mercredi 17 août 2022

Liturgie de la Parole, 20e mercredi TO

(Isabelle Halleux)

 Introduction

Nous entendrons ce jour, de l'évangile de Mt (Mt 20, 1-16), la parabole des ouvriers de la dernière heure. Vous la connaissez bien ; elle donne du fil à retordre à beaucoup, avec des discussions sans fin sur les « valeurs » ou sur les pratiques de « justice sociale »…

 Je vous avoue que j’ai un peu de mal à faire des liens avec les bergers infidèles de la 1ère lecture (Ez 34, 1-11)… Quel dommage que la liturgie ne nous ait pas proposé  l’Ecclésiaste !

 Là où  Qohèleth, après avoir « examiné toutes les œuvres qui se font sous le soleil », arrive à la conclusion que « tout est vanité ». A l’homme, une vapeur qui ne dure que le temps d’un souffle, « que (lui) reste-t-il de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? ». L’Ecclésiaste termine en faisant remarquer que les valeurs, même dans une perspective humaniste, demeurent finalement vides et sans consistance si elles ne sont pas reçues de Dieu et qu’elles ne demeurent pas liées à lui.

 « Allez à ma vigne, je vous donnerai ce qui est juste », dit le maître du domaine dans Mathieu. Qu’est-ce qui est juste pour l'homme qui se fatigue sous le soleil ? Le droit de travailler ? Le salaire ? L’espoir du lendemain ? Nous allons y réfléchir un peu.

 Entrons d’abord en prière en chantant les psaumes au Seigneur.

  

Méditation

Sur la place, sous le soleil, une série d’hommes attendent d’être choisis par le maître du domaine pour travailler à la vigne… Cet évangile me fait penser à Laurence, du Pôle Emploi de Cergy Pontoise[1] qui accompagne des chômeurs de longue durée. Elle leur propose des interviews fictives avec un employeur. « Une phrase revient dans leur bouche comme une rengaine », dit-elle : « Bonjour, je m’appelle X. et je suis demandeur d’emploi ».  « Ce n’est pas ce que l’employeur veut savoir ! »

 Elle ajoute « Ils sont tellement pris dans leur situation que c’est comme s’ils n’existaient plus que comme chômeurs. J’insiste pour leur dire que ce statut temporaire ne les définit pas, ni leur personne ni leurs compétences. La plupart n’ont pas le réflexe de se valoriser. Mais il y a toujours du positif à mettre en avant. » Laurence a pris l’habitude de parler avec eux de leur histoire, leurs intérêts, leurs loisirs, leurs passions, pour trouver quelque chose de bien « à faire émerger ». « C’est une petite démarche », confie-t-elle, « mais ils repartent dans un nouvel état d’esprit. »

 « Viens ! » Quel est l'état d'esprit de celui qui s'entend appeler dès le petit matin par le maître de la vigne ? Il doit être heureux ! Sans doute va-t-il se donner à fond pour gagner le salaire promis, satisfaire pleinement le patron en espérant être rappelé le lendemain.

 Quel est l'état d'esprit de celui qui n'est pas choisi par le maître du domaine, alors qu'il est courageux, qu’il pense avoir le profil et qu’il espère avoir une chance de nourrir sa famille ? Il se redresse quand le maître vient, il croise les doigts et il stresse sans doute un peu. 9h, 12h, 15h... à chaque fois, le maître vient et il reste sur le carreau. Sans doute son moral est-il bien bas quand la seule perspective du jour est : une nouvelle journée sans travail. Mais il reste là. Tant qu’à faire… Il attend. Il se décompose lentement. Et voilà le maître qui revient encore une fois ! « Viens ! », dit-il.

 Quel est l'état d'esprit de celui qui se trouve là, « qui zone » comme on dit aujourd’hui, et qui espère à chaque fois ne pas être pris, parce que la vigne et le travail, ce n'est vraiment pas son truc ? « Viens ! », dit le maître.

 Pour sa vigne, pour le Royaume, le Seigneur appelle chacun à un moment ou à un autre : celui qu’il prend tout à coup, là, par surprise, celui qui attend patiemment, et même celui qui préfèrerait ne pas être vu. Dieu porte sur chacun un regard positif, sans jugement, un regard qui donne de la dignité : « Viens ! ». Il donne à chacun une place, une « valeur » dans son Royaume. Une valeur qui ne se monnaie pas. Une valeur qui n'attend pas le CV ou le nombre d’années ! Une valeur à accueillir, tout simplement. Pour un nouvel état d’esprit.

 A chacun, Dieu « donne ce qui est juste ». Sa justice n'a ni premiers ni derniers. Elle est la même pour tous : chômeurs de courte ou de longue durée, travailleurs acharnés ou peu empressés, ouvriers de la première ou de la dernière heure. La justice de Dieu choisit la joie pour tous : la joie de servir, la joie de contribuer, la joie de témoigner. Elle permet à tout homme de devenir « ajusté à Dieu », « juste devant Dieu ».

 La parabole nous en a parlé. Nous sommes témoins de cette grâce.

  Notre Père 

Avec Jésus, nous redisons la prière à Notre Père...

 Prière finale 

Seigneur, nous nous réjouissons de ton appel à œuvrer à l’avènement du Royaume et nous te remercions de pouvoir y travailler chaque jour. Fais que beaucoup encore nous rejoignent et que nous soyons individuellement et collectivement « ajustés » à toi.

 Donne-nous de comprendre et d’essaimer ta justice, ta paix, ta joie, ton amour, au bénéfice de tous, en particulier des plus démunis. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, qui vit et règne avec toi et le Saint Esprit, maintenant et pour toujours.



[1] Interviewée par Alexia Eychenne, L'express, https://blogs.lexpress.fr/courbe-du-chomage/2015/02/11/non-vous-netes-pas-demandeur-demploi/

 

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