mercredi 30 avril 2025

Liturgie de la Parole 2e mercredi du Temps Pascal

Méditation

Le passage de l’Évangile de Jean de ce jour (Jn 3, 16-21) commence par « En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème... ». Depuis lundi, nous entendons ce que Jésus a dit à Nicodème le pharisien, notable parmi les juifs (Jn 3, 1), venu le trouver pendant la nuit.

Le nom de « Nicodème » apparaît 3 fois dans l’évangile de Jean – et seulement dans l’évangile de Jean :
- lors de cette visite nocturne à Jésus (Jn 3, 1-21),
- quand il intervient alors que Jésus est contesté après un enseignement dans le Temple (Jn 7, 50-51),
- quand Jésus est descendu de la croix et mis au tombeau : il apporte un mélange de myrrhe et d’aloès (Jn 19, 39)

Aucun doute : c’est bien du même Nicodème qu’il s’agit. L’évangéliste le mentionne explicitement : « Nicodème, celui qui était allé précédemment trouver Jésus », « Nicodème, celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit ».

Je vous propose d'aller voir d’un peu plus près ce que ce personnage peut nous dire aujourd’hui...

Nicodème. Un pharisien. Un homme de loi. Un homme droit. Il a appris à servir Dieu debout, avec des textes et des rites. Et voilà qu’un autre, un « tout autre » vient, qui n’entre dans aucune case : Jésus.

Nicodème vient à Jésus. Pas comme un disciple. Pas comme un converti. Mais comme un homme qui cherche.
 
Il vient de nuit. Pas à découvert. Pas avec des certitudes. Il vient discrètement, avec ses questions et ses hésitations. Et Jésus l’accueille.
 
Le Christ lui dit des paroles vertigineuses :
« Il faut naître d’en haut. »
« Le vent souffle où il veut. »
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils. »
 
Nicodème est troublé. Mais il reste. Il reste, avec un pied dehors et un pied dedans. Ni hostile, ni engagé. Sur le seuil. Présent.
 
Plus tard, il prend la parole - une seule fois - pour demander si la Loi permet de juger un homme sans l’avoir écouté (Jn 7).
 
Et quand il ne reste plus qu’un corps en croix, quand les foules se taisent, lui, Nicodème, s’avance. Il ne crie rien. Il n’annonce rien. Il n’évangélise pas. Il honore : il prend soin du corps. Il enveloppe. Il parfume. Il veille.(Jn 19)
On ne sait pas s’il a cru. Mais on sait qu’il est là. Présent. Fidèle. Silencieux.
Nicodème est de ceux qui sentent que Dieu les appelle à sortir du cadre, mais qui n’osent pas. Il est de ceux qui ne rejettent pas la foi, mais qui ont besoin de la nuit pour chercher.

Il représente tous ceux qui ne savent pas comment croire ou comment dire leur foi. Il est de ceux qui vivent en marge, à voix basse, pour ne pas choquer, ne pas perdre la face, ne pas être pointés du doigt ou ne pas être rejetés. Dans nos églises, à l’heure où la nuit pascale illuminait les cuves baptismales, il y avait sans aucun doute, présents, des Nicodèmes. Y avons-nous pensé ?

Nicodème est de ceux qui sont dans l'entre-deux, entre l'ombre et la lumière, entre l’institution d’un côté, l’appel du cœur de l’autre. Il est comme notre société : en tension. Il incarne ceux qui ne sont pas contre le changement, mais qui sont pris dans les mailles du pouvoir, de la prudence, de la peur du scandale, du silence.

Nicodème est un peu l’image d’une Église qui a peur de la lumière qu’elle proclame. Une Église qui continue de venir à Jésus, à condition que ce soit sans trop de bouleversements, sans remise en cause.

Nicodème, c’est peut-être l’Église elle-même, quand elle sent que le vent souffle où il veut… mais ne sait plus comment l’accueillir.
Nicodème nous dit aussi quelque chose du moment ecclésial que nous vivons. Il rappelle la valeur du trouble, du pas de côté discret, de l’écoute fragile mais sincère. Il rappelle que tous sont appelés et accueillis par Jésus.

Nicodème est peut-être finalement le témoin dont nous avons besoin, celui dont la fidélité se mesure à la compassion, pas à la proclamation, celui qui prépare l’aube en osant traverser la nuit. Il est le trouble qui féconde le changement. Il porte les besoins exprimés en synode.

C’est dans ce clair-obscur d’aujourd’hui que Nicodème peut nous parler :
- Et si l’Église de demain se construisait aussi par la fidélité patiente de celles et ceux qui, comme Nicodème, ne brillent pas, mais restent simplement là ?
- Et si notre mission aujourd’hui, dans cette Église sans François, était de devenir des Nicodème ensemble : des chercheurs de nuit, des veilleurs de seuil, des porteurs de corps, des compagnons de l’entre-deux, des hommes et des femmes de transition, au cœur même de la Résurrection ?

Prions, par son intercession.

mardi 29 avril 2025

Liturgie de la Parole 29 avril Sainte Catherine de Sienne co-patronne de l’Europe


Méditation

Lectures : 1re lect. : 1 Jean 1, 5–2, 2 / Psaume : 148 / Évangile : Matthieu 11, 25-30

En ce jour nous fêtons sainte Catherine de Sienne, co-patronne de l’Europe. Je vais vous partager un texte d’elle, bien que du 14e siècle, il reste actuel. Elle nous stimule à demander la lumière dont nous parle saint Jean dans la première lecture, lumière qui nous conduit à la communion avec Dieu et à la communion fraternelle dans le respect des différences. Nous pouvons aussi demander la douceur et l’humilité de Jésus qui accueille chacun, chacune, lui procure le repos de se savoir aimé tel qu’il est. Que Jésus nous donne ce cœur de tout-petit qui se laisse enseigner et prend le joug de son amour, de sa miséricorde.

