lundi 31 mai 2021

Liturgie de la Parole, fête de la visitation

 (sœur Jean-Baptiste)

 Introduction :

En ce jour où nous fêtons la visite de Marie à sa cousine Elisabeth, je laisserai la place à Sr Anne Lécu qui a écrit une lettre à Marie relatant la rencontre de ces deux femmes dans son petit livre : «  A Marie – Lettres. » 
La tonalité de cette fête est la joie, laissons-nous habiter par cette joie et chantons les psaumes

 Méditation :

Tout d'abord je vais résumer le début de la lettre :  Pour Sr Anne Lécu la visite de Marie à sa cousine évoque le transfert de l'arche par David à Jérusalem. Si vous vous souvenez de l'histoire que vous pouvez lire au 2è livre de Samuel au chap. 6 : l'arche de l'alliance est posée sur un chariot conduit par les fils d'Abinadab. David et tout le peuple dansent autour de l'arche. Voilà qu'un incident se produit, Ouzza étend la main vers l'arche de Dieu qui manque de verser et il la retient – littéralement «la saisit ». Dieu le frappe pour ce geste et Ouzza meurt là, près de l'arche. Nous avons difficile à comprendre la réaction de Dieu. David lui a compris la gravité de ce qui s'est passé, il n'est pas possible de mettre la main sur la Parole de Dieu, de la saisir. Aussi prend-il une décision : il renonce à son projet de transférer l'arche et il l'a conduit chez son cousin Obed-Edom où elle restera 3 mois. Cette distance que David met entre lui et l'arche va lui permettre de devenir libre  et « par cet écart il apprend à ne pas mettre la main sur la Parole de Dieu. »

 Maintenant voici une partie de la lettre  que sr Anne Lécu a écrite : 

« Peut-être Marie, que Gabriel choisit de te faire faire un détour, qui passe par la maison de ta cousine qui a besoin de toi. Peut-être que le chemin le plus direct vers Dieu passe par tous ces détours que nous ne comprenons pas toujours. Or, que se passe-t-il dans le sein d'Elisabeth quand tu entres dans sa maison ? A quelle heure arrives-tu ? Est-ce-le matin ou le soir ? Zacharie n'est pas là ? On a l'impression que le décor s'efface et qu'il ne reste que vous deux, et ces deux hôtes qui habitent chacun de vos ventres. L'enfant qu'Elisabeth porte se met à danser devant toi, comme autrefois David devant l'arche d'alliance. Et toi ? Que perçois-tu dans ton sein ? Comment entends-tu les mots de ta cousine ?  Avec quelles entrailles les reçois-tu ? Ce qui se passe est inouï : Marie, tu es devenue l'arche d'alliance, rien de moins ! Peut-être faut-il ce long séjour de trois mois à l'écart pour que tu entendes à nouveaux frais les mots de l'ange, relayés cette fois par ta cousine ? Peut-être nous faut-il écouter ce que nous disent les autres pour y entendre, comme en dessous, les mots d'un Autre pour nous ? Mais ce n'est pas tout ! Par toi, nous pouvons croire que toutes et tous sommes appelés à devenir aussi arche d'alliance, et à porter mystérieusement, chacun à notre façon, le Christ au monde. Cela se fait bien sûr, autrement que toi, mais tu nous souffles à l'oreille que l'intériorité de chacun peut se creuser, et accueillir la parole du Père, afin qu'elle s'incarne dans chacune de nos existences. Porter le Christ, devenir « christophore », c'est une autre manière de devenir celle ou celui que l'on est vraiment, tu ne crois pas ?

En relisant le chant d'Elisabeth repris dans la prière la plus populaire, après le Notre Père, le « Je vous salue Marie », je me rends compte que ta cousine nous a donnés, par ces mots, la grâce de te recevoir comme celle qui vient nous visiter. Je comprends mieux du coup, combien d'hommes et de femmes semblent avoir plus de facilité à te parler à toi qu'à parler à ton Dieu. C'est que tu es l'une de nous, Marie, indéfectiblement. L'une de nous qui s'approche. En visitant ta vieille cousine, c'est chacun de nous que tu visites. « Comment  m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » Mystérieuse complicité qui traverse le temps, grâce à la Bible, et permet que nous nous sentions proche de cette vieille femme qui attend un enfant qui danse, et comme elle émerveillés de ta visite. »

Notre Père :

Marie nous a laissé son chant d'action de grâce à Dieu, avec les mots que Jésus nous a laissés prions à notre tour le Père :

 Conclusion :

Dieu notre Père, par cette mystérieuse rencontre de deux femmes portant chacune un enfant dans son sein, tu nous révèles l'intimité profonde que tu veux avec nous, devenir à notre tour des «  christophore » pour porter au monde la bonne nouvelle de ton amour, que cet amour nous fasse « danser de joie » en ta présence et avec ton Fils Jésus Christ qui règne avec toi et l'Esprit source de toute joie maintenant et toujours.

samedi 29 mai 2021

Liturgie de la Parole, 8e samedi TO

(sœur Myrèse)

Ouverture :

Aujourd’hui, avec Ben Sira nous sommes invités à louer, rechercher, aimer la Sagesse. Bien sûr pas la sagesse trop humaine, qui coupe les ailes à l’Esprit de Dieu et l’empêche de souffler où il veut. Vous le savez, les Pères ont reconnu en Jésus la Sagesse personnifiée. Oui, Jésus est la Sagesse de Dieu, sagesse qui est folie aux yeux des hommes, mais qui se révèle vie, joie, salut pour qui l’accueille. Je vous propose d’écouter ainsi ce texte de Ben Sira, comme parlant de Jésus, Sagesse personnifiée ! Nous verrons alors dans l’Evangile comment cette sagesse est parfois surprenante !

