samedi 28 juin 2025

Liturgie de la Parole Cœur immaculé de Marie

Il a ri, elle a ri, il rira (Genèse 18, 1-15)
Introduction  

La liturgie de ce 28 juin nous propose 2 lectures que vous connaissez bien, je pense.
La première lecture est du Livre de la Genèse, au chapitre 18 (Gn 18, 1-15). Le Seigneur apparait à Abraham aux chênes de Mambré. Abraham leva les yeux. Trois hommes, un Seigneur, Abraham, Sara, un serviteur, les petits plats dans les grands, le repas scelle l’alliance et… et nous avons en tête l'icône de Roublev ! Je vous invite à être attentifs à la fin du passage, dans lequel « ils » (pluriel), « le voyageur », « Le Seigneur Dieu » s’adresse(nt) à Sara… Il lui annonce la naissance d’un fils.
L’Évangile est un extrait de Luc, au chapitre 2 (Lc 2, 41-51) qui nous relate l’angoisse de Marie qui a « perdu » son fils, resté à Jérusalem après la fête de Pâques. Trois longs jours à le chercher pour le trouver au Temple et s’entendre dire : « Ben quoi ?! Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » « Hein ?! » Ils ne comprirent pas ce qu’il disait. Marie garde cela dans son cœur.
Deux figures féminines : Sara, Marie, qui portent la tension entre promesse et incompréhension, entre le non-encore et le trop tôt. Deux enfants : Isaac, Jésus, bouleversants, désarmants…

Méditation

Avez-vous remarqué qu’il est beaucoup question de rire dans ce passage du Livre de la Genèse ?
« Sara se mit à rire en elle-même » quand le Seigneur annonça qu’elle aura un enfant. A son âge !!!
Il dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri ? »
Sara mentit en disant : « Je n’ai pas ri »
Mais le Seigneur lui réplique : « Si, tu as ri »
4 fois le mot rire dans les versets 9 à 15…
Au chapitre précédent (Gn 17, 16-18), Le Seigneur annonçait à Abraham qu’il aura un fils. « Abraham tomba face contre terre. Il se mit à rire ». Le Seigneur confirme. « Tu lui donneras le nom d’Isaac ».
Savez-vous ce que veut dire « Isaac » ? « Il rira ».
Et en (Gn 21, 6), après la naissance d’Isaac, Sara dira « Dieu m’a donné l’occasion de rire : quiconque l’apprendra rira à mon sujet ».
Je voulais approfondir un peu avec vous cette question du rire dans la bible et en particulier dans la Genèse car ces versets sont assez «  uniques ». On parle en effet peu ou pas de rire dans les Écritures…
Le rire intérieur, plié, secret de Sara est un rire de peur, de surprise, d’incrédulité, un rire de doute… II dit son trouble devant l’inouï, l‘incroyable et l’espéré depuis si longtemps. C’est le presque le même rire que celui d’Abraham quand le Seigneur lui annonce sa paternité.
André Wénin a écrit à ce sujet [1]. Il explique que Dieu met ce rire de Sara au jour en posant la question : « Pourquoi Sara a-t-elle ri???» En nommant ce qui se passe en elle, par ce geste d’écoute et de confiance, le « Si, tu as ri » devient « un appel discret à la vérité, un appel à reconnaître l’émotion qui l’a traversée ». Dieu ouvre un espace où Il peut faire naître quelque chose de nouveau : « il transforme ce rire blessé en bénédiction, en promesse de joie », en alliance.
« Ce que Dieu donne, ici, ce n’est pas seulement un fils ». Après la naissance d’Isaac, Sara rit à voix haute et ce rire devient générateur d’union et de guérison pour d’autres. Ce rire-là n’est pas moquerie, mais puissance créative. « Le rire devient un lieu de communion », dit Wénin.
Le rire de Sara, dans la Genèse, nous est donné comme un miroir. Un miroir de ce qui, en nous, se crispe, doute, se défend, ou se résigne. Ce rire intérieur dit quelque chose de notre humanité : celle qui peine à espérer, à croire encore quand tout semble figé ou perdu.
Ce rire, Dieu l’accueille. Mieux : il s’en sert pour faire surgir la vie, au moment même où elle semblait impossible. Ce qui était ironie devient louange, ce qui était fermeture devient ouverture. Et ce rire-là, au final, est un rire partagé, communicatif, jubilatoire.
Et peut-être que le message est celui-ci : « Oui, le rire est le propre de l’homme » — non pas parce que les bêtes ne rient pas, mais parce que nous sommes faits pour accueillir la surprise de Dieu, et nous en réjouir. Et ce rire-là, né du possible au cœur de l’impossible, est peut-être l’un des visages les plus simples de la foi.
Seigneur, fais de nos hésitations un terrain de promesse, de nos silences un espace d’écoute, et de nos rires un chant d’espérance. Amen.

Isabelle H 

[1] André Wénin, Abraham ou l’apprentissage du regard, “Rire de Dieu, rire d’homme”, Cerf, 2016, pp. 125-133.
 

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