Beaucoup de demeures dans la maison du Père

    Éternelle et auguste Trinité, tu es droiture sans détour aucun, franchise sans l’ombre de duplicité, libéralité à l’exclusion de tout artifice.
    Porte le regard de ta miséricorde sur tes créatures. Elle t’est propre la miséricorde, je le sais : de quelque côté que je me tourne, je la trouve. C’est pourquoi je cours au-devant d’elle et je te supplie de faire miséricorde au monde.
    Tu veux, Père éternel, que nous te servions selon ton bon plaisir, et tu conduis tes serviteurs de différentes façons et par diverses voies. Ainsi tu montres que d’aucune manière nous ne pouvons ni ne devons juger les intentions de l’homme par des actes que nous percevons de l’extérieur, mais en chacun nous devons considérer ta volonté. Plus spécialement doivent le faire tes serviteurs qui sont unis à elle et, par elle, sont transformés.
    L’âme, qui dans ta lumière voit la lumière, se réjouit de contempler en chacun des hommes tes manières variées, tes voies innombrables. Car bien qu’ils cheminent par différentes voies, ils ne courent pas moins tous sur la route de ton ardente charité. Sans cela, ils ne suivraient d’ailleurs pas vraiment ta vérité.
    Aussi nous voyons certains courir sur le chemin de la pénitence, établis dans la mortification corporelle ; d’autres établis sur l’humilité et la mortification de leur volonté propre ; d’autres sur une foi vive ; d’autres sur la miséricorde ; et d’autres tout dilatés dans l’amour du prochain, après s’être quittés eux-mêmes. Par cette manière de voir, l’âme, qui a mis en œuvre avec sollicitude sa lumière naturelle, se développe et acquiert la lumière surnaturelle par laquelle elle découvre la largeur sans mesure de ta bonté.
    Comme ils ont le sens du réel, ceux qui voient ta volonté en toutes choses ! En toute action des hommes, ils considèrent ta volonté sans juger celle des créatures. Ils ont bien compris et reçu la doctrine de ta vérité, lorsqu’elle dit : "Ne jugez pas selon les apparences".
    Ô Vérité éternelle, quel est ton enseignement ? Par quelle voie veux-tu que nous allions au Père ? Quelle voie nous convient-il de suivre ? Je ne puis voir d’autre route que celle que tu as pavée avec les vraies et réelles vertus de ton ardente charité. Toi, Verbe éternel, tu l’as aspergée de ton sang : c’est elle la voie.
Sainte Catherine de Sienne Seizième oraison : p. 674-675. (Citée par le Lectionnaire de Cîteaux 2025-6)

Introduction au Notre Père

Père, seul le Fils te connaît. Puissions-nous accueillir sa révélation et chanter par lui, avec lui et en lui ta louange dans la prière qu’il nous a transmise.

Sr M Christine


lundi 28 avril 2025

Liturgie de la Parole 2e lundi du Temps Pascal

Introduction 

Bonjour à vous qui êtes ici et à vous qui nous rejoignez par zoom ou par le cœur. Ensemble nous sommes rassemblés en Église pour célébrer le Seigneur et nous nourrir de sa Parole. L’introduction de notre évangile résonne un peu comme la présentation de Jean Baptiste dans le prologue (Jn 1, 6). C’est solennel. Nicodème vient pendant la nuit. La nuit, moment de l’étude de la Torah pour les Rabbins (ils travaillaient le jour pour gagner leur vie). Sans le savoir Nicodème vient rencontrer celui en qui était la vie « et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jean 1,5-6)

Nicodème n’apparaît que 3 fois et uniquement en Jean, mais il est touchant : ici par sa quête ; en 7,50 quand les gardes envoyés par les grands-prêtres et les pharisiens reviennent sans avoir arrêté Jésus car « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! », Nicodème rappelle simplement « Notre Loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? ». Il se fait rabrouer pour cette intervention de simple justice humaine. Et en 19,39 c’est lui qui apporte le mélange de myrrhe et d’aloès pour l’ensevelissement de Jésus.

Comme Nicodème chercheur de Dieu, la communauté de Jérusalem, tous, d’un même cœur, élevons nos voix vers Dieu en chantant le Psaume de ce jour.