La Parole méditée :

Alors dites-moi, comment entendez-vous cette page d’évangile ? Vous vous réjouissez en disant : et toc ! bien fait, bien répondu, Jésus ! Tu les as eus ! Dites-moi vous croyez vraiment que Jésus, Sagesse de Dieu, s’amuse à mettre ses adversaires en boîte ? Bien sûr je ne vais pas vous dire le contraire, la réponse de Jésus est un chef d’œuvre de logique. Un joli dilemme bien bâti. Qui vous place devant un choix apparent entre deux options, mais ces deux options vous coincent ! Quel que soit votre choix en ce dilemme, vous êtes mal pris ! Est-ce que vraiment Jésus prend plaisir à clouer le bec à ses adversaires, à les humilier devant ses disciples ? J’ai franchement peine à le croire. Jésus est venu en sauveur, et que je sache, il offre son salut à tous, donc aussi aux chefs des prêtres, aux scribes et aux anciens qui viennent le trouver. Est-ce offrir le salut que présenter un tel dilemme ? Oui, je le crois ! Laissez-moi tenter de vous le montrer.

Jésus est interrogé sur son autorité. D’où la tient-il ? Qu’est-ce qui lui permet de se comporter ainsi ? qui l’a mandaté ? comment peut-il se comporter ainsi ? souvenez-vous, Jésus vient de faire un joli ménage dans le temple, il en a chassé les vendeurs comme les acheteurs, il a renversé les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de colombes… On ne s’étonne guère de la question qui maintenant lui est posée : d’où vient cette autorité ? pour qui te prends-tu ? il y a un commandant gardien du bon ordre au temple… qui t’a donné autorité pour t’agiter ainsi, pour t’ériger en maître contre le commerce du temple ?   

A cette question, Jésus répond par une autre question. Au lieu de dire : je tiens l’autorité de… il interroge sur le baptême de Jean le précurseur. Jean celui qui a reçu mission de rendre témoignage à Jésus. Jésus pose la question de manière abrupte, avec un dilemme : son baptême vient-il de Dieu ou des hommes ? Jean était prêtre, vous vous en souvenez, papa Zacharie officiait au temple tandis que l’ange lui a annoncé la naissance de Jean. Et en Israël, le sacerdoce est héréditaire. Si Zacharie est prêtre, Jean l’est aussi. Mais voilà, Jean a exercé son sacerdoce d’une manière un brin étrange. Il n’a pas servi au temple comme Zacharie ! mais il n’a pas pour autant déserté la mission. Il a exercé non dans la liturgie somptueuse, sacrificielle du temple, ce temple que Jésus vient de balayer fougueusement, pour le rendre à sa mission de maison de prière. Jean s’est retiré au désert, sur les bords du Jourdain, et là, il a invité les gens qui venaient à lui, à un sacrifice nouveau : celui d’un cœur brisé. Et la foule venait à lui en confessant son péché. Jean a exercé son sacerdoce au temple du cœur de l’homme : Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plait à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé. (Ps 50, 18-19)  

Alors le baptême de Jean, il vient de Dieu ou des hommes ? si les auditeurs de Jésus reconnaissent en Jean un homme de Dieu, un prêtre qui a exercé au temple choisi par Dieu, qu’est le cœur de l’homme, alors comment ne pas reconnaître le témoignage de Jean.  Comment ne pas reconnaître que Jésus est le messie annoncé ? si les auditeurs de Jésus ne reconnaissent pas en Jean l’envoyé de Dieu, et en son baptême, une préparation à accueillir le Messie, alors ils ne reconnaîtront pas plus Jésus. En fait en posant ce dilemme, Jésus donne une clé de lecture de l’événement du temple. Une clé de lecture de son geste prophétique quelque peu bousculant, de restitution du temple à sa mission : lieu de prière pour tous les peuples.

Une fois de plus, Jésus tente de ramener ses adversaires à leur conscience ! il voit leur désir de servir Dieu, il voit tout autant leur dérapage ! leur manière d’avoir cadenassé, tué la foi en la bloquant dans un système religieux qui ne laisse plus de place à la vie. Il ne les confronte pas directement à lui-même, ce qui les humilierait, mais il leur demande simplement de se souvenir de Jean ! regardez son action !  et si vous reconnaissez son bienfondé, vous reconnaitrez aussi son message ! et lui Jean a rendu témoignage à Jésus. Voilà la perche que Jésus leur tend ! la foi ne s’impose pas, elle se propose. Et toi… comment reçois-tu l’action de Jésus en ta vie ? Jésus sait très bien qu’un dilemme se solutionne non dans l’opposition des deux termes, mais dans l’avènement d’un troisième terme : le baptême de Jean ? il vient de Dieu et des hommes ! il vient de l’union de deux désirs : le désir de Dieu et le désir de l’homme. Ainsi Jésus trouve son autorité, dans son humanité divine !

 Invitation au Notre Père :

Comme Jésus nous y invite, tournons-nous vers le Père avec confiance

Prière d’envoi :

Jésus, encore et toujours, tu nous envoies tes messagers. Encore et toujours tu nous invites à la foi, à l’engagement total de nos vies sur les chemins de l’Evangile. Jésus sauveur, fais-nous adhérer de tout cœur à toi, aussi déroutant puisse être ton appel.

Bénédiction :

Que le Dieu dont la sagesse se révèle folie à nos yeux, nous bénisse…

jeudi 27 mai 2021

Liturgie de la Parole, 8e jeudi TO

 (Danièle)

Introduction

 Dans l'évangile d'aujourd’hui, avec Bartimée, nous sommes appelés à reconnaitre que nous avons besoin de la grâce de Dieu.

Avec Bartimée nous sommes appelés à bondir vers Jésus dans un véritable élan de confiance, en laissant là notre manteau !

 Avec Bartimée nous sommes appelés à quitter notre bord de route, à quitter cette partie de notre cœur qui est éloignée de l’amour de Dieu.                                          

Avec Bartimée, nous allons chanter les psaumes avec force et avec foi pour louer Dieu.

