Luc 1,57-66 Liturgie de la Parole 23 décembre
1ère lecture : Malachie 3 ;1-4.23-24
Homélie
Frères et sœurs ce passage de l’Évangile est tout à fait dans le thème de notre retraite, puisqu’il a inspiré un des sermons les plus célèbres de Maître Eckhart, c’est le sermon numéro 11 qui est d’ailleurs intitulé Impletur tempus Elisabeth, le temps d’Élisabeth est accompli. Et comme vous vous en doutez, Eckhart voit dans cette naissance de Jean-Baptiste un symbole, pourra-t-il dire, de ce l’âme humaine doit faire : elle doit parvenir à engendrer en elle, engendrer en fait, le Fils même de Dieu. Et c’est ce fameux thème dont je vous ai déjà parlé, que nous allons encore ressasser, si je puis dire, durant les causeries de ce deux jours, à savoir la naissance de Dieu dans l’âme, la naissance du Fils dans l’âme ou la naissance de l’âme en Dieu. Eckhart accordait d’ailleurs beaucoup d’importance au fait que l’on nous dit que le temps d’Élisabeth est accompli. Évidemment la gestation est un processus qui demande du temps et qui doit bien entendu arriver à son terme. Mais Eckhart qui voit ça avec ses yeux et son intelligence à lui , nous dit en substance ceci : qu’est-ce que c’est que l’accomplissement du temps ? et bien l’accomplissement du temps c’est la fin du temps. Le temps est fait pour déboucher sur autre chose que lui, à savoir, bien entendu, l’éternité. Et lorsqu’il s’agit de faire naître en soi le Fils, faire naître Dieu dans l’âme, il y a un processus préparatoire, évidemment, mais une fois que l’âme est prête, c’est instantanément, donc sans aucune durée, pour ainsi dire en dehors du temps, en un instant éternel que cette naissance a lieu.
Mais nous allons retomber un peu sur terre, si vous le voulez bien, ces grandes envolées. Et je suis frappé par le comportement du voisinage dans cet évangile et de la famille. En fait bien entendu, ils se réjouissent de la naissance de Jean. Ils viennent le jour de la circoncision entourer Zacharie et Élisabeth, pour leur faire des félicitations pour cette naissance. Mais on voit très bien finalement que ces gens sont tournées essentiellement vers le passé. Il s’agit d’appeler l’enfant du nom de son père, Zacharie ça signifie d’ailleurs Dieu se souvient. Et donc où est-ce que l’’on prend la peine de se souvenir ? Mais de choses qui sont petit à petit érodées par le temps et qu’on cherche pour ainsi dire à maintenir un petit peu envie en s’en souvenant. Dans le fond, ce qui est important pour eux, c’est que Élisabeth soit devenue mère, que tout soit pour ainsi dire rentré dans l’ordre. On a même de la compassion finalement pour elle parce qu’elle était restée stérile ce qui est une véritable malédiction pour une épouse à l’époque. Mais voilà, heureusement tout rentre dans le rang si vous voulez, les traditions se perpétuent etc. et tout va bien !
Mais en réalité il ne s’agit pas tellement de se souvenir de ce passé, d’être tourné vers ce passé, si glorieux soit-il , comme nous le dit le prophète Malachie. On ne doit pas nécessairement faire en sorte que tout soit comme dans les jours glorieux d’autrefois. Il s’agit d’être à la hauteur de l’évènement et cet événement c’est que Dieu a fait grâce ! Et cette grâce de Dieu, elle est envoyée par Dieu, elle est donnée par Dieu pour donner vie au présent, pour le tourner vers un avenir. Il y a pour ainsi dire une promesse dans cette action de Dieu à travers la naissance de cet enfant. Finalement la naissance de Jean n’est pas pour répéter un passé mais pour porter quelque chose de nouveau. Et d’ailleurs toute naissance, quand on y réfléchit bien est une opportunité de sortir un peu du ronron habituel, pour proposer, pour enclencher finalement, quelque chose de neuf. Chaque naissance est une opportunité de nouveauté, de virage finalement vers un avenir que l’on ne fait au point de départ, bien entendu, qu’entrevoir, d’anticiper.
Frères et sœurs, dans ces jours qui nous séparent de Noël, demandons-nous un petit peu : mais qu’est-ce que c’est Noël pour moi, pour mes proches ? Est-ce que c’est simplement une tradition qui perpétue le passé ? Toute cette polémique à propos de la crèche sur la grand place de Bruxelles, elle témoigne finalement de la mentalité d’une partie de la population : Noël c’est la tradition, c’est la crèche, c’est le sapin, c’est la famille. C’est un petit ronron bien agréable bien entendu, mais qui n’engage pas à grand-chose. Est-ce que nous acceptons, au contraire, que cet Enfant de Noël, cet Enfant de la crèche nous déstabilise, nous sorte un peu, j’allais dire, de nos certitudes et notre ronron ?
Relevez la tête, voici que votre délivrance est proche.
Père Jean-Michel Counet Hurtebise 23 décembre 25
