(Isabelle Halleux)
Introduction
Nous entendrons ce
jour, de l'évangile de Mt (Mt 20, 1-16), la parabole des ouvriers de la
dernière heure. Vous la connaissez bien ; elle donne du fil à retordre à
beaucoup, avec des discussions sans fin sur les « valeurs » ou sur
les pratiques de « justice sociale »…
Je vous avoue que
j’ai un peu de mal à faire des liens avec les bergers infidèles de la 1ère
lecture (Ez 34, 1-11)… Quel dommage que la liturgie ne nous ait pas proposé l’Ecclésiaste !
Là où Qohèleth, après avoir « examiné toutes
les œuvres qui se font sous le soleil », arrive à la conclusion que « tout est vanité ». A l’homme, une
vapeur qui ne dure que le temps d’un souffle, « que (lui) reste-t-il de toute la peine et de tous les calculs
pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? ». L’Ecclésiaste termine
en faisant remarquer que les valeurs, même dans une perspective humaniste,
demeurent finalement vides et sans consistance si elles ne sont pas reçues de
Dieu et qu’elles ne demeurent pas liées à lui.
« Allez à ma vigne, je vous donnerai ce qui est juste », dit le maître du
domaine dans Mathieu. Qu’est-ce qui est juste pour l'homme qui se fatigue sous
le soleil ? Le droit de travailler ? Le salaire ? L’espoir du
lendemain ? Nous allons y réfléchir un peu.
Entrons d’abord en
prière en chantant les psaumes au Seigneur.
Méditation
Sur la place, sous
le soleil, une série d’hommes attendent d’être choisis par le maître du domaine
pour travailler à la vigne… Cet évangile me fait penser à Laurence, du Pôle
Emploi de Cergy Pontoise qui
accompagne des chômeurs de longue durée. Elle leur propose des interviews fictives
avec un employeur. « Une phrase
revient dans leur bouche comme une rengaine », dit-elle : « Bonjour, je m’appelle X. et je suis
demandeur d’emploi ». « Ce n’est pas ce que l’employeur veut
savoir ! »
Elle ajoute « Ils sont tellement pris dans leur
situation que c’est comme s’ils n’existaient plus que comme chômeurs. J’insiste
pour leur dire que ce statut temporaire ne les définit pas, ni leur personne ni
leurs compétences. La plupart n’ont pas le réflexe de se valoriser. Mais il y a
toujours du positif à mettre en avant. » Laurence a pris l’habitude de
parler avec eux de leur histoire, leurs intérêts, leurs loisirs, leurs passions,
pour trouver quelque chose de bien « à
faire émerger ». « C’est
une petite démarche », confie-t-elle, « mais ils repartent dans un nouvel état d’esprit. »
« Viens ! » Quel est l'état d'esprit de celui qui s'entend appeler dès le petit
matin par le maître de la vigne ? Il doit être heureux ! Sans doute va-t-il se
donner à fond pour gagner le salaire promis, satisfaire pleinement le patron en
espérant être rappelé le lendemain.
Quel est l'état
d'esprit de celui qui n'est pas choisi par le maître du domaine, alors qu'il est
courageux, qu’il pense avoir le profil et qu’il espère avoir une chance de nourrir
sa famille ? Il se redresse quand le maître vient, il croise les doigts et il
stresse sans doute un peu. 9h, 12h, 15h... à chaque fois, le maître vient et il
reste sur le carreau. Sans doute son moral est-il bien bas quand la seule perspective
du jour est : une nouvelle journée sans travail. Mais il reste là. Tant qu’à
faire… Il attend. Il se décompose lentement. Et voilà le maître qui revient
encore une fois ! « Viens ! »,
dit-il.
Quel est l'état
d'esprit de celui qui se trouve là, « qui zone » comme on dit
aujourd’hui, et qui espère à chaque fois ne pas être pris, parce que la vigne
et le travail, ce n'est vraiment pas son truc ? « Viens ! », dit le maître.
Pour sa vigne, pour
le Royaume, le Seigneur appelle chacun à un moment ou à un autre : celui
qu’il prend tout à coup, là, par surprise, celui qui attend patiemment, et même
celui qui préfèrerait ne pas être vu. Dieu porte sur chacun un regard positif,
sans jugement, un regard qui donne de la dignité : « Viens ! ». Il donne à chacun une place, une
« valeur » dans son Royaume. Une valeur qui ne se monnaie pas. Une
valeur qui n'attend pas le CV ou le nombre d’années ! Une valeur à accueillir,
tout simplement. Pour un nouvel état d’esprit.
A chacun, Dieu « donne ce qui est juste ». Sa
justice n'a ni premiers ni derniers. Elle est la même pour tous : chômeurs
de courte ou de longue durée, travailleurs acharnés ou peu empressés, ouvriers
de la première ou de la dernière heure. La justice de Dieu choisit la joie pour
tous : la joie de servir, la joie de contribuer, la joie de témoigner. Elle
permet à tout homme de devenir « ajusté à Dieu », « juste devant
Dieu ».
La parabole nous en
a parlé. Nous sommes témoins de cette grâce.
Notre Père
Avec Jésus, nous redisons
la prière à Notre Père...
Prière finale
Seigneur, nous nous
réjouissons de ton appel à œuvrer à l’avènement du Royaume et nous te remercions
de pouvoir y travailler chaque jour. Fais que beaucoup encore nous rejoignent
et que nous soyons individuellement et collectivement « ajustés » à
toi.
Donne-nous de comprendre
et d’essaimer ta justice, ta paix, ta joie, ton amour, au bénéfice de tous, en
particulier des plus démunis. Nous te le demandons, par Jésus, le Christ, qui
vit et règne avec toi et le Saint Esprit, maintenant et pour toujours.
Interviewée par Alexia Eychenne, L'express,
https://blogs.lexpress.fr/courbe-du-chomage/2015/02/11/non-vous-netes-pas-demandeur-demploi/
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