 

Après l'Evangile :

Bartimée est aveugle, assis au bord du chemin. Il ne marche pas avec Jésus. Il est fils indigne, mendiant, mais là, il appelle au secours. Révolté criant au fils de David. Il fait honte. Il n'est pas à sa place dans cette marche, il n'est pas à sa place dans cette foule qui suit son Seigneur ! La foule se dresse, tel un mur entre Bartimée et Jésus.  Les apôtres font barrage. Il y a plusieurs appels… L'homme appelle Jésus, il crie, il crie encore plus fort quand on lui dit de se taire, et Dieu entend. Jésus, appelé par lui, fait des disciples ses collaborateurs, il casse le mur, il leur dit appelez-le ! et la foule et les disciples l'appellent en lui disant que Jésus l'appelle… Qui appelle qui ? On s'appelle. Tout le monde appelle ! Alors, forcément, la communication est établie… ! L'appel de Bartimée et l'appel de Jésus se sont rencontrés. C'est quelqu'un d'imprévu qui appelle Jésus, et Jésus, s'arrêtant de sa marche avec nous, nous envoie l'appeler.  Faudrait-il alors que nous soyons attentifs à qui appelle le Seigneur, même avec des idées fort éloignées des nôtres ? Faudrait-il que nous soyons attentifs aux bordures de la route plutôt qu'à nos propres pas ? C'est le Seigneur qui appelle à travers nous, qui il veut. C’est lui qui appelle celui ou celle que nous n'avions pas vu, qui ne nous intéressait pas, dont nous n'aurions pas pensé que « ça le ferait »…  Un homme appelle. Veut-il être guéri ? Jésus se doute bien de ce qu’il veut lui demander, il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'il l'est, et pourtant il l’interroge.. que veux-tu que je fasse pour toi.. Alors pourquoi Jésus lui pose cette question ? Dire son désir profond, c'est dire qu'on est déterminé à avancer. En criant l’homme est encore tourné sur lui-même, assis... mais en répondant à Jésus il fait un véritable acte de foi . Tout bascule, il est debout quand Jésus le guérit. Le fils indigne était sans valeur, c'est l'appel de Jésus qui lui donne sa valeur, qui lui rend son honneur. Il n'a pas demandé une maison, un travail ou de quoi vivre, non, il veut devenir un être vivant à part entière et, le vrai miracle c'est que, guéri, il ne part pas de son côté mais il suit Jésus, jusqu'à Jérusalem.                                                                

La foule qui empêche de crier et qui se trompe, c'est nous. Mais l'Église qui appelle de la part de Jésus et qui marche derrière Jésus, c'est nous aussi. Et là, sur le bord du chemin, c'est nous, c'est moi, aveugles... Nous sommes aveugles lorsque nous regardons de haut ceux qui sont marginaux , ceux qui sont plus « petits » que nous, ceux qui ne sont pas de notre « classe ». Nous regardons la misère des autres et nous ne voyons pas la nôtre ! J'imagine Jésus me disant, «Que veux-tu que je fasse pour toi?»                 

 

Invitation au Notre Père

Au milieu de toute cette foule bruyante, Jésus entend le cri de Bartimée. Jésus prend soin de chacun de nous, il ne passe pas près de nous sans être sensible à nos cris. Pour Dieu, chacun(e) de nous est son enfant unique et aimé(e) de façon particulière. C'est pourquoi nous pouvons nous adresser à lui avec confiance en l'appelant « Père ». l

 

Prière finale

-Seigneur, aies pitié de nous ! Fais que nous voyions!

Il y a beaucoup de gens en bordure de la route, ils nous crient d'avoir pitié d'eux.

-Seigneur, comme Jésus, nous avons besoin d'arrêter tout ce que nous faisons pour entendre leurs cris.

-Seigneur, quand tu nous guéris, quand tu viens ainsi nous transformer, aide-nous à mettre cette guérison à ton service et au service des autres.

Nous le demandons à toi qui vis et règnes avec le Christ et le saint Esprit maintenant et pour les siècles des siècles.

mercredi 26 mai 2021

Liturgie de la Parole, mémoire de St Philippe Néri


(sœur Marie-Jean)

Introduction

Nous voici rassemblés en communauté, en Eglise.

Le Temps pascal à peine achevé, la reprise du Temps Ordinaire nous confronte déjà à la perspective du Vendredi Saint.

Dans l’Evangile que nous entendrons, Jésus annonce, pour la 3e fois, les souffrances qui l’attendent, sa mort… et sa Résurrection.

Telle est la réalité de tant de nos contemporains qui, comme les disciples de Jésus, sont « en route pour monter à Jérusalem ; Jésus marchait devant eux ; ils étaient saisis de frayeur, et ceux qui suivaient étaient aussi dans la crainte »

La liturgie ne peut passer sous silence la vie concrète des hommes, femmes et enfants.

Mais elle peut aussi, au cœur de cette réalité, laisser poindre une joie.

La joie promise par Jésus dans ses discours d’adieux, joie qui intègre la souffrance, celle que nous avons pu réécouter dans les évangiles de la 7e semaine du Temps pascal.

Aujourd’hui, 26 mai, nous célébrons la mémoire de l’apôtre de la Joie, un Saint que j’affectionne, Saint Philippe Néri.

Sa fête se situe opportunément après la Pentecôte.

Je laisse un Oratorien, le Père Jacques Bombardier, nous présenter l’événement décisif :

« C’est (à Rome), dans ce lieu fréquenté assidûment chaque nuit que se situe l’événement marquant de la vie intérieure de St Philippe : la Pentecôte de 1544. ‘Philippe avait aussi pour habitude quotidienne de prier spécialement le St Esprit et de lui demander en toute humilité ses grâces et ses dons… Tandis qu’il priait ainsi un jour de l’an 1544 avec grande ardeur, il sentit soudain dans son cœur une telle explosion du grand amour du St Esprit qui le submergeait, que le cœur se mit à battre si fort dans sa poitrine qu’on pouvait l’entendre du dehors’. Cette expérience de l’amour emplit Philippe d’une joie folle, ‘une joie qui lui vient tout entière de l’amour de Dieu’ ».