Méditation 

« Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui. » La manière dont Nicodème s’adresse à Jésus est vraiment formidable. C’est presque une confession de foi communautaire « Nous le savons »
Quels signes Jésus a-t’ il donc accomplis ? Les noces de Cana (mais c’était en Galilée, il n’est pas dit que Nicodème en ait entendu parler.) À Jérusalem il y a eu les vendeurs chassés du Temple et d’autres signes qui suivent et que nous ne connaissons pas.
Nicodème, un pharisien habitué à se nourrir de la Torah, habitué sans doute aussi à chercher le Seigneur et les signes de sa présence dans la vie, vient voir Jésus en qui il reconnaît un Rabbin exceptionnel, venu de la part de Dieu, signe de la présence de Dieu, Dieu est avec lui : il est Emmanuel !
Venu de la part de Dieu ? Comme dans le Prologue (Jean 1,11-13) « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. » La même idée et de la venue et de la naissance nouvelle.
Garder cela en notre cœur peut nous aider à percevoir ce que Jésus répond à Nicodème.
-Tu as a vu à travers les signes que Dieu est avec moi. Tu es en train de naître d’en haut, de voir le Royaume de Dieu.
-Mais voyons Jésus que dis-tu ? Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Humainement ce n’est pas possible.
-Nicodème, je te parle de « naître d’en haut » ! Pas du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme. Je te parle de naître de Dieu. Comment ? C’est l’eau et l’Esprit, les deux 1ers éléments de la Genèse, qui font naître à cette vie. L’Esprit, le Souffle que Dieu a soufflé dans les narines d’Adam, ce « vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » Cet Esprit, ce Souffle, mot féminin en hébreu, est une matrice de vie. Tu entends sa voix, mais ne peux le saisir. D’où vient-il, où va-t-il ? Tu ne le sais pas. Et pourtant il est très réel et agissant, il fait naître, il fait vivre, il fait cheminer pas à pas.
Il n’est pas comme « le tumulte des nations, le vain murmure des peuples » du Psaume 2 que nous venons de prier et qui est cité dans la 1ère lecture.
« Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. »
Renaître ? Non, Nicodème, naître ! Naître à la seule vraie vie dont la vie terrestre est la 1ère étape, car « le monde était venu par Lui à l’existence » (Jn 1,10), « ce qui est né de la chair est chair », est humain au sens noble du mot. Naître de l’eau qui jaillira du cœur transpercé de Jésus sur la croix, du Souffle qu’il a remis au Père (Jn 19, 30.34).
Naître, être engendré de Dieu. Le recevoir et par là recevoir « de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12).
« Ce qui est né, de l’Esprit est esprit. », une personne née de l’Esprit est habitée par l’Esprit qui l’a engendrée et la transforme. Elle est née d’en haut, elle est née de Dieu et cette vie, cette joie, nul ne peut la lui ravir  (cf. Jn 16,22).
C’est la réalité de notre vie. Même si nous ne savons pas trop où nous allons, nous savons avec QUI nous y allons ! Qu’il reste avec nous, Lui, l’Emmanuel, qu’il reste et demeure notre vie, notre joie, notre paix.

Introduction au Notre Père 

Par le nom de Jésus, ton Saint, ton Serviteur, Lui notre vie et notre joie, nous nous tournons vers Toi, Père pour chanter la prière qu’il nous a apprise.

Prière de conclusion

Seigneur donne à ceux qui te servent de t’accueillir jour après jour, de dire ta Parole avec une totale assurance par leur parole et par leurs actes.
Ils sont nés de toi, Seigneur, de ton Esprit : que ton Souffle de vie les transforme, les conduisent jour après jour pour les faire entrer dans ton Royaume. Toi notre vie, notre résurrection qui nous mènes au Père, dans l’Esprit, dès aujourd’hui et jusque dans la vie éternelle.

Sr M Christine écrit le 12 avril 2021


dimanche 27 avril 2025

Liturgie de la Parole 2e dimanche du Temps Pascal

Méditation

Huit jours après Pâques, nous sommes au jour de l’octave de Pâques. Comme dans la tradition juive, les grandes fêtes durent huit jours. Huit jours comme les jours d’une semaine complète plus un jour, le jour où tout est achevé et où tout recommence. Huit jours comme le temps qu’il a fallu pour Dieu pour créer le monde, y compris le jour du Sabbat où il n’a rien fait et le huitième jour où il a tout repris et renouvelé en son Fils : le huitième jour est le jour de la nouvelle Création, le jour chrétien par excellence, le jour de notre naissance en Dieu.
Traditionnellement, en ce huitième jour, les nouveaux baptisés de Pâques, qui ont gardé leur vêtement blanc pendant toute la semaine, viennent le déposer dans l’église. Comme pour signifier que leur immersion dans la lumière a duré le temps d’une semaine, le temps d’être entièrement créés et recréés. Sommes-nous bien conscients de la grâce de notre baptême ? Une grâce d’immersion dans la vie nouvelle du Ressuscité.
« Huit jours » : par cette symbolique, nous comprenons que chaque dimanche est une fête de Pâques. C’est d’ailleurs ainsi que tout a commencé pour les premiers chrétiens : avant de fêter la Pâque annuelle, ils ont fêté la Pâque hebdomadaire et chaque dimanche était l’occasion de revivre cette expérience inouïe de la résurrection. Il nous faut peut-être mieux prendre conscience de cela : c’est vraiment la résurrection du Christ qui est le centre de notre foi.
Et ce n’est pas si facile à croire ! Regardez Thomas... Il a manqué le premier rendez-vous et, du coup, il a dû attendre huit jours pour faire à son tour l’expérience du Ressuscité. Huit jours durant lesquels il était invité à croire le témoignage de ses condisciples. Comme il est difficile d’accorder sa foi à quelqu’un qui dit simplement « je témoigne ». Pourtant, nous en sommes tous là. Nous voudrions voir Jésus, toucher Jésus, entendre le son de sa voix. Mais si nous le pouvions, croirions-nous davantage ? Depuis le temps des apôtres et des premiers témoins, Jésus ressuscité se rend présent dans nos frères et nous formons tous ensemble le Corps du Christ. C’est ce que l’on voit dans le passage des Actes de Apôtres : « la multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme et personne ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun... » La communion au Christ ressuscité engendre un mode de vie solidaire : c’est dans le partage et dans l’Eucharistie que nous pouvons faire l’expérience du Christ ressuscité. Dans la miséricorde aussi : il nous est bon de nous le rappeler en ce dimanche qui est aussi le « dimanche de la miséricorde ». Car il n’est pas de vie chrétienne possible sans cette miséricorde qui rend la communion fluide. C’est là que nous pouvons toucher le Corps du Christ aujourd’hui.
 
Jésus disait à Thomas : « cesse d’être incrédule, sois croyant ». On pourrait aussi traduire : « ne deviens pas incroyant, mais croyant ». Tant il est vrai que la résurrection du Christ est à la fois la chose la plus centrale et la plus difficile de notre foi. C’est là que tout bascule. Beaucoup admettent que Jésus est un homme formidable, qui a eu le courage de ses convictions jusqu’à l’extrême, qui a donné sa vie pour une noble cause... mais en vain. Admettre la Résurrection, c’est encore plus difficile que d’admettre la Passion. On comprend donc ces récits d’apparition du Ressuscité qui nous racontent les doutes, les peurs, les hésitations des premiers témoins. Jésus respecte le temps dont nous avons besoin pour croire. Cela peut durer huit jours ou beaucoup plus. Puis vient le moment où nous osons faire le pas, nous écrier comme Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu ! » et recevoir l’Esprit Saint qui fait de nous des témoins.
 
Que la joie de cet Esprit soit avec nous tout au long de ce temps pascal

Sr Marie Raphaël écrit le 15 avril 2012


samedi 26 avril 2025

Prière pour le Pape François et pour son successeur

Dieu qui fais toutes choses nouvelles, en ces jours où la joie pascale répand sur le monde la Bonne Nouvelle de la Vie plus forte que la mort, nous te rendons grâce pour la vie de notre bon pape François : qu’il demeure à jamais dans ta lumière.

Il a été un vrai pasteur pour ton Église,
apôtre de ta miséricorde, témoin de ta joie.
Il a été comme un père plein de tendresse
pour tous les blessés de la vie.
Il s’est montré à la fois ferme
et audacieux pour dépoussiérer l’Église
et l’encourager à prendre résolument
les chemins de la synodalité.
Sa voix prophétique a réveillé les consciences
face aux grands défis de notre temps :
la paix,
qui est bien plus difficile à faire que la guerre,
le dialogue et la liberté d’expression,
l’attention aux plus petits, l’amitié sociale, le respect de la création.
Béni sois-tu pour son exemple de simplicité, de proximité, de courage spirituel.
Béni sois-tu de nous l’avoir donné comme pasteur !

En ces jours d’intense communion ecclésiale,
en cette année jubilaire où ton Église s’engage dans un pèlerinage d’espérance,
envoie ton Esprit de sagesse et de discernement, ton Esprit de conseil et de force.
Qu’il guide ceux qui sont appelés à choisir le nouveau successeur de Pierre.
Nous t’en prions : donne-nous un pasteur selon ton cœur,
rayonnant de la joie de l’Évangile,
rempli d’intelligence spirituelle et de charité inventive.
Qu’il soit serviteur de l’unité, à l’écoute de chacun et attentif aux signes des temps.
Qu’il nous aide à entendre le cri des pauvres et le cri de la terre.
Qu’il continue à guider ton Église pour qu’elle avance au large,
là où tu nous appelles aujourd’hui.
Amen.

Prière proposée par la Communauté d’Hurtebise

vendredi 25 avril 2025

Liturgie de la Parole vendredi de Pâques

Introduction

Mes chers ami-e-s, nous sommes venus ici avec nos bonheurs sans doute mais aussi avec nos déceptions, comme les apôtres, qui ont passé toute la nuit, sur le lac, sans rien prendre.  Mais Jésus est là, qui les attend sur le rivage.  Aujourd’hui c’est nous que Jésus attend il a aussi préparé  un repas d’amitié et d’amour.

Prions

Dieu de nos pères, ravive notre foi pour que notre vie entière transformée par la Bonne Nouvelle de la résurrection, rende compte de l’espérance qui est la nôtre.
A Toi, à ton Fils et à l’Esprit, la gloire aux siècles des siècles. Amen.

Homélie

Évangile Jean 21, 1-14.

L’Évangile lu aujourd'hui fait figure d’appendice dans le livre de Jean..  Il peut nous faire penser à l’Église qui vit déjà des moments difficiles à la fin du premier siècle, avec des persécutions de plus en plus douloureuses.  Il est donc nécessaire de bien s'organiser pour continuer à témoigner de cette vie proposée par le Ressuscité.  Essayons de déchiffrer ce passage en reprenant six éléments.

-La scène se passe sur le rivage. Le rivage est le symbole d'un nouveau départ, de nouveaux horizons avec une mission pastorale à accomplir à partir des côtes.

-Un travail difficile sur la mer : les disciples y peinent, car l'eau est vue comme la résidence des forces du mal.  Les disciples seuls ne parviennent pas à sauver des hommes, mais quand le Ressuscité est là, les apôtres deviennent capables de tirer des personnes hors des forces du mal.

-Les apôtres ne reconnaissent pas immédiatement le Seigneur parce que Jésus ressuscité ne se laisse pas voir par les cinq sens, mais par les yeux du cœur, par les signes qu'il nous offre.

-« Il y avait 153 poissons. »  Il est peu probable que les disciples les aient comptés.  Ce chiffre symbolise - pour les gens de l'époque - la totalité, la plénitude.  C'est donc l'entièreté des hommes que Jésus veut entraîner avec lui dans la résurrection.

-« Le filet ne se déchira pas malgré la grande diversité de poissons. »  Cela symbolise que l'idéal de l’Église est d'accueillir et de s'ouvrir à tous en faisant l'unité dans la diversité.

Il y a aussi les comportements de Jean et de Pierre.
Pierre a l'initiative de la pêche (V3).  c'est lui qui va plonger à l'eau pour rejoindre Jésus. (V7) Il est l’homme d’action.
Jean, plus spirituel,est le premier à reconnaître Jésus au bord du lac.
     Comme pour les disciples, Jésus se tient toujours là devant nous, vivant, ressuscité.  Il a préparé le repas sur le rivage, il nous attend pour le partager avec nous et avec tous.

Offrande

Dieu notre Père, en ce temps d’allégresse pascale, accueille les dons que nous te présentons.
Reçois nos rires et nos larmes, nos peines et nos joies.
Irrigue de ta tendresse le désert de nos vies et fais-nous goûter au bonheur que tu nous prépares par le Christ Notre Seigneur Amen.

Prière après la Communion

Seigneur Jésus, sur ta parole, Pierre et six disciples ont à nouveau jeté le filet,
puis ils t’ont reconnu lorsque tu leur as partagé le pain.
Donne-nous de savoir ainsi te faire confiance : malgré les difficultés et les aléas de l’existence, c’est toi qui conduis nos vies et la vie de nos communautés.
Ensemble, nous aimons donc te rendre grâce pour la vie que tu nous offres aujourd’hui et chaque jour pour les siècles des siècles Amen.

Bénédiction

Dieu ne nous a pas choisis parce que nous sommes les meilleurs, il nous a choisis par amour.  Qu’il nous bénisse maintenant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.

     

Abbé Fernand STREBER Hurtebise, 25 avril 2025



jeudi 24 avril 2025

Liturgie de la Parole Jeudi de Pâques

Méditation: VICTOIRE DE LA VIE !

Le Seigneur Jésus a été piétiné par la mort, mais, en retour, il a frayé un chemin qui écrase la mort. Il s’est soumis à la mort et il l’a subie volontairement pour la détruire malgré elle. Car notre Seigneur est sorti en portant sa croix, sur l’ordre de la mort. Mais il a crié sur la croix et il a tiré les morts des enfers, quoique la mort s’y refusât.
Dans le corps qu’il avait, la mort l’a fait mourir ; et c’est par les mêmes armes qu’il a remporté la victoire sur la mort. Sa divinité, se dissimulant sous l’humanité, s’est ainsi approchée de la mort qui l’a tuée, et celle-ci est morte ; la mort a tué la vie naturelle, mais la vie surnaturelle à son tour a tué la mort.
Parce que la mort n’aurait pas pu le dévorer s’il n’avait pas eu de corps, parce que l’enfer n’aurait pas pu l’engloutir s’il n’avait pas eu de chair, il est venu jusqu’à la Vierge afin d’y trouver le char qui le porterait aux enfers. Après avoir pris un corps, il est entré aux enfers, il leur a arraché les trésors qu’ils contenaient et les a dispersés.
Il est donc venu jusqu’à Ève, la mère de tous les vivants. Elle était la vigne dont la mort avait ouvert la clôture, et dont elle goûta le fruit. Ainsi Ève, la mère de tous les vivants était-elle devenue source de mort pour tous les vivants.
Mais un surgeon a levé : Marie, la vigne nouvelle, a remplacé Ève, la vigne antique. Le Christ, la Vie nouvelle, a fait en elle sa demeure. Ainsi, lorsque la mort conduisant son troupeau viendrait comme d’habitude, sans méfiance, avec ses fruits mortels, la Vie qui détruit la mort serait cachée dans la Vigne nouvelle. Et lui, lorsque la mort l’eut englouti, sans rien craindre, il délivra la vie, et avec elle la multitude des hommes.
Il est le glorieux fils du charpentier qui, sur le char de sa croix, vint au-dessus de la gueule vorace des enfers et transféra le genre humain dans la demeure de la vie. Et parce que le genre humain était tombé dans les enfers, à cause de l’arbre du paradis, c’est par l’arbre de la croix qu’il passa dans la demeure de la vie. Sur ce bois-là avait donc été greffée l’amertume ; mais sur celui-ci fut greffée la douceur, pour que nous reconnaissions en lui le chef auquel ne résiste nulle créature.
Gloire à toi qui as jeté ta croix comme un pont au-dessus de la mort, afin que les hommes passent de la région de la mort vers la région de la vie !
Gloire à toi qui as revêtu le corps de l’Adam mortel, et en as fait la source de la vie pour tous les mortels !
Oui, tu vis ! Car tes meurtriers se sont comportés envers ta vie comme des semeurs : ils ont semé ta vie dans les profondeurs de la terre comme on sème le blé, pour qu’il lève lui-même et fasse lever avec lui beaucoup de grains.
Venez, faisons de notre amour comme un encensoir immense et universel, prodiguons cantiques et prières à celui qui a fait de sa croix un encensoir à la Divinité, et qui, par son sang, nous a tous comblés de richesses.

      

SAINT ÉPHREM (4e siècle) Homélie de Notre-Seigneur, 3-4. 9 (cité par le Lectionnaire de Cîteaux 2025-6)

     

mercredi 23 avril 2025

Liturgie de la Parole mercredi de l’octave de Pâques

Disciples d’Emmaüs 

Introduction

Sur le chemin de la vie, ne sommes nous pas souvent, comme les disciples d’Emmaüs, des voyageurs déconcertés, découragés, blessés par l’existence ? Comme eux, nous conjuguons le verbe « espérer » au passé, « nous espérions » !
Mais le Christ ne nous laisse pas seuls, il nous rejoint sur la route, il nous partage sa Parole et son pain et nous envoie aujourd’hui encore annoncer cette Bonne Nouvelle.

 Prions  (après le Gloria)

Père très bon, par la résurrection de Jésus, tu nous révèles le sens de toutes choses.
Donne-nous de reconnaître Jésus quand il nous rejoint sur nos chemins.
Que notre cœur soit brûlant d’amour quand il nous parle par les Ecritures ou par les événements de notre vie quotidienne mais aussi par le partage du pain et la rencontre avec notre prochain.
Conduis-nous, Seigneur, de la Parole entendue à la Parole vécue aujourd’hui et pour les siècles des siècles Amen.

Homélie

NB : Les phrases ci-dessous en italique sont issues de l’évangile.

 Dans le récit des disciples d’Emmaüs, la marche et la parole contribuent fortement à reconnaître Jésus.  Je vais tenter de vous le faire découvrir en quatre étapes.

1    « Deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs ».
Ils quittent Jérusalem là où Jésus a été crucifié.
Ils ne parviendront pas à Emmaüs.  Car le sens de la vie ne se trouve pas dans une destination mais sur le chemin qui y conduit.
« ils parlent de tout ce qui s’était passé ».

2    « Jésus s’approcha et marchait avec eux ».
C’est Jésus qui a l’initiative de s’approcher.  Il fait ce chemin au rythme des deux disciples.
Il les interroge : « De quoi discutez-vous tout en marchant » ?  Les disciples sont invités à parler, à raconter.
Les deux disciples répondent à Jésus :   Je cite : « Des femmes de notre groupe sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps.  Elles ont eu une vision : des anges qui le déclarent vivant ».
Qu’il est difficile de voir dans le tombeau autre chose que le vide !  Et pourtant le tombeau n’est-il pas la « crèche » d’un monde nouveau ?
 «Partant de Moïse et des prophètes Jésus leur interprète dans toute l’Écriture ce qui le concernait. » 

3    Le texte se poursuit.  Je cite : « Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin ». Jésus a un tel respect de leur liberté qu’il ne veut en aucun prix la violenter.
« Reste avec nous ». disent les deux disciples.  Jésus accepte l’invitation.  Il prend le pain prononce la bénédiction , le rompt et le leur donne.  Les deux disciples le reconnaissent. L’eucharistie est dite.

4    Le texte se poursuit.  « A l’instant même les deux disciples se levèrent et retournèrent à Jérusalem ».  « Se levèrent » : Littéralement en grec, ce verbe signifie « ressusciter ».  Les deux disciples ont reçu les deux signes de la résurrection : la Parole partagée et le Pain de la fraternité.  Ils vont retrouver les onze apôtres  qui leur annoncent  la résurrection de Jésus.  A leur tour, les deux disciples d’Emmaüs racontent ce qu’ils viennent de vivre avec Jésus.

      Aujourd’hui c’est nous qui marchons.  Chaque fois que nous dialoguons, rencontrons les autres, Jésus est là parfois même sans que nous le remarquions.  Chaque fois que nous nous arrêtons pour comprendre les Écritures  et partager le pain, il se laisse reconnaître.

prière après la Communion

Combien sont-ils, Seigneur, à marcher la tête basse et le cœur vide ?
Ne suis-je pas de ceux-là, quand je ne comprends plus ma vie, quand tout semble échapper à mon contrôle.
Mais je sais que je peux, à tout moment, tendre l’oreille, entendre ton pas à mes côtés et entendre ta voix qui me rassure et me dit : « Je suis là pour toi, avec toi. Je t’invite à retourner vers tes frères et sœurs dont tu t’es éloigné ».
Que ces paroles et ce pain partagés ravivent notre enthousiasme et nous donnent l’énergie du ressuscité. Amen.

Bénédiction

Que le Christ nous accompagne à chaque instant sur notre route. Qu’il soit encore avec nous lorsque le soir approche et que le jour baisse.
Que le Seigneur vous bénisse : le Père le Fils et le Saint Esprit. Amen.

      Abbé Fernand STREBER le 23 avril 2025


lundi 21 avril 2025

Liturgie de la Parole lundi de Pâques

Il est vivant

Méditation 

Il y a 40 jours, j’annonçais un fameux « Mercredi »… 40 jours plus tard, je vous annonce un fameux « Dimanche » ! Oui, certes, le dimanche le plus important de l’année. Après l’événement capital dont on y fait mémoire, rien n’est plus comme avant… Je vous parle de la fête de Pâques, qui proclame la nouvelle inouïe qu’un homme, qui est aussi Dieu, Jésus, est passé de la mort à la vie… et qui plus est, nous entraîne dans sa victoire. Pâques est le sommet de l’année liturgique. La Bonne Nouvelle de ce jour est si grandiose que l’on ne le célèbre pas seulement un jour, mais cinquante, puisqu’après Pâques commence le temps pascal, qui se terminera avec la Pentecôte (ce dernier nom qui signifie « cinquantième »). Comme Noël avec sa traditionnelle « Messe de Minuit », Pâques entretient un lien particulier avec la nuit : le jour de Pâques est anticipé la nuit précédente et ce, depuis les origines.
Pourquoi ce temps de la nuit ? Probablement d’abord pour une raison pratique (les chrétiens n’étaient pas libres de se réunir le jour). Mais ensuite, d’un point de vue symbolique, Jésus s’est identifié à la lumière (« Je suis la lumière du monde » : Jn 1, 9 ; 8, 12), venu « pour éclairer les nations » (Lc 2, 32). Pointons quand même l’écart entre nos pratiques et celle des anciens : s’il nous suffit d’appuyer sur un interrupteur pour profiter de la lumière, il n’en allait pas de même jadis… L’allumage était un rite, le soir venu : le sabbat juif en a gardé la symbolique, lorsque les lampes sont allumées rituellement la veille au soir.
Passer une large part de la nuit en étant éveillé, qu’est-ce que cela signifie ? Quel peut en être le sens ? Rester éveillé, c’est vouloir prolonger le temps de la lumière, c’est proclamer sa victoire sur toutes ténèbres, celles de notre cœur et de notre monde. A Pâques, nous célébrons la victoire du Ressuscité : victoire de la vie et de l’amour sur la mort. Veiller à la nuit de Pâques, ce n’est pas anodin. Lorsque flamboie le feu nouveau de Pâques ou que brille le Cierge pascal, lorsque nos églises sont éclairées en pleine nuit, nous proclamons notre foi et notre espérance !
Foi et espérance pour tous ceux qui connaissent les ténèbres, partout en notre monde, ténèbres du découragement, de l’épreuve, de la souffrance, de la mort. Ce Cierge pascal me conduit à croire que la Lumière sera plus forte que les ténèbres. Et la résurrection de Jésus annonce la mienne. Cette colonne de cire m’invite par ces mots : toi, là où tu es, choisis le Christ, car il est une Lumière « qui ne connaît pas de couchant » !
Lumineux Temps pascal à chacun(e)…

Sr Marie Jean écrit le 6 avril 2015



dimanche 20 avril 2025

Liturgie de la Parole Dimanche de Pâques

Homélie

Évangile: Luc 24, 13-35 les disciples d'Emmaüs


Je crois que cette scène d’Emmaüs, que nous connaissons bien, nous parle de notre situation aujourd’hui, de la situation de notre Église et du monde.
    Voici deux disciples qui font route. Un seul est nommé, Cléophas, l’autre reste anonyme. Peut-être parce que, l’autre, c’est chacune, chacun d’entre nous, qui marchons, désolé peut-être, attristé ou désemparé par ce qui advient au monde aujourd’hui. Il y a de quoi ! Dans notre Église, l’exculturation du christianisme en Europe (Danièle-Hervieu Léger) peut être source de perplexité. Quelqu’un me disait encore, hier : « la jeune génération ne connaît plus rien du christianisme, comment pouvons-nous transmettre ? » Inversement, le travail formidable accompli par le Pape François dans notre Eglise, pour d’une certaine manière, on pourrait dire, tourner la page de la réforme grégorienne (qui a pu tendre à assimiler l’Église à un État bureaucratique, vertical et autocratique) et rouvrir notre Église à la synodalité, conduire à un discernement collectif dans l’Esprit, ensemble, depuis le Vatican jusqu’aux communautés locales, et jusqu’à notre communauté, ici.
    Et puis, il y a le chaos qui advient aujourd’hui sur la scène géopolitique. Des alliances que nous croyions éternelles depuis 1945, qui semblent être défaites. Et ce que le Pape François appelle « la troisième guerre mondiale par morceaux » qui est en train d‘advenir sous nos yeux : au Kivu, à Gaza, en Ukraine... Alors, c’est tout cela que nous portons dans notre sac à dos avec Cléophas sur la route.
    Et voilà qu’un étranger arrive. Un migrant qui traversé la Méditerranée sur un pneumatique.  La police grecque lui a tiré dessus quand il est arrivé sur les rivages de Grèce. Il a survécu, Dieu sait comment. Il est monté dans un train, illégalement, et puis il a atterri quelque part en Europe de l’Ouest, en demandant l’asile. Finalement, il est arrivé en stoemeling en Belgique. On l’a mis dans un centre de rétention — une prison —, où il attend que son sort soit réglé par l’administration. Et peut-être tel ou tel volontaire du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) vient-il lui rendre visite, pour lui dire : « tu sais, pour nous tu es encore un humain. Tu n’es pas d’abord un problème à résoudre mais un frère » ?
    Alors cet homme vient nous parler, sur nos chemins de désolation et peut-être, pour certains, de désespoir. Il n’est pas au courant de tout. Cela fait des mois qu’il voyage en clandestin, caché dans des trains de marchandise… On lui dit : « comment, tu es bien le seul, à Bruxelles, à ne pas suivre ce qui se passe sur X/Twitter, Elon Musk et tout ça ! Tu n’es pas au courant du brole provoqué par les tarifs douaniers ? » Non, non. Mais lui nous renvoie à autre chose. Peut-être, en fait, à une figure de l’Église qui est en train, mystérieusement, discrètement, d’émerger sous les décombres de la réforme grégorienne et du Concile de Trente — un peu comme des fleurs qui poussent dans les interstices du béton de certaines friches industrielles laissées à l’abandon. Un nouveau visage de l’Église, qui n’est plus construit sur, on  pourrait dire, le quadrillage territorial de notre espace par la paroisse, avec le clocher au milieu, le « Père » au milieu, les piliers des sacrements du début jusqu’à la fin de la vie. (Je crois qu’on parle, en Wallonie, des « cinq piliers ».) Peut-être l’Église qui est en train d’émerger, grâce à ce migrant, est-elle fondamentalement « la même qu’avant » mais quelque chose la rend méconnaissable à nos yeux. Tout comme les deux disciples ne reconnaissent pas leur ami, crucifié et mort pour eux, dans les traits de cet inconnu mal informé.
    Qu’est-ce que fait Jésus ? Il renvoie ses deux interlocuteurs aux Écritures. Il leur fait faire un travail de déchiffrage des Écritures, de notre tradition, à la lumière des signes des temps. Et c’est le travail que nous devons faire, et que nous faisons, en Église : lire les Écritures à la lumière des « signes des temps » (Gaudium et Spes §4) et lire les signes des temps à la lumière des Écritures. Il y a là un va-et-vient indispensable sans lequel à la fois l’Écriture devient muette pour nous et les signes des temps, indéchiffrables. Et c’est exactement ce que nous faisons en ce moment-même en relisant l’épisode d’Emmaüs à la lumière de ce qui se passe dans notre monde. Donc le Christ invite ses interlocuteurs, il nous invite aujourd’hui, à faire ce va-et-vient : lire ensemble des Écritures er déchiffrer ce qui advient dans le monde. Et chacune de ces deux lectures éclaire l’autre. Hors de cet aller-retour constant, nous sommes à la peine pour trouver du sens à l’un, le monde, comme aux autres, les Écritures.
    La grande étape suivante, c’est le jour qui tombe, la nuit qui arrive : notre inconnu fait mine de continuer de marcher. Alors, les volontaires de JRS lui disent : « non, non, reste avec nous, au moins pour ce soir ». Pourquoi ? Parce qu’ils sentent bien qu’il y a quelque chose de la douceur, de la tendresse et de la force de Dieu qui émane de cet homme, et qui les rend vivants. Plus tard, dans la relecture, ils constateront que leur cœur « était tout brûlant » (Lc 24, 32). Reste avec nous car, déjà, le jour baisse. La nuit est en train de gagner en Europe et aux États-Unis, peut-être, à la faveur d’élections qui donnent le pouvoir aux plus violents d’entre nous. Certains ont même comme projet explicite de nous plonger dans la nuit : c’est ce que révèle le nom même — Dark Enlightenment, les Lumière sombres — que les idéologues de Donald Trump (e.g., Curtis Yarvin) ont donné à leur agenda politique.  
    Voilà qu’il entre pour rester avec eux. Dans Fratelli tutti, à propos de la parabole du Bon Samaritain, le Pape François nous fait remarquer le rôle primordial joué par les médiations institutionnelles : l’auberge, la monnaie (§77-86)… Il en va de même ici : sans une auberge et un aubergiste qui les accueille, ils n’auraient nul endroit où prendre leur repas du soir, ensemble. C’est la raison pour laquelle l’exhortation apostolique Laudate Deum, par exemple, a une tonalité si explicitement « politique » : la rencontre interpersonnelle que nous chérissons tant, nous autres chrétiens, c’est primordial. Mais elle n’a jamais lieu « dans le vide », « en l’air ». Toujours, il lui faut des institutions pour qu’elle puisse prendre chair. Raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer le politique.
    Ici, c’est la troisième étape fondamentale, je crois, de l’Église qui est en train d’émerger à la lumière post-pascale de la Résurrection. C’est celle de l’hospitalité messianique que le Christ a vécue toute sa vie et dont les deux disciples font à leur tour l’expérience. On peut relire les quatre évangiles, et vous n’y trouverez nulle part Jésus refusant d’entrer en relation avec quiconque. Il accueille le tout-venant, sans lui demander son pedigree – « est-ce que tu as ton certificat de baptême ? Tes papiers sont bien en règle ? Est-ce que tu as bien fait Solvay comme tout le monde ? Ah, tu es ingénieur civil alors ? Tu n’es pas divorcé-remarié au moins… ?»– Il ne pose jamais ce type de question. Que l’on soit Juif ou non, Syro-phénicienne, femme de mauvaise vie peut-être, ou « collabo » du régime romain perché sur son arbre (comme Zachée), larron condamné à mort ou Sadducéen, aveugle, estropié, malade ou docteur de la Loi, il accueille le fils et la fille du Père qu’il a devant lui et chez qui il cherche à reconnaitre la sainteté de son Père. Le Christ est comme un sourcier, vous savez, avec sa fourche de noisetier, qui cherche l’eau dans le désert. Le désert, c’est notre société, avec ses solitudes terribles (y compris dans nos villes bondées). L’eau enfouie, c’est la sainteté de Dieu, que le Père a semée dans le monde. C’est Origène qui nous en parle : dans le Contre Celse, il évoque les semences du Logos  (λόγοι σπερματικοί). Cela renvoie à la sainteté que le Père a jetée discrètement dans le monde et que le Fils vient révéler – un peu comme les œufs de Pâques que nous cherchions avec tant de plaisir, enfants, dans le jardin. Pour les découvrir, il nous faut, comme Cléophas et son ami, apprendre l’hospitalité. Il faut que l’Europe accepte, enfin, d’être hospitalière. Et pas seulement l’Allemagne d’Angela Merkel, en 2015, mais l’Europe d’aujourd’hui. Parce que les migrants qui atterrissent chez nous, nous font voir un visage du Christ aujourd’hui, qui chemine avec nous, sur nos routes de désolation. Parce qu’ils sont l’un des chemins privilégiés par lesquels la grâce nous arrive aujourd’hui.
    Et puis, quatrième étape, tous trois célèbrent l’Eucharistie ensemble. Vous l’avez entendu, ce sont les mots de l’Institution Eucharistique : il prit le pain, il prononça la bénédiction, et l’ayant rompu, il le leur donna. Alors, dans cette Église nouvelle qui est en train d’émerger, discrètement, il y a l’Eucharistie, à la fin, pour célébrer in fine ce qui a été vécu. Alors leurs yeux s’ouvrirent, ils le reconnurent et lui disparut. Avouons-le : nous sommes tous un peu déçus ! Pourquoi disparaît-il ? C’est un petit peu comme sur le Mont Thabor, vous savez (Mc 9, 2-10) : Pierre voudrait planter une tente, faire du camping et rester avec le Christ, Élie et Moïse parce qu’on est « tellement bien », là-haut. C’est comme nous dans notre retraite : on aimerait y rester toujours, et ne jamais redescendre dans la plaine. Là aussi, une fois qu’on a reconnu le Christ à table, on aimerait bien rester avec lui, ne plus jamais en être séparés. Ou encore, dans nos oraisons : quand elles sont consolantes et bonnes, quand la présence de Dieu se fait sentir, nous aimerions qu’elles durent toujours. Mais non. Le Seigneur nous échappe (nolli me tangere) parce que, ce qu’il attend de nous, c’est que nous allions à notre tour transmettre la joie de la Résurrection dont nous avons fait l’expérience avec lui.
    Alors, je crois que c’est cela l’Église en train de naître aujourd’hui, l’Église de demain si nous voulons bien l’aider à grandir. Des communautés chrétiennes, comme celle où nous sommes aujourd’hui, qui apprennent à faire le va-et-vient entre les Écritures, qu’elles lisent ensemble, le déchiffrage des signes des temps, qui deviennent bien énigmatiques, l’hospitalité messianique accordée à l’étranger et la célébration du chemin pascal que nous fait faire cet étranger dans l’Eucharistie. Voilà tout ce dont il est question dans ce chemin d’Emmaüs.
    Et ce chemin,  ὁδός en grec, ils le font ensemble, Cléophas, son ami et le Christ. Et donc en grec cela donc σύν-οδος, et c’est exactement, je crois, le chemin de la synodalité auquel le Pape François nous invite.
    Puissions-nous entrer avec un cœur large et généreux dans cette Église de la Résurrection, fragile mais porteuse d’avenir, qui est en train de naître sous nos yeux. Amen.

Père Gaël Giraud s.j.

Photo du cierge pascal et de l'icône (copie!) de la descente du Christ aux enfers de Roublev