(Isabelle Halleux)
Introduction :
C’est
Fièsse à Namur aujourd’hui ! Li fièsse di St Aubin ! Alors, pour
savoir ce que c’est la Saint Aubin, il faut être namurois.e, ou connaître un.e
namurois.e. En bonne liégeoise, et sans namurois.e sous la main, j’ai essayé de
m’informer. ChatGPT m’a envoyé promener. Mais j’ai trouvé ceci :
-
Le 21 juin est bien jour de fête à Namur :
l’administration communale ferme à midi !
-
C’est Albert II qui a introduit le culte de
Saint Aubain à Namur dans les années’50. Pas le roi, mais le comte :
Albert II de Namur ! Pas 1950 mais vers 1050.
Plus sérieusement, que savons-nous de Saint
Aubain (et là je prends comme référence un texte du chanoine Meyen en 2005) ? Saint Aubain est
originaire d’Afrique du Nord ou de Grèce, il arrive à Rome avec son évêque dans
le courant du lVe siècle et doit fuir vers le Nord les ariens qui mettent à
mort les chrétiens. Ils évangélisent la région de Mayence durant plusieurs
années et finissent en martyrs.
Les Bollandistes racontent ainsi le martyre de
Saint Aubain, qui eut lieu le 21 juin 404 : Il
rencontra encore là l'hérésie arienne, et à ses perfidies il opposa le glaive
de la Parole Divine. Doué d'un génie vif et ardent et d'une forte éloquence, il
attaquait sans ménagement les hérétiques et les enlaçait dans les noeuds
indissolubles de son argumentation. C'est par ce moyen qu'il excita leur colère
et leur rage. Cette rage finit par éclater, et Aubain, saisi au milieu de ses
frères, fut accablé de mauvais traitements. Mais, sans s'émouvoir de ces
cruautés, il demeura ferme dans la foi catholique et immobile au milieu des
insultes, comme un rocher au milieu des vagues irritées. Enfin, après avoir
subi toutes sortes de mauvais traitements de la part d'une multitude insensée,
il eut la tête tranchée hors de la ville. Une tradition constante rapporte que
sa langue murmura encore les louanges de Jésus-Christ, après que sa tête fût
détachée du tronc ; elle ajoute que le Martyr ramassa sa tête lui-même, et
qu'il la porta d'un pas ferme jusqu'à l'endroit où il fut ensuite enseveli avec
honneur.
C’est de persécution, de flagellation, de mauvais
traitement, de souffrance, mais aussi de courage et de persévérance que nous
parlent les écritures du jour : des extraits de la 2e lettre à
Timothée (2Tim 2,8-13.3,10-12) et de
l’évangile de Matthieu (Mt 10, 17-22).
Nous y reviendrons après avoir prié les psaumes.
Méditation
Dans
les églises orthodoxes de Moldavie roumaine, vous êtes émerveillés par les
fresques superbes en couleurs et en graphisme qui couvrent tous les murs, les
plafonds, et jusqu’aux embrasures des portes et des fenêtres. C’est une sorte
de mise en BD des écritures. C’est magnifique ! Dans l’église ce sont
principalement des scènes de la vie de Jésus ou de la vierge ; mais dans le narthex, donc la pièce juste
avant d’entrer dans l’église, ce sont des scènes en relation avec nos lectures
du jour : des hommes et des femmes persécutés, jetés dans un lac, cuits à
la casserole, crucifiés la tête en bas, lapidés, décapités, et même chatouillés
à mort ! Tous ont des nimbes qui suivent leurs têtes. On peut se dire que Saint
Aubain y aurait sa place… Graphiquement, c’est naïf et beau.
Ce
qui frappe, quand on s’y attarde, c’est l’imagination débordante des hommes
pour persécuter leurs semblables ! Comment est-il possible d’en arriver à
de telles atrocités ? Deuxième étonnement : le regard et l’attitude
des suppliciés : ils ont l’air heureux; certains sont même souriants. Comment
est-il possible que les martyrs soient ainsi « réjouis » ? Troisième
étonnement : Mais pourquoi couvrir les murs d’entrée des églises avec des
scènes pareilles de martyr(e)s ?
Dans
la langue orale, on a du mal à distinguer martyre et martyr.
Il y a
le martyre avec « e » : l’acte de martyriser, maltraiter, tourmenter
quelqu’un en raison de ses convictions, de sa foi, et ce parfois jusqu’à la
mort. C’est injustifiable, inacceptable, condamnable. Nous
nous émouvons, nous déplorons, nous réagissons, nous manifestons, nous militons.
Nous n’oublions pas qu’il y a eu et qu’il y a encore de grandes persécutions de
personnes ou peuples entiers au nom de leur foi. Autour de nous, il y a aussi des
petites souffrances quotidiennes infligées au nom de la foi, comme
l’interdiction du port de signe extérieur de religion (une petite croix autour
du cou), les railleries face à la foi (auxquelles on n’ose pas répondre), les règles
de consommation alimentaire… Grands et petits martyres, mais martyre quand même
pour celui qui en est affecté, qui en souffre. Y sommes-nous attentifs ?
Il y a aussi le martyr sans « e », le mot
qui désigne justement celui ou celle qui est victime, mais pas que... « Martyr »
dérive du grec ancien « martur » qui signifie « témoin ».
Le martyr témoigne courageusement de sa foi. En paroles et en actes. Un must
pour un chrétien ! Il trouve sa confiance en Dieu et son souffle par
l’esprit. « Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est
l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt
10, 20). C’est pour cela que les martyrs sourient sur les
fresques : ils sont habités par leur foi au-delà de la souffrance et ils
en témoignent. « Vivre
en hommes religieux dans le Christ Jésus » (2 Tim
3, 12). Où en sommes-nous du témoignage de notre foi au
monde ? Du côté des courageux ? Du côté des patients ? Des charitables ?
Des persévérants ?
Un mot sur le sens des fresques dans le narthex,
mon 3e étonnement : en entrant, le cortège des saints martyrs vous
accueille et vous regarde ; leur courage et leur foi se
montrent, s’exhibe, à vous. Comment ne pouvons-nous pas penser à leur exemple
quand on entre dans l’église pour prier ou y recevoir l’eucharistie ? Que
l’on soit seul, en communauté, en église ? Les saints martyrs, on les voit aussi en sortant. Ils nous suivent du
regard. Ils nous accompagnent, nous qui sommes envoyés à vivre en témoins
courageux, avec la force de l’Esprit…
Prière finale
Seigneur, notre Dieu, nous te prions pour et avec
notre diocèse par l’intercession de Saint Aubain. Nous te confions tous les
martyrs de la foi, quelles que soient leurs croyances religieuses. Fortifie-les
dans les épreuves et envoie-leur ton esprit pour les affermir comme témoins
courageux. Nous te le demandons, par Jésus, qui règne avec toi dans l’unité de
l’Esprit, pour les siècles des siècles, Amen.
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