(Isabelle Halleux)
Je
vais vous livrer sur 3 petites pistes de réflexion qui m’ont habitée en
préparant ce commentaire de l’évangile (Mt 13, 1-9). Je méditerai encore parce
que je pense que je suis loin d’avoir épuisé le sujet !
Première
piste : j’ai lu un commentaire de Saint Jean Chrysostome sur la parabole
du semeur qui m‘a fait réfléchir au fait que si un professionnel adroit sème en
dehors du terrain fertile, ce n’est peut-être ni anodin, ni par hasard… Un
semeur prendrait-il le risque de perdre la semence sur un terrain non
fertile ? Si oui, peut-être ne prend-il que le risque que cela germe, que
cela donne du fruit… Alors, Jésus-Semeur : Inconscience ? Audace ?
ou Confiance ?
Deuxième
réflexion : Dimanche, en sortant de la messe à la cathédrale de Soissons,
mon regard a été attiré par le « jardin des haricots » juste à côté
de la cathédrale. Un petit jardin avec des perches et des haricots grimpants de
3 mètres de haut, et un écriteau explicatif : « En pleine guerre de cent ans (on est au XIV-XVe siècle), les Soissonnais doivent quitter la ville en
raison d’une épidémie de peste. Dans leur fuite, quelques sacs mal fermés
laissent échapper des graines le long des routes. A leur retour, ils découvrent
un champ couvert de fèves permettant de nourrir toute la population affamée. »
Des hommes en détresse, des semeurs qui s’ignorent, des grains qu’on croyait
perdus, des grains qui germent au bord du chemin, des fruits au centuple, une population
sauvée. Manne du ciel ? Hasard ? Ou Providence ?
Ma
troisième réflexion date d’hier matin. Nous participions en famille aux
funérailles de la fille d’amis, emportée dans la trentaine par un cancer
fulgurant. Elle était une jeune femme intelligente, forte, passionnée, une amie
et une professionnelle appréciée, décrite comme une militante acharnée d’un « mieux
vivre ensemble ». Sa maman, mon amie,
est venue s’excuser auprès de nous pour la forme peut-être un peu choquante, en
vide d’espérance, de cette cérémonie qui était du genre de laïc pur et dur. Et sa
fille cadette, ma filleule, m’a remerciée d’avoir tracé discrètement une petite
croix avec mon pouce sur le cercueil lors du dernier hommage. Où sont les chemins
stériles ? Où sont les terres fertiles ? Qui sème quoi ?
Si
on ne sème que dans les champs de bonne terre bien grasse et bien labourée, en
dosant savamment la quantité de semence, avec les bons gestes, on peut récolter
au centuple. ça, c’est sûr !
Sans surprise. Sauf calamité.
Je
vous disais que je n’ai pas épuisé le sujet pour la méditation, et mes questions
ce midi sont : Suis-je du genre semeur prévisible dans la bonne terre ?
Ou bien est-ce que j’ose être de ceux, de celles qui prennent le risque de « perdre
la semence » sur le chemin et de voir jaillir le fruit là où on ne l’attend
pas ? Que voient mes yeux ? Qu’entendent mes oreilles ?
Seigneur
notre Dieu, bouscule-nous, affermis-nous, envois-nous pour que nous soyons,
comme ton fils, des semeurs d’évangile
et d’Amour à tout vent. Nous te le demandons, par Jésus, qui règne avec toi et
le Saint Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
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