A notre tour, invoquons l’Esprit-Saint pour nous-mêmes et notre monde, afin que la Joie et l’Amour de Dieu nous entraînent, à la suite du psalmiste, à « sans fin lui rendre grâce et d’âge en âge proclamer sa louange »[1].

 

 Méditation

La suite de l’évangile illustre bien la mémoire de notre Philippe Néri…

En effet, les fils de Zébédée briguent l’honneur de « siéger, l’un à la droite et l’autre à la gauche (de Jésus), dans sa gloire »

Jésus leur enseigne la juste « ambition » :

« Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous »

Sens du service, simplicité, proximité.

L’Apôtre Philippe se fait disciple de Jésus :

« Le voici donc, comme Socrate…, semblant n’avoir jamais rien à faire que d’errer à travers le dédale des rues romaines. St Philippe n’enseigne aucune doctrine particulière, n’impose aucune pratique spéciale… c’est tout au plus s’il suggère. Mais on ne peut vivre quelque temps avec lui sans devenir autre qu’on était. De soi-même, on s’imposera les changements qu’il ne proposait même pas. Cet apostolat peu banal qui commence comme une simple amitié et qui finit de même, mais dans l’entre-deux toute la vie d’une âme s’est communiquée à une autre, c’est déjà le caractère qui restera le plus constant des méthodes oratoriennes pour autant qu’il n’y en aura jamais »[2].

Quant à la fondation de la Congrégation de l’Oratoire, elle s’enracine dans « un amour ardent de Jésus » :

« Sa contemplation solitaire et amoureuse de Dieu a fait naître en lui cette compassion qui le porte à tout faire pour sauver le prochain… L’Oratorio occupe toutes les énergies de St Philippe : chaque jour, les rencontres de prière, les confessions, les directions spirituelles, les visites à domicile pour les malades, les pauvres qu’il secourt… »[3]

Là aussi, beaucoup de liberté et de service :

« L’intensité de sa vie spirituelle l’invite à penser que l’amour de Jésus est le plus exigeant des appels. C’est quand on manque de foi, qu’on a besoin de lois. Anarchiste de tempérament, il trouve sa loi dans l’amour, et sa liberté dans une servitude amoureuse »[4]

Enfin, un dernier trait de la vie de St Philippe, devenu prêtre, est sa communion au mystère de l’Eucharistie :

« Les dernières années de sa vie, il mène une vie assez retirée. Il est tellement ravi en extase quand il célèbre la messe qu’il ne peut plus célébrer en public ; il célèbre la messe dans une petite chapelle et prend la matinée pour célébrer les saints mystères. Il ne peut plus prêcher sans être ravi en extase : toute sa vie, Philippe dut se distraire (!) pour échapper aux extases et ainsi arriver à prêcher ou à célébrer la messe !... Et puis St Philippe fait tout pour qu’on ne le prenne pas pour un saint, convaincu qu’il est d’être un grand pécheur »[5]

Rendons grâces pour un tel Saint et, dans son sillage, mettons nos pas dans ceux de Jésus, lui qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude »

 

Temps de silence


Notre Père 

Avec St Philippe, entrons dans la prière de Jésus…


Oraison

En ce 26 mai, nous nous sommes souvenus de la vie et de l’enseignement de Saint Philippe Néri. Accorde à ton Eglise d’aujourd’hui les Saints qui pourront parler de Toi, dans la simplicité, la vérité et la liberté. Insuffle en nos cœurs cet Amour ardent pour Jésus qui nous conduira, tout empreints de ta Joie, vers nos frères et sœurs. Offre-nous la Grâce d’être tes témoins. Nous te le demandons par Jésus-Christ, ton Fils Ressuscité, désormais près de Toi, Lui qui règne avec Toi et le Saint-Esprit, un seul Dieu pour les siècles des siècles.             



[2] L. Bouyer, Un socrate romain, p. 24-25.

[4] homélie du Père Boureau (+) prononcée en l’église Saint-Eustache le 24 mai 1992 : https://www.oratoire.org/saint-philippe-neri/

[5] http://www.oratoire-nancy.org/saint-philippe-neri-notre-fondateur/

mardi 25 mai 2021

Liturgie de la Parole, 8e mardi TO

 (sœur Marie-Raphaël)

Ouverture.

« Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité ». Tel pourrait être le titre de cette célébration. En effet, dans la première lecture, nous entendrons que Dieu donne le septuple, et dans l’évangile il sera question du centuple. Mais est-ce bien pour avoir le centuple que nous avons tout quitté pour suivre Jésus ? Est-ce pour avoir le septuple que nous offrons à Dieu de belles offrandes ? L’homme riche de l’évangile d’hier voulait savoir ce qu’il devait faire pour avoir la vie éternelle…

Le chant d’entrée nous a rappelé que nous faisons aujourd’hui mémoire d’un moine bénédictin du 8ème siècle, saint Bède le Vénérable. Lui, il est « tombé dans la marmite bénédictine » quand il était petit. Il est devenu érudit, il est le premier historiographe de l’Angleterre, mais on dit aussi de lui qu’il avait une « âme de cristal ». Sa vie s’est élevée devant Dieu comme un parfum d’agréable odeur… Après avoir entendu la retraite de sœur Anne Lécu sur les parfums, nous comprenons mieux ce que cela veut dire !

