut « délivrer de l'épreuve »
et, de l’autre, « châtier au jour du Jugement ». Le thème des deux
voies, comme image de notre liberté, est fréquente dans la Bible. Nous, lecteurs du 21e siècle, nous
pouvons nous poser la question de la liberté, puisque Jésus nous y
invite : « Si donc le
Fils vous libère, vous serez réellement libres »
(Jn 8, 36).
Il nous
confronte à notre liberté, mais aussi à notre responsabilité… Mais de quelle
liberté s’agit-il ? Qui souhaitons-nous servir ? De qui désirons-nous
être les disciples ?
Prière :
Seigneur, par cette lettre datée
du 1er siècle, tu t’adresses à chacun de nous…
Tu nous interpelles, tu nous
poses question, tu nous invites à la vigilance. Oserons-nous faire le pari de
la foi, le saut de la confiance, pour te suivre ? Car « le Christ aussi a souffert
pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces » (1P 2, 21).
Pour que nous écoutions ta voix
et suivions tes chemins, envoie, Seigneur, ton Esprit !
[1]
Gn 9 pour Noé ; Gn 19
pour Lot. Notons que Lot n’est pas présenté comme « juste » dans la
Gn, mais dans le livre de la Sagesse
(10, 6).
[3]
Même emploi en 2, 4 :
« Car si Dieu n'a pas épargné
les Anges qui avaient péché, mais les a mis dans le Tartare et livrés aux
abîmes de ténèbres, où ils sont réservés pour le Jugement… ».
[4]
Pour aller plus loin, voir le
commentaire suivant : Er. FUCHS – P. REYMOND, La deuxième épître de Pierre2, Genève, Labor et Fides,
1988. Je m’en suis largement inspirée pour ce partage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire