2 Jn 8-13
Le
texte (traduction : Traduction de la Bible de Jérusalem) :
« 8 Ayez les yeux sur vous, pour ne pas perdre
le fruit de nos travaux, mais recevoir au contraire une pleine récompense.
9 Quiconque
va plus avant et ne demeure pas dans la doctrine du Christ ne possède pas Dieu.
Celui qui demeure dans la doctrine, c'est lui qui possède et le Père et le
Fils.
10 Si
quelqu'un vient à vous sans apporter cette doctrine, ne le recevez pas chez
vous et abstenez-vous de le saluer.
11 Celui qui
le salue participe à ses oeuvres mauvaises.
12 Ayant
beaucoup de choses à vous écrire, j'ai préféré ne pas le faire avec du papier
et de l'encre. Mais j'espère vous rejoindre et vous parler de vive voix, afin
que notre joie soit parfaite.
13 Les
enfants de ta sœur Élue te saluent »
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la
Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur
moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette
Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et
que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la
béatitude du Royaume. Amen »
Lecture verset par
verset :
Après avoir évoqué la doctrine déviante (v. 7),
Jean se tourne vers les fidèles de l’Eglise et les exhorte : « Ayez
les yeux sur vous ». Invitation à la vigilance, en ce temps où des
séducteurs essaient de détourner les fidèles de la foi en Jésus.
La suite du verset 8 a posé question lors du
partage à Hurtebise. Nous lisions dans une traduction « afin de ne pas
perdre le fruit de vos œuvres », à savoir de votre agir, de vos
actions. Je découvre à présent la traduction indiquée
ci-dessus « pour ne pas perdre le fruit de nos travaux »,
comme si la perte visait l’effort de Jean dans la transmission de la foi…
(v. 9) « Quiconque va plus avant et ne demeure
pas dans la doctrine du Christ… » : le terme de
« doctrine » ne recouvre pas adéquatement le substantif grec didachè.
On le traduirait plus justement par le mot « enseignement ».
Jean formule une nouvelle fois l’importance d’une
juste doctrine, d’une foi éclairée. L’expression « aller plus avant »
fait probablement allusion à des interprétations qui dépassent la révélation de
Jésus, de prétendues connaissances que des hérétiques essaient d’imposer comme
authentiques.
Jean y préfère « la doctrine du Christ »,
celle d’un Dieu amour (cfr v. 4-6), dans laquelle il convient de
« demeurer ». Ce verbe est très fréquent dans le quatrième évangile.
Parmi d’autres attestations, citons seulement la métaphore de la vigne et des
sarments : « Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le
sarment ne peut de lui-même porter du fruit s'il ne demeure pas sur la vigne, ainsi
vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi » (Jn 15, 4).
Demeurer en Jésus pour porter du fruit, demeurer dans l’enseignement de
Jésus pour « recevoir une pleine récompense ». Par l’emploi des mots,
on constate une parenté entre l’évangile et les lettres : Jean en est bien
l’auteur…
« … c'est lui qui possède et le Père et le
Fils » : littéralement « c’est lui qui a et le Père et le
Fils ». Ce verset confirme ce que nous disions de la menace qui pesait
contre l’humanité de Jésus (Jésus serait Dieu mais pas vraiment homme : v.
7). Au contraire, celui qui croit en l’enseignement a le Père et le Fils,
c’est-à-dire qu’il y croit ou bien qu’il l’a au fond du cœur. Les deux
interprétations ne s’excluent cependant pas…
(v. 10-11) « Si quelqu'un vient à vous sans apporter cette
doctrine, ne le recevez pas chez vous et abstenez-vous de le saluer. Celui qui
le salue participe à ses oeuvres mauvaises » : Je préfère considérer
les deux versets car le seul verset 10 peut paraître choquant, lorsqu’on le met
en parallèle avec l’enseignement de Jésus. Il est a priori difficile de
comprendre un tel rejet de ceux qui pensent autrement… Rappelons-nous le
contexte historique et le danger que représentaient des doctrines déviantes
pour les jeunes communautés encore fragiles.
De plus, dans la culture juive, saluer quelqu’un
signifie le cautionner[1],
ce que le verset 11 confirme : « Celui qui le salue participe à ses
œuvres mauvaises ». Au lieu de « participe », comprenons
« est en communion ». De nouveau, comme je l’ai écrit ci-dessus, il
ne peut pas être question de dialogue à cette époque.
(v. 12) « Ayant beaucoup de choses à vous écrire, j'ai
préféré ne pas le faire avec du papier et de l'encre. Mais j'espère vous
rejoindre et vous parler de vive voix, afin que notre joie soit
parfaite » : la lettre est comme suspendue, dans la perspective d’une
rencontre et d’un échange « de vive voix » (littéralement « de
bouche à bouche »). Nous pouvons imaginer chez Jean un grand souci de la
transmission de la parole et de l’expérience, lui qui a connu, fréquenté et
entendu Jésus…
Et l’aboutissement d’un tel échange n’est pas
d’abord d’assurer une bonne connaissance de la doctrine ou une adéquate
compréhension de la révélation mais « afin que notre joie soit
parfaite ». Cet objectif ouvrait la première lettre de Jean (« Tout
ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète » : 1Jn
1, 4) et apparaît aussi dans le quatrième évangile. A travers son apôtre, Dieu
nous souhaite la joie…
(v. 13) « Les enfants de ta sœur Élue te saluent » :
les fidèles de l’Eglise de Jean saluent ceux qui sont les destinataires de la
lettre. Nous ne savons pas précisément de quelles Eglises il s’agit, même si
les conjectures évoquent Ephèse. L’essentiel est plutôt de savoir que cette
lettre s’adresse à nous, aujourd’hui, et qu’elle nous est Bonne Nouvelle…
Prière :
Seigneur Jésus, par cette lettre de ton apôtre, tu veux
nous apporter force et réconfort. Cette Bonne Nouvelle de ton amour, tu nous la
révèles, pour qu’elle porte du fruit dans nos vies.
Pour cette joie que tu nous as promis et que tu veux
déployer en nos cœurs, Seigneur Ressuscité, sois béni. Alléluia !
Sr Marie-Jean
[1] Dans les Actes des
Apôtres, Paul a été salué pour être ensuite invité à prêcher : cfr
Ac 13, 15 sq.
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