Résonances

« C’est présenter de multiples offrandes que d’observer la Loi ; c’est offrir un sacrifice de paix que de s’attacher aux commandements ». L’homme riche de l’évangile d’hier peut bien s’appliquer ces paroles. Il a parfaitement observé la Loi, il s’est attaché aux commandements. Pourtant, il sentait confusément que quelque chose d’important manquait encore…

En écho à la parole de Jésus sur la richesse et le détachement, Pierre prend la parole aujourd’hui : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre ». Rappelons-nous : qu’est-ce que Pierre a quitté ? Il a quitté ses filets et sa barque (c’est bien le même mot qui est utilisé). Ce n’est pas autant que ce que le jeune homme riche aurait dû lâcher, mais pour Pierre et André, c’était « tout », parce que c’était leur moyen de subsistance. À ce moment-là, a-t-il réfléchi à une récompense ? Non, mais peut-être qu’en cours de route, et surtout maintenant qu’il a été témoin de cette rencontre avec l’homme riche, il se rend compte de l’énormité de son geste, de son impulsivité du début, et il prend peur, il cherche une compensation.

La leçon du texte est plus subtile. L’homme riche recherche un intérêt. S’il observe les commandements, s’il demande à Jésus ce qu’il pourrait faire de plus, c’est en vue d’obtenir quelque chose (la vie éternelle, autrement dit une plénitude de vie qui commence dès maintenant, une paix intérieure qu’il n’a pas encore découverte). Pour lui, la vie éternelle est quelque chose qui se mérite… au bout d’un long parcours d’observances. Sous l’influence de cette remarque de l’homme riche, Pierre se demande ce qu’il va bien pouvoir mériter…

Regardons bien la réponse que Jésus adresse à Pierre et laissons-nous surprendre. Il dit d’abord : « nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’évangile, une maison, des frères etc… » Il dit « à cause de moi » et pas « pour obtenir quelque chose ». On ne suit pas Jésus pour quelque chose, on le suit parce qu’il est là. Sa venue est une cause qui attend une réponse. C’est parce que Jésus est là qu’on répond à son appel, et pas pour obtenir qu’il vienne. La suite de la phrase va plus loin. C’est une construction grammaticale un peu compliquée. Jésus ne dit pas : « tous ceux qui auront quitté maison, frères, sœurs etc. …  à cause de moi… recevront le centuple », mais il dit : « personne n’aura quitté à cause de moi maison frères sœurs etc… sans recevoir le centuple ». Il y a ici une conditionnelle négative que l’on peut traduire simplement par « si ne pas… » ce qui donne en fait : « personne n’a quitté maison, frères sœurs etc., à cause de moi, s’il n’a pas reçu pas le centuple maintenant, en ce moment, maison, frères sœurs etc… » (ou : « à moins d’avoir reçu… »).

On peut comprendre : c’est parce que le centuple est donné qu’on lâche tout pour suivre Jésus. Le centuple n’est pas une récompense, c’est un préalable ! Dieu est toujours premier dans le don. Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité : en fait toute la générosité vient de lui et notre don n’est jamais qu’une réponse, une action de grâce, un désir fort de lui offrir en retour quelque chose de ce centuple reçu.

À chacun de nous de s’interroger : quel est ce centuple pour moi aujourd’hui ? Le centuple du début de ma marche avec Jésus n’est sans doute pas le même que le centuple d’aujourd’hui. Il y a toujours motif à rendre grâce, à essayer d’être à la hauteur de la générosité de Dieu !

Prière

Que nos prières devant toi, Seigneur, s’élèvent comme un encens. Que nos offrandes se glissent dans le don de ton Fils, et reçoivent de son parfum leur bonne odeur. Que notre action de grâce devienne contagieuse et qu’elle permette à ta grâce de se répandre dans le monde, avec délicatesse. Nous t’en prions par Jésus…

samedi 22 mai 2021

Liturgie de la Parole, 7e samedi du Temps Pascal

 (Sr Myrèse)

Ouverture :

Nous voici donc au terme du temps pascal… demain, il explosera en Pentecôte ! Nous lançant sur les chemins du monde, porteur de l’évangile du Ressuscité. Pour vivre cette fin du temps pascal, la liturgie nous offre les derniers versets du livre des Actes, et les derniers versets de l’Evangile de Jean… Allons-nous donc à travers ces textes apprendre ce qu’est une finale dans l’univers de Jésus ??? Entrons dans cette liturgie par le chant des psaumes !

 La Parole méditée :

Oui, nous voici à la fin du temps pascal, à la fin du livre des Actes et à la fin de l’Evangile de Jean… à chacun, chacune de penser face à quelle fin il ou elle se trouve aujourd’hui en sa vie… Et puis regardons de plus près cet art de la fin !

Qui dit fin, dit inscription dans le temps. Il y a eu un début, il y a une fin, entre les deux un chemin s’est tracé, dont on ignorait tout avant même de l’emprunter… et un chemin qui lorsqu’on regarde en arrière révèle enfin sa cohérence : il y a inclusion dans le livre des Actes. Il s’agit du livre des Actes des Apôtres pas du récit de la vie des apôtres… sinon comment se fait-il que le livre ne va pas jusqu’au récit de la mort de Paul, des apôtres ? et si on parle du livre des Actes, c’est bien que le livre ne peut que parler de la face visible des choses, et non de la trame intérieure… ce qui a bougé, tout au long du livre : c’est l’avancement de la mission, c’est l’annonce du Règne de Dieu, et sa lente croissance dans les cœurs, dans les communautés. Au début des Actes Jésus proclame le règne de Dieu (1,3) et il envoie ses apôtres être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre (1,8). A la fin, l’extrémité connue de la terre est atteinte, Paul est à Rome, et il proclame le Règne de Dieu. Il faut encore que le Règne progresse, grandisse… et pour cela qu’il soit encore et toujours annoncé. Ce qui s’achève peu à peu : ce sont les actes des premiers apôtres, l’annonce du Règne et sa croissance dans les cœurs, elle va continuer ! elle est parvenue jusqu’à nous, et ira encore bien au-delà de nous. Il ne faut pas confondre notre mission et la mission universelle qui dépasse largement nos œuvres, nos actes ! et qui va se poursuivre bien après nous ! Il ne faut pas confondre la mission précise, limitée dans le temps, et la vie divine qui grandit dans les cœurs, jusqu’à la plénitude du Royaume, hors du temps.

Si on regarde l’évangile : hier Pierre a vu sa mission confirmée, en même temps que Jésus lui a annoncé par quel genre de mort il rendrait son ultime témoignage : un autre te passera ta ceinture et te mènera là où tu ne voudrais pas aller. Et tandis que Pierre marche, accompagne Jésus, on a bien l’impression ici, que c’est Jésus qui accompagne Pierre, qui l’aide à marcher sur sa route personnelle. Aussi quand Pierre interroge Jésus sur ce qui adviendra du disciple aimé, Jésus lui répond : que t’importe, toi, accompagne-moi. Jean pourrait vivre bien plus longtemps ? et alors ! que t’importe, il m’accompagne là où je l’ai requis, toi accompagne-moi là où je t’espère aujourd’hui. Tu marches sur la route du Royaume, tu accomplis la mission que je t’ai confiée. L’évangile avait commencé avec l’appel des premiers disciples : accompagne-moi (1,43). Aujourd’hui l’évangile se termine dans le renouvellement de cet appel. Ce n’est plus le même appel qu’aux premiers jours : Jésus a traversé la croix, la mort, la descente aux enfers, il est ressuscité, et bientôt il disparaîtra aux yeux de chair des disciples. Pierre est passé de l’enthousiasme des premiers jours, à l’horreur de la condamnation de Jésus et à sa terrible chute à lui, Pierre : son reniement. Il a vécu le traumatisme de la crucifixion de Jésus et l’inouï de la résurrection, et puis cette marche le long du lac, où Jésus lui a renouvelé son appel, lui a confié sa mission pastorale. Et aucun des disciples n’a reçu la totalité de la mission du salut. Chacune, chacun a reçu un bout de chemin à parcourir, un bout de témoignage à porter, et puis vient le temps de finir : un autre te mettra ta ceinture, et te mènera là où tu ne voudrais pas aller. A ce moment, d’autres disciples poursuivront, que t’importe de savoir comment le Règne poursuivra son chemin dans le cœur des hommes : toi accompagne Jésus là où il t’espère, t’attend, aujourd’hui.

Le monde ne suffirait pas à contenir tous les livres racontant les œuvres de Jésus : ces livres en fait ce sont les vies de ceux et celles qui, au jour le jour, accompagnent Jésus. Ce sont les vies des disciples qui jusqu’à ce que Jésus revienne, portent l’annonce du Règne. Alors comme Jésus lui-même a dû se déprendre de sa mission, pour tout remettre aux mains du Père sur la croix, ainsi chaque disciple est invité à porter la mission, autant que Jésus lui demande, pour la déposer un jour, lorsque son heure sera là. Et s’il s’abandonne au chemin nouveau que le Père lui ouvrira, s’il ouvre les yeux, alors il verra la lente croissance du Royaume, il accompagnera Jésus jusqu’au bout et il sera dans la joie !

 Invitation au Notre Père :

Jésus, que notre mission soit en cours ou accomplie, tu nous invites à t’accompagner jusqu’au bout, mets ton Esprit en nos cœurs, que nous puissions avec toi, prier le Père, pour que son Règne grandisse

 Prière d’envoi :

Seigneur Jésus, aujourd’hui tu nous invites à nouveau : accompagne-moi ! fais-nous comprendre la route que tu nous ouvres, la mission que tu nous confies, pour que germe ton Règne en tous les cœurs.

 Bénédiction :

Que le Dieu maître du temps et de l’histoire…

vendredi 21 mai 2021

Liturgie de la Parole, 7e vendredi du Temps Pascal

 (Rosy)

Introduction :

Nous voici invités, une fois encore, à entrer au cœur d’un de ces passages au style littéraire le plus étonnant et le plus émouvant des évangiles : le dialogue entre Jésus et une autre personne. Chaque fois, la surprise, l’inattendu, l’imprévisible sont au rendez-vous.

Encore un peu, on se sentirait de trop, tant c’est un moment d’intimité, parfaitement accordé à l’interlocuteur. La Samaritaine, Nicodème, le couple d’Emmaüs… connurent ce moment privilégié qui fait basculer une vie.

Je m’en tiendrai donc à l’évangile et à ses trois questions qui semblent quasi identiques.. et pourtant…. Un seul mot revient tel quel, un tout petit mot : « mes », oui, dans ce passage, il s’agit avant tout du troupeau de Jésus. Ce sont donc les agneaux qui vont nous servir de fil rouge.

Tournons-nous d’abord vers le Seigneur en chantant les psaumes.

 

Méditation :

Quelle journée et que d’émotions… La soirée les a trouvés noyés de tristesse. Alors Simon-Pierre se lève et déclare : je vais pécher…

On t’accompagne, répondent les 5 ou 6 autres tout aussi désœuvrés. Mais les filets restent vides et le moral au plus bas.

Quelqu’un sur le rivage enfonce le clou en leur demandant à manger, en les appelant « enfants » et en leur disant de jeter à droite !

Puis tout bascule : C’est Jésus, il amorcé le repas, et les voilà reportés au bon vieux temps…

La quiétude s’installe.. ; ils sont fortifiés par les poissons et surtout par le pain partagé.

C’est à ce moment que Jésus se lève et fait signe à Simon ; ils s’éloignent à deux  le long du rivage… voilà qui rappelle à Simon ce moment, il y a bien 3 ans, où Jésus l’a déjà retiré de ses filets… voilà qui nous évoque sans doute aussi certains souvenirs personnels…

Pour ce moment fondamental – car il s’agit bien d’un fondement, d’une fondation – Jésus n’a pas choisi un lieu sacré : ni temple ou synagogue, ni montagne ni même cénacle.

