(sœur Marie-Raphaël)
Ouverture
Caïphe était grand prêtre cette année-là. Cela a donné
à ses paroles une autorité et un impact qu’elles n’auraient pas eu autrement.
Il dit : « vous n’y comprenez rien, vous ne voyez pas quel est votre
intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure et que l’ensemble de la
nation ne périsse pas ». C’est un calcul très froid, qui enlève tout
scrupule. « Un pour tous », « un à la place de
tous » : la loi du moindre mal. Et en plus, ce qu’il n’avoue pas
ouvertement, c’est que ce moindre mal est un fait un double gain : on
épargne toute la nation, et on se débarrasse d’un gêneur ! Ce que
l’évangéliste va montrer, c’est qu’il y a derrière ces paroles une ironie
tragique. Il ne croit pas si bien dire, Caïphe ! Le « un pour
tous » (à la place de tous) va devenir « à la faveur de
tous » … Car Dieu fait tout concourir au bien. Ouvrons nos cœurs à l’Esprit par
le chant des Psaumes.
Résonances
« Un pour tous ». Il y a dans l’AT une
situation similaire : celle de Jonas. Il faut relire le premier chapitre
du prophète Jonas. Au cœur de la tempête, chacun des marins se met à prier son
dieu. En se disant : « si chacun invoque le sien, on multiplie les
chances de s’en sortir ». Mais Jonas dort dans le fond du bateau, d’un
sommeil mystérieux. Les marins tirent au sort pour savoir qui est responsable
de cette situation, et le sort tombe sur Jonas. Alors, Jonas a le courage de
reconnaître sa faute et de leur dire : « jetez-moi par-dessus bord et
la mer se calmera ». Les marins ont plus de scrupules que Caïphe :
avant de passer à l’acte, ils commencent par ramer de toutes leurs forces pour
regagner la terre. Finalement, ils jettent Jonas par-dessus bord, non sans
avoir invoqué le Seigneur : « Ah, Seigneur, ne nous fais pas mourir à
cause de cet homme et ne nous rends par responsables de la mort d’un
innocent ! » Puis, quand la tempête se calme, ils sont saisis de
crainte devant le Seigneur de Jonas, ils se convertissent… « Un pour
tous » : quand Jésus parle du signe de Jonas, c’est peut-être aussi à
cela qu’il fait allusion.
Mais l’évangéliste montre que la prophétie de Caïphe a
encore d’autres conséquences : « un pour tous » devient
« tous pour un » (et « tous par un »). « Il
prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation, et ce n’était pas seulement
pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu
dispersés ». C’est là qu’on rejoint la prophétie d’Ezéchiel, citée en
première lecture. Dans l’océan de paroles de ce prophète, on repère quelques
fils rouges, et notamment celui de la dispersion (l’exil, à cause du péché) et
du rassemblement du peuple. Ce rassemblement se fera autour d’une figure de
berger, représenté par celui que Dieu nomme « mon serviteur David ». Ce
rassemblement se fera aussi autour d’un sanctuaire, mais ce ne sera plus un
sanctuaire statique, ce sera un sanctuaire « mobile », qui
accompagnera le peuple, qui sera « au milieu d’eux pour toujours ».
Les derniers mots du livre d’Ezéchiel résument tout : ils disent :
« le Seigneur est là ». N’est-ce pas la définition du Christ ?
Laissons-nous rassembler par notre berger, notre roi,
Jésus Christ qui, par le don de lui-même restaure au milieu de nous les liens
de la fraternité, les liens de l’alliance, l’énergie du salut. Et suivons-le en
cette Semaine sainte qui va s’ouvrir, en débordant d’action de grâce.
Prière
Seigneur Jésus, tu n’as pas refusé d’offrir ta vie et
par ton offrande tu rassembles dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Béni
sois-tu ! Au terme de ce Carême, nous te rendons grâce pour ce temps de
purification qui nous a rapprochés de toi. Tu nous as donné ta Parole,
nourriture pour la route, tu nous as rendus forts et tu nous invites maintenant
à contempler le chemin qui va de la montée des Rameaux au jardin de la
Résurrection, en passant par le Golgotha. Béni sois-tu pour l’espérance que tu
nous ouvres dans la lumière anticipée de Pâques !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire