1 Jn 4, 11-15
Le
texte (traduction : Traduction de la Bible de Jérusalem) :
« 11 Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous
aimer les uns les autres.
12 Dieu,
personne ne l'a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu
demeure en nous, en nous son amour est accompli.
13 À ceci
nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de
son Esprit.
14 Et nous,
nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme
Sauveur du monde.
15 Celui qui
confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu »
Prière (suggérée
par Enzo Bianchi) :
« Notre Dieu, Père de la
Lumière, tu as envoyé dans le monde ton Fils, Parole faite chair, pour te
manifester à nous, les hommes.
Envoie maintenant sur
moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette
Parole qui vient de toi ; afin que je la connaisse plus profondément et
que, en la connaissant, je l’aime plus intensément pour parvenir ainsi à la
béatitude du Royaume. Amen »
Lecture verset par
verset :
Jean, comme beaucoup d’auteurs, a des thèmes de
prédilection, des découvertes, des émerveillements qu’il se plaît à répéter.
Dans le partage johannique du mois de février, je
partais de sa déclaration « Voyez de quel grand amour le Père nous a fait
don » (1Jn 3, 1).
Un chapitre plus loin, le thème de l’amour de Dieu
est de nouveau proposé à notre méditation.
L’amour de Dieu n’est pas chez Jean un thème parmi
d’autres. Il est fondamental. De lui, découle toute sa théologie, toute sa
pastorale, tout son enthousiasme.
(v. 11) « Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer
les uns les autres »
Pour
bien comprendre ce verset, il convient de se reporter à ce qui précède.
L’adverbe « ainsi » synthétise l’expression de l’amour de Dieu :
« … Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par
lui. En ceci consiste l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais
c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation
pour nos péchés » (3, 9-10).
Telle est la prise de conscience primordiale :
l’amour de Dieu s’est exprimé par l’envoi de son Fils et cet amour de Dieu
précède le nôtre.
Dès lors, notre verset 11 en tire une conséquence.
On pourrait s’attendre à lire la déduction qui suit : « Si Dieu nous
a ainsi aimés… », nous devons l’aimer nous aussi. Or, Jean introduit ici
l’amour des autres qui atteste de notre amour de Dieu.
On peut être surpris que l’amour de Dieu soit
l’objet d’un devoir (« nous devons nous aimer… »). Cette question va
recevoir une forme de réponse dans les versets suivants.
(v. 12) « Dieu, personne ne l'a jamais
contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous
son amour est accompli »
Face à cet amour qui nous précède, Jean déclare que
« Dieu, personne ne l'a jamais contemplé ». Cette assertion est aussi
attestée dans le Prologue du quatrième évangile : « Nul n'a
jamais vu Dieu… » (Jn 1, 18)[1].
Dieu n’a certes été vu de personne[2],
dit Jean, mais l’amour mutuel le révèle. Bien plus « en nous son amour est
accompli ». Le lien entre Dieu et l’amour est étroit : c’est même un
lien d’identité. Le chapitre 4 qui nous occupe l’affirme à deux reprises :
« Dieu est Amour » (4, 8.16). Dès lors, l’amour qui unit les
disciples de Jésus est le signe de la présence de Dieu.
(v. 13) « À ceci nous connaissons que nous
demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de son Esprit »
En ce verset, Jean éclaire le secret de l’amour
mutuel. Ce n’est pas d’abord un amour spontané ou d’affinité : c’est la
présence de l’amour de Dieu en nous. C’est l’Esprit de Dieu, Esprit d’amour,
qui nous entraîne à aimer. Il y a un élan, une impulsion, un dynamisme.
Dieu dépose en nous son Esprit et nous pouvons
aimer les autres de cet amour-là, cet amour de Dieu puisé au creux de nos
cœurs.
Notons que cet amour n’est pas contraignant. Il est
le résultat d’un choix, d’une liberté. Accueil de cet amour qui vient de Dieu,
disponibilité pour qu’il s’exprime à travers nous, ouverture à cet amour qui
nous précède et nous invite.
(v. 14) « Et nous, nous avons contemplé et
nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde »
La contemplation dont Jean fait état est celle de
la venue de Jésus sur notre terre, celle de l’Incarnation. Cet envoi du Fils
est un leitmotiv de toute la littérature johannique[3].
Cette déclaration est le fruit de sa méditation, de
sa prière, certes, mais aussi de son expérience. Cette épître fut écrite par
Jean dans sa maturité. Le vieux Jean livre le secret de sa vie : sa
rencontre avec la Trinité, Père, Fils (v. 14) et Esprit (v. 13). L’évidence de
cet Amour…
Quant à l’expression de « sauveur du
monde », elle n’est guère fréquente[4],
mais elle suggère que le Christ n’est pas Dieu d’un seul peuple. Jean destine
la Bonne Nouvelle à tout homme, toute femme. Au monde entier…
(v. 15) « Celui qui confesse que Jésus est le
Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu »
Jean change ici de registre. Il n’écrit plus en
« nous » mais « celui qui ». Il ouvre la perspective :
les destinataires ne sont pas les seuls membres de la communauté, mais tout
auditeur, tout lecteur qui se laisse toucher par la Bonne Nouvelle. Comme au
verset 14, Jean vise l’universalité. Il mène la communauté aux périphéries…
Nous
découvrons ici une autre preuve de la présence de Dieu. S’il s’agissait
ci-dessus de l’amour de Dieu, Jean évoque ici la confession de la foi.
Tel est d’ailleurs le double commandement de Dieu
selon la première épître de Jean[5] :
« Or voici son commandement : croire au nom de son Fils Jésus
Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous en a donné le
commandement » (1Jn 3, 23).
Ainsi, cet amour de Dieu au creux de nous est une
invitation à une double démarche : aimer et confesser.
Dans ces démarches, nous ne sommes pas seuls. Par
son Esprit, déposé au creux de nos cœurs, Dieu demeure avec nous…
Prière :
Seigneur Dieu, ton amour est à l’origine de tout. Et
d’abord de notre émerveillement… Nous t’en rendons grâces.
Si nous nous laissons rejoindre par ton Esprit, si nous
ouvrons notre cœur à ton amour, notre vie en sera transformée. Alors, les
autres seront des frères et sœurs. Et tu seras un Père.
Cet Amour qui est toi sera notre rocher. Rien ne pourra
nous ébranler. Amen
Sr Marie-Jean
[1] Au
sens strict, le verbe grec n’est pas identique de part et d’autre.
« Voir » dans l’évangile ; « contempler » dans
l’épître. Nous ne nous attarderons pas à ces subtilités, même si nous pensons
que le choix des mots n’est pas anodin.
[2] Dans
l’évangile, la suite révèle celui qui, lui, a vu Dieu : « le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l'a fait
connaître » (Jn 1, 18).
[3] L’appellation de Jésus
comme « envoyé », ainsi que les déclarations sur l’envoi du Fils sont
récurrentes dans le quatrième évangile. Parmi d’autres, citons : « Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde
pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ».
[4] Elle est aussi la
confession des Samaritains dans l’évangile « Ce n'est
plus sur tes dires que nous croyons ; nous l'avons nous-mêmes entendu et nous
savons que c'est vraiment lui le sauveur du monde » (4, 42).
[5] Dans
l’évangile, l’amour est le seul commandement : « Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je
vous ai aimés » (Jn 15, 12).
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