Le lieu de la rencontre est pourtant aussi un espace sacré : c’est la nature, la beauté de la mer, la grandeur du ciel…

Et Jésus y va de ses questions, mais de manière très déroutante.

3 questions où Jésus – ou Jean – joue des synonymes.

Les traducteurs les ont, soit ignorés – comme la traduction liturgique – ou bien agrémentés avec fantaisie.

Sans en faire l’étude comparée, en souligner quelques touches peut nous éclairer.

Mais d’abord, pourquoi « Simon » ? A-t-il démérité par son triple reniement, et faut-Il sa triple profession de foi pour retrouver son rôle de « roc » pour ses frères ? Peut-être…

La première question commence bien : m’aimes-tu plus que ceux-ci ?

Voilà Jésus qui se met à faire des comparaisons, l’évaluation des mérites tant qu’on y est…

Mais qu’a dit Jésus ?

-         M’aimes-tu plus que les autres ne m’aiment ? La réponse est impossible et Simon ne tombera pas dans le panneau…  alors ?

-         M’aimes-tu plus que tu n’aimes les autres ? … là, nous sommes en pleine RB qui nous dit de ne rien préférer au Christ.

Les trois questions portent sur l’amour… mais ce n’est pas le même amour…

Jésus commence par parler d’agapè, cet amour désintéressé, inconditionnel, fidèle... C'est le plus élevé des 3 types d'amour dans la Bible. Agapè décrit entre autre l'amour de Jésus pour son Père et pour ses disciples. 1 Corinthiens 13 donne une description de l'amour agapè.

Pierre lui répond avec le mot philia, l'amitié naturelle ou l'affection fraternelle que nous éprouvons à l’égard d’un ami ; tout simplement « l’amour fraternel ». On pourrait dire qu’il répond un peu à côté, qu’il n’adhère pas complètement, ou qu’il ne s’en sent pas capable ?

Ce qui est remarquable, c’est que, à la 3e et dernière fois, Jésus rejoint Simon, et parle lui aussi de philia. Jésus qui connaît nos faiblesses et nous y rejoint pour nous entraîner avec lui.

Simon va acquiescer en répétant : « toi, tu sais » et la 3e fois, « toi, tu sais tout, toi tu sais donc que je t’aime ». Un bel exemple de prière chaque fois que nous hésitons à nous adresser au Seigneur, « puisqu’il sait déjà tout ». Oui, nous pouvons lui raconter nos vies, implorer son aide, c’est même ce qu’il nous commande : « Tout ce que vous demanderez.. »

Mais le triptyque n’est pas complet puisque, chaque fois, il y a la conclusion de Jésus. Trois expressions différentes, avec une seule constante : le possessif « mes ». Ce me semble le mot clé : c’est d’abord du troupeau de Jésus qu’il s’agit. La liturgie parle de berger ou de pasteur mais ce mot ne se trouve pas en grec. Jésus est d’ailleurs le seul bon berger.

On traduit aussi par « pais mes brebis » Ce qui est grammaticalement faux car ce verbe est intransitif, on ne pait pas quelque chose ! Quant au grec, il emploie deux verbes différents… comme il a deux mots pour les membres du troupeau… les agneaux puis les brebis.

L’important est que Jésus confie son troupeau à un homme, Simon, là au bord du lac, mais aussi à chacun de nous. Chaque chrétien est à la fois membre et responsable du troupeau, selon la volonté de Jésus.

Ainsi Simon est établi comme gardien du troupeau qui n’a qu’un seul pasteur, un seul guide, celui qui connait ses agneaux et que ses brebis connaissent.

 La traduction de Chouraqui aide à synthétiser tout cela :

« Simon fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? »

Il lui dit: « Oui, Seigneur, toi, tu sais que je te chéris. »

Il lui dit: « Pais mes agneaux. »

 

Il lui dit encore, une deuxième fois: « Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? »

Il lui dit: « Oui, Seigneur, toi, tu sais que je te chéris. »

Il lui dit: « Conduis mes ovins. »

 

Il lui dit une troisième fois: « Simon fils de Jean, me chéris-tu ? »

Pierre s’attriste de ce qu’il lui demande pour la troisième fois: « Me chéris-tu ? 

Il lui dit: « Seigneur, toi tu sais tout. Toi, tu sais donc que je te chéris. »

Jésus‘ lui dit: « Pais mes ovins. »

Simon, alors, est appelé à être le serviteur de tous. C’est à ce titre que Jésus lui répète le « suis-moi » initial, qu’on peut tout aussi bien traduire par « accompagne-moi » ou encore « viens avec moi ». Comment le reçoit-il ? Ce qui est sûr, c’est que Jésus devra encore le lui répéter une dernière fois… mais cela c’est pour demain.

 

Introduction au Notre Père

Nous qui sommes attendus au cœur de cet amour agapè qui unit le Père et le Fils, redisons avec confiance la prière que Jésus lui-même nous a apprise.

 

Prière:

Seigneur, rends-nous attentifs à ta Parole, à ces mots qui ne s’adressent qu’à nous, à chacun et chacune. Nous qui sommes de ton troupeau, sur qui se déploie ta tendresse, donne-nous le souci de nos frères et sœurs. En répondant à ton appel, en t’accompagnant, nous sommes auprès d’eux les messagers de ta Bonne Nouvelle. Toi le seul vrai berger, rassemble-nous en ton amour, toi qui es vivant, avec le Père et l’Esprit, aujourd’hui et pour toujours.


jeudi 20 mai 2021

Liturgie de la Parole, 7e jeudi du Temps Pascal

(sœur Bernadette)


Introduction :

Aujourd’hui les deux lectures nous parlent de l’unité. Avant sa mort, Jésus implore son Père : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. […] Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un » (Jn 17,21) Pourquoi cela semble-t-il si important pour Jésus ? Pensait-il seulement à l'unité entre ses disciples ou faisait-il déjà référence à l'unité de la famille humaine, comme il est écrit dans le livre de Tobie : « De nombreuses nations viendront de loin vers le nom du Seigneur Dieu ».[1]


Lectures : Ac 22,30 ; 23,6-11 // Ps 15(16) // Jean 17,20-26


Méditation : 

Avant d'essayer de répondre aux questions posées (unité entre ses disciples ou unité de la famille humaine), je voudrais reproduire avec mes propres mots un court extrait de la pièce "Nathan le sage", la "parabole de l'anneau", de Gotthold Ephraïm Lessing, datant du 18e siècle.

« Un père avait trois fils. Dans sa famille, il y avait une bague de la plus haute valeur qui était donnée au fils le plus cher, quel que soit son âge. Cet anneau possédait le pouvoir secret de rendre agréable aux yeux de Dieu et des hommes celui qui le portait. Mais le père éprouvant un même amour pour chacun de ses fils, ne voulait faire de peine à aucun. Il a donc fait confectionner deux autres bagues identiques. Avant sa mort, il a donné à chacun sa bénédiction et une seule des bagues. Il mourut et à peine inhumé une querelle éclata entre les fils pour savoir qui avait la vraie bague. Ils en référèrent à un juge qui leur dit : "J'entends dire que le véritable anneau possède le pouvoir miraculeux de rendre son propriétaire agréable à Dieu et aux hommes ? Les faux anneaux ne pourront certainement pas le faire ! Mon conseil est le suivant : puisque chacun de vous a reçu la bague de son père qu’il considère qu’elle est la vraie !  Qu’il vive avec amour, sans nourrir de préjugés, avec bienveillance et cordialité et dans la plus profonde dévotion à Dieu. »[2]

"Que souhaite une mère ou un père mourant, pour ses enfants ? Qu'ils ne fassent qu'un ! Qu'ils s'entendent, se soutiennent, s'entraident ! Unité et paix".[3] C'est l'intention cachée du père dans la parabole. Il aime les trois fils de manière égale, il désire la concorde et la paix entre eux. Lessing a basé la pièce sur la structure interreligieuse des juifs, des musulmans et des chrétiens. L'œuvre, avec des personnages issus de différentes cultures, religions et civilisations, prend une tournure qui montre à quel point l'humanité est étroitement imbriquée.

Bien que différents, nous sommes tous "enfants et créatures" d'un seul et même Père. "Une seule humanité sur un seul bateau à bascule appelé Terre".[4] " Sans l'autre, il nous manque une partie de nous-mêmes."[5] Chacun est une petite pièce du puzzle dans le grand schéma de la création.

Il est regrettable de voir que les gens ne s'éloignent pas seulement de Dieu, mais aussi les uns des autres. Nous sommes appelés et créés pour être en union avec tous nos frères et sœurs. L’unité est possible dans la diversité.

"L'unité des religions peut même être vécue comme une interpénétration mutuelle qui apporte le salut. Dieu voulait manifestement que des personnes différentes, de langues différentes, de religions différentes, apprennent à s'entendre les unes avec les autres. C'est en apprenant à aimer leur altérité qu'ils peuvent devenir capables de dépasser leur égocentrisme."[6] Surtout aujourd'hui dans « la situation mondiale de crise fondamentale face à la sécularisation »[7], ce serait un signe lumineux qui donnerait l'espoir d'une coexistence pacifique dans ce monde unique.

Si nous nous rapprochons les uns des autres, si nous travaillons ensemble, si nous nous écoutons les uns les autres et si nous nous traitons avec amour, alors le monde se rendra compte que celui qui se tient derrière nous et qui nous donne de la force, c'est Dieu. Partout où cette "culture de la rencontre" est pratiquée nous dit le pape François, la lumière jaillit car il n’est pas d’argument plus puissant qu’une parole d’amour.

"Le Seigneur veut l'unité globale de tous en ce temps qui est le nôtre, afin qu'en elle tous trouvent le salut. De même que l'amour ne dit jamais : assez, c'est assez, de même nous ne devons jamais dire : maintenant nous avons réalisé assez d'unité, restons-en là"[8].

Le désir de Jésus est l'unité parfaite." Que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux " (Jn 17, 26) Mais la nature nous apprend que tout commence petitement.

 

Notre Père : 

Confiants en toi, nous prions comme tu nous l'as enseigné.

 

Prière de conclusion : 

« Seigneur, créateur de l'unique famille humaine, ton nom est vie, paix, shalom et salaam. Que ce nom soit nommé et loué par tous. Rassemble tous les peuples à l'ombre de Ta magnanimité et accorde-leur de s'unir dans un même élan, de devenir comme les rayons d'un soleil, les vagues d'une mer et les fruits d'un arbre. Aide-les à trouver en Toi la force de surmonter les peurs et la méfiance, de grandir dans l'amitié et de vivre en harmonie les uns avec les autres. »[9]



[1] Tobie 13,13

[2] Gotthold Ephraim Lessing; Nathan der Weise, Ringparabel, leichte Abwandlung

[3] Kardinal Christoph Schönborn

[4] Michael von Brück; Einheit der Religionen als Herausforderung für das Christentum; aus „Lebendige Seelsorge“; 1994

[5] Panorama; Soeur Dominicaines du Monastère Notre-Dame de Beaufort; 20.05.2021

[6] Michael von Brück; Einheit der Religionen als Herausforderung für das Christentum; aus „Lebendige Seelsorge“; 1994

[7] Michael von Brück

[8] Bischof em. Paul-Werner Scheele, Würzburg 1. VORTRAG: „ALLE SOLLEN EINS SEIN“ (Joh 17. 21) DAS TESTAMENT DES HERRN

[9] Fusion de trois priéres de : Papst Johannes Paul II, Hermann Schalück, Bahai